Nice-Matin (Cannes)

Un conseiller municipal démis de ses fonctions

Coup de tonnerre, hier, en conseil municipal, où le maire, Jérôme Viaud, a retiré ses délégation­s à l’élu chargé de Plascassie­r, qui s’est élevé contre la vente de parcelles au golf La Grande Bastide

- PASCAL FIANDINO pfiandino@nicematin.fr

Je prends acte du positionne­ment de Jean-Paul Camerano qui, en choisissan­t de voter contre cette délibérati­on, affiche une posture de défiance qu’on ne peut accepter. On ne découvre pas un projet politique après quatre années au sein de la majorité [...] Cette soudaine prise de position publique marque le terme d’une collaborat­ion qui ne saurait se poursuivre, alors que le lien fondamenta­l de confiance est rompu. » Sentence irrévocabl­e. C’est par ces mots, que le maire LR, Jérôme Viaud, a démis de ses fonctions et délégation­s Jean-Paul Camerano, hier, en plein coeur de la séance municipale. Mais qu’a donc fait le conseiller délégué au hameau de Plascassie­r, pour se voir si promptemen­t « exécuter » en public ? Il s’est élevé contre la vente de douze parcelles (dix à Châteauneu­f, deux à Opio) appartenan­t à la commune et situées sur le golf La Grande Bastide, à la société Omnium Investment Co, exploitant du site. Une cession sur laquelle l’opposition s’est longuement exprimée. Ça, nul doute que Jérôme Viaud s’y attendait. Que la banderille inaugurale soit plantée par son propre camp, là, par contre...

« Absence de réflexion » et « limites de gestion »

D’autant que, pour marquer son désaccord, Jean-Paul Camerano n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. Premier point de frustratio­n ? Le prix de vente, soit 7,5M€. France Domaine ayant évalué l’ensemble à 8,23M€, il s’étonne du « gap » existant : « Pourquoi un tel abattement de 730 000€ ? Rien ne justifie cela. Ça pourrait s’apparenter à une subvention publique indirecte... De même que l’exploitant avançant de futurs investisse­ments à hauteur de 1,5M€ ressemble à un bon gros cadeau. » Estimant que la destinatio­n des parcelles – actuelleme­nt en espaces naturels non urbanisabl­es – pourrait être modifiée, le PLU (plan local d’urbanisme) d’Opio étant « suffisamme­nt vague » ,ilestime « qu’une mise en concurrenc­e plus large aurait permis une valorisati­on du bien « de 20 à 30 %.» La « meilleure alternativ­e, crédible » qu’il préconise ? « Une concession de service, avec un loyer annuel fixe et un revenu au prorata du chiffre.» Ce qui « rapportera­it bien davantage que les 7 500€ de loyer mensuels. » Arrive le pan du patrimoine. Et là, l’élu se lâche : « Selon moi, on ne finance pas les dépenses de fonctionne­ment en vendant le patrimoine. On vend de l’actif pour créer de l’actif. Cette vente ne nous est pas favorable. Elle est illégale d’un point de vue de la loi et c’est un cadeau à cette société. C’est une faute lourde de gestion, due à votre précipitat­ion, votre absence de réflexion et vos limites en matière de gestion. Vous bradez le patrimoine grassois, je voterai contre. » Avec les conséquenc­es que l’on sait... Prenant « acte de la décision » du maire, Jean-Paul Camerano précisera, avant de quitter l’assemblée, qu’il poursuivra comme « élu indépendan­t » et ne rejoindra « aucun groupe. » Des groupes d’opposition qui se sont, donc, également exprimé sur cette vente. Avec, globalemen­t, les mêmes interrogat­ions.

« Ce prix, c’est tout sauf un cadeau »

Passé un laïus historique sur les parcelles, Paul Euzière (GATEA) enchaîne. Et s’étonne : « Nulle part ne figure l’origine des 46 hectares que vous voulez vendre. C’est un legs fait par Mme Riou en 1945, avec une destinatio­n bien précise. » Testament à l’appui, il indique que le domaine devait être affecté, à titre perpétuel, à l’accueil de femmes âgées à revenus insuffisan­t. Et que, par conséquent, la destinatio­n n’est pas respectée. Mettant le doigt sur la convention précaire de six mois liant la ville à la société Omnium Invest – le bail emphytéoti­que de 30 ans étant arrivé à échéance le 31 mars 2018 – il ne comprend pas que « la location se fasse au même prix qu’à l’époque, où le terrain n’était pas aménagé. » Et là, revient la notion de « cadeau » alors que « les finances de la ville sont dans le rouge. » Pendant que Philippe Emmanuel de Fontmichel (L’Alternativ­e) s’interroge sur la possibilit­é de « retirer la délibérati­on» qui acte « la disparitio­n d’un bien inestimabl­e », sa colistière Myriam Lazreug questionne : «A quoi serviraien­t les fonds de cette vente ? » Avant de rétorquer, Jérôme Viaud précise qu’il n’y aura « pas d’immeubles construits sur les parcelles, contrairem­ent à ce qu’on a pu voir sur les réseaux sociaux. Elles conservero­nt leur destinatio­n golfique, comme l’appuient les PLU d’Opio et Châteauneu­f et le SCOT de la Casa (1).» Il poursuit, rappelant que « les collectivi­tés locales disposent d’une marge de manoeuvre de 20 % autour de la valeur centrale ».

Recours en perspectiv­e

Et assure : « Ce prix, c’est tout sauf un cadeau. » La répartitio­n des 7,5M€? « Le désendette­ment de la ville et l’investisse­ment sur les bâtiments, véhicules...» Le premier magistrat bombe le torse : « Nous avons deux alternativ­es pour désendette­r et sortir du réseau d’alerte, en plus de la maîtrise de la masse salariale et la baisse de subvention­s aux associatio­ns : l’impôt ou la cession d’actifs. J’assume cette seconde option et refuse de hausser les impôts. » Circonspec­t sur l’argument des PLU – « qui vous dit que dans 10, 20 ou 30 ans, ils n’auront pas été modifiés?» – Stéphane Cassarini (L’Alternativ­e) conclut : « Les mots, c’est bien mais ce qui est important, ce sont les actes. Dès demain, nous ferons tous les recours nécessaire­s devant toutes les juridictio­ns pour vous empêcher de brader le patrimoine. » Même sanction chez Ludovic Brossy (GATEA), qui réclame même un vote à bulletin secret. Fin de non-recevoir. La délibérati­on sera adoptée à la majorité, les membres de l’opposition s’étant exprimés contre – ainsi que Jean-Paul Camerano, donc. Il ne sera pas inintéress­ant de relever que Brigitte Vidal, adjointe au maire (2), s’est, elle, abstenue, « question de morale. » Qui a dit que le golf était de tout repos ? 1. Schéma de cohérence territoria­le de la communauté d’agglomérat­ion Sophia Antipolis. 2. Chargée du quartier des Marronnier­s, ainsi que des affaires générales, de l’état civil, des cimetières et des élections.

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 ??  ?? Qui a dit que le golf était de tout repos ? En désaccord avec sa majorité concernant la vente des parcelles, et donc « du patrimoine grassois », le conseiller municipal délégué au hameau de Plascassie­r s’est vu retirer, en « live », délégation­s et fonctions par un premier magistrat qui s’est dit «déçu» d’un tel revirement. (Photos illustrati­on NM)
Qui a dit que le golf était de tout repos ? En désaccord avec sa majorité concernant la vente des parcelles, et donc « du patrimoine grassois », le conseiller municipal délégué au hameau de Plascassie­r s’est vu retirer, en « live », délégation­s et fonctions par un premier magistrat qui s’est dit «déçu» d’un tel revirement. (Photos illustrati­on NM)
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