Un an requis contre le tueur d’un chien
Le procureur de la République a mis en garde contre un jugement qui serait rendu sous la pression de l’opinion. Cet ex-légionnaire grassois de 72 ans avait tué son yorkshire à coups de marteau
Le septuagénaire est arrivé au tribunal de Grasse, hier en début d’après-midi, un peu voûté, le visage parsemé de rides horizontales. La mâchoire et les yeux en proie à des spasmes nerveux permanents. M. P., 72 ans, ancien légionnaire d’origine allemande, a avancé son allure maladive jusqu’à la barre. Il était jugé pour avoir tué « Cacahuète », un yorkshire de 9 ans. D’un coup de marteau. C’était le 28 juin dernier dans la cave de son appartement de Grasse. Il a commis ce geste, a-t-il expliqué hier, parce que son chien faisait souvent ses besoins à l’intérieur de l’appartement. Le yorkshire l’aurait, ce jour-là, « regardé, et fait ses excréments dans la salle ». M. P. avait alors pris un marteau, un sac, des serviettes, et était allé sauvagement en finir à la cave. L’autopsie révélera plusieurs coups de marteau. Sa compagne invalide, horrifiée, avait appelé les policiers. Le chien avait été ramassé, errant dans la rue, deux ans plus tôt, et ramené au domicile familial. De nombreuses associations de défense des animaux étaient présentes sur le banc des parties civiles. Parmi elles, Au service des animaux 06 qui avait déposé plainte, et les fondations Brigitte Bardot, 30 millions d’amis et Assistance aux animaux (lire ci dessous).
Mise en garde
Des anonymes, nombreux, étaient venus assister au procès, manifestant souvent leur réprobation. Une humeur que la présidente, Pascale Segrera, et le procureur de la République, Marie-Nina Valli, ont dû tempérer, menaçant même de faire évacuer la salle. À la barre, M. P. apparaît bien seul, sans avocat, en jean trop long, grossièrement ourlé, pieds enfoncés dans des baskets grises et neuves. Le retraité au visage parcheminé triture une pochette kraft de laquelle il sort de temps en temps un document, justifiant de son état de santé. À l’arrière de la salle, chacun de ses gestes est commenté. Le procureur se tourne vers la présidente, statuant à juge unique, et la met en garde : « C’est vous seule qui allez prononcer cette peine, ce n’est pas la clameur publique. » Elle faisait notamment référence aux 98 000 signatures d’une pétition en ligne appelant à une « peine exemplaire ». Mais aussi à l’avalanche de mails, lettres et autres messages reçus par le parquet de Grasse depuis les faits. « Parfois un être humain en tue un autre, et il n’y a pas de pétition », regrette-t-elle. Insistant sur le devoir d’individualiser le quantum en fonction de la personnalité du prévenu, Marie-Nina Valli a requis un an de prison dont six mois avec sursis. Mais aussi une obligation de soins et une interdiction définitive de détenir un animal.
Il s’appelait Coyote
Le procureur déplore au passage l’absence de la véritable propriétaire, pourtant retrouvée lors de l’enquête, mais absente à l’audience. « On ne peut obliger personne à être partie civile, mais c’est quand même surprenant », note-t-elle. On apprendra d’ailleurs que « Cacahuète » se prénommait en fait « Coyote » avant d’être recueilli par son bourreau. Ces six mois ferme requis par le procureur ont soulevé un mouvement de grogne dans la salle. Le prévenu encourait jusqu’à deux ans. S’exprimant difficilement, avec un fort accent, M. P. s’est justifié par un accès de colère, l’arrêt de médicaments pour le coeur et les nerfs, et trois bières ingurgitées ce jour-là. Il dit consulter de temps à autre un psychiatre, toucher 700 euros par mois, et affirme regretter son geste. « C’est dégueulasse ce que j’ai fait ». Il apparaît de son témoignage que personne ne sortait le chien. Quand la présidente lui demande ce qu’il a à dire, il répond d’un air las : «De toute façon, avec toutes les associations qui sont ici, je suis déjà jugé. » Le jugement a été mis en délibéré. Il sera rendu le 23 octobre prochain.