Juste la fin du monde pour les crudivores d’émotions
Interview Julien Gaspar-Oliveri propose de découvrir le texte de Jean-Luc Lagarce incarné par les comédiens d’Antibéa. Une oeuvre toute crue à découvrir dès vendredi
Juste la fin du monde. Et bien plus que ça. Après avoir proposé une première adaptation de l’oeuvre de Jean-Luc Lagarce, Julien Gaspar-Oliveri invite les comédiens d’Antibéa à explorer de nouvelles failles, de nouvelles profondeurs. À découvrir au théâtre antibois dès vendredi soir.
Comment a évolué la pièce ?
En travaillant le texte la première fois, nous étions dans la restitution de la langue. Puis, lorsque Dominique Czapski [N.D.L.R. directeur artistique du théâtre Antibea] m’a proposé d’ouvrir la saison, je voulais aller dans le bouleversement, m’attacher plus au corps qu’à la pensée, avec le corps comme continuité de cette dernière. Notre engagement c’est de restituer au mieux le symptôme de cette histoire de famille. On a approfondi largement le spectre. On a viré tous les « à côté », les meubles, cet espèce de confort. Maintenant c’est complètement un vertige pour les comédiens. On est dans quelque chose qui émerge…
Créer le déséquilibre pour trouver un nouvel équilibre…
Et toujours s’approcher au plus près de l’écriture. Parfois c’est intéressant d’être un peu irrespectueux, c’est bien de ne pas faire un théâtre mausolée. C’est hyper important de venir secouer les choses, surtout aujourd’hui à l’heure des réseaux sociaux. Dans un théâtre, pendant h on peut être complètement happé par quelque chose de vivant.
Comment avez-vous travaillé avec les comédiens ?
À Antibéa, les acteurs sont pingpong, très élastiques et très souples. Ici, il y a un travail autour de l’humain, une vraie enquête sur l’individu, sur sa place. Les comédiens s’adaptent grâce à la richesse du répertoire, l’exigence de Dominique Czapski, le travail qu’il met en place. Leur grand point majeur : c’est leur sensibilité. Elle est telle, parfois, qu’il est possible de jouer du jour au lendemain un texte…
Vraiment ?
Oui : un comédien il faut l’aimer beaucoup, l’encourager et arrêter de le regarder, le laisser complètement libre… Dans la mesure où vous l’avez dirigé en amont. La grande magie c’est qu’à Antibea on peut les mettre dans un décor de trois mètres de haut ou rien du tout : ils s’en sortiront toujours.
Quelle liberté avez-vous en tant que metteur en scène ici ?
C’est intéressant ça… Cette bascule. J’ai joué ce texte au conservatoire, alors il y avait une espèce de sacralisation au démarrage. Et ce sentiment d’être toujours en dessous de l’auteur. Ce qui est vrai mais qui empêche de faire certains choix. J’ai presque reçu en travaillant à nouveau le texte, une autorisation d’arrêter cela. Cela me permet d’aller dans le plus boursouflé, le plus interdit, le plus caustique. Le plateau peut les tuer : il n’y a qu’eux. Si un seul n’y est pas, toute la pièce perd son rythme. Mais c’est merveilleux de laisser un texte « dormir » et le retrouver comme si c’était hier. C’est une transformation, oui.
Et aussi amener les accidents sur le plateau…
Je ne vois pas la représentation comme un temps figé mais comme un temps d’expérimentation en se confrontant au public. D’ailleurs, il y a deux visions de cette pièce : un des personnages passe son temps à se raconter au public tandis que les membres de sa famille ne peuvent pas l’entendre. Ce ping-pong met au centre quelque chose de primordial. Et c’est bien pour cela que je ne considère pas que mon rôle de metteur en scène s’arrête quand la représentation débute. Quant aux accidents j’espère bien qu’ils vont prendre place sur scène, oui ! Savoir + Juste la fin du monde de Jean-Luc Lagarce, vendredi et samedi à 20 h 30, dimanche à 16 heures, vendredi 5 et samedi 6 octobre à 20 h 30, dimanche 7 octobre à 16 heures, vendredi 12 et samedi 13 octobre à 20 h 30 et dimanche 14 octobre à 16 heures, au théâtre Antibea, 15 rue Georges-Clemenceau à Antibes. Tarifs : 14 à 16 euros. Rens. 04.93.34.24.30.