Nice-Matin (Cannes)

“J’ai vu qu’il y avait ce défi qui allait me rebooster”

Remis d’un cancer du poumon contracté en 2016, Gérard Cain s’est plongé dans la marche nordique pour se dépenser à travers des challenges XXL. Le prochain? Une traversée du désert mauritanie­n

- PROPOS RECUEILLIS PAR VIVIEN SEILLER sports-antibes@nicematin.fr

changer avec Gerard Cain, c’est se heurter à une véritable leçon de vie. Si l’Antibois d’adoption marche entre 27 et 30 kilomètres par jour avec ses bâtons en bord de mer, c’est parce qu’un cancer du poumon contracté en 2 016 l’a poussé à l’exercice. Mais le natif du Val-de-Marne pratique sa discipline à l’extrême. En novembre 2019, le sexagénair­e se lancera ainsi dans une traversée de 1000 km du désert Mauritanie­n. Même s’il passera par le stade intermédia­ire avec une épreuve de 333 km en décembre, toujours en Mauritanie. « Le principe est le même. Si je n’arrive pas à terminer la 333, ça ne sert à rien que je m’engage sur la 1000 km!»

« Le défi d’une vie,   kms non stop » : c’est parlant comme communicat­ion !

J’avais déjà fait  km mais là c’est , c’est monstrueux. Ça va être long, il va falloir rester dans les délais des coureurs.

Comment vous est venue cette idée folle ?

Après le cancer, j’ai vu qu’il y avait cette course qui allait se faire et je me suis dit : « Il faut que je le fasse. » C’est un défi pour moi, il faut que j’y sois. Ce sont des courses que je faisais avant, il faut que je termine là-dessus.

Comment s’organise-t-elle ?

C’est non-stop : on part et on arrive. Il y a un

‘‘ point de contrôle [“check point”] tous les  km pour pointer, récupérer l’eau et la nourriture et on repart. Dans le désert, - km peuvent se faire en trois heures comme ils peuvent se faire en six heures. Quand il fait  degrés on a intérêt à avoir de l’eau… On est équipé d’un téléphone satellite à utiliser en cas d’urgence, on avance au GPS et on gère son sommeil. On se repose quand on a envie, il y a une petite tente touareg aux points de contrôles. Il devrait y avoir entre vingt et trente concurrent­s, tous sélectionn­és. On ne connaît pas encore le délai maximum mais ça devrait être dans les  jours.

Quel sera votre objectif ?

Rentrer dans les délais ! [Rires]. Mon but, c’est de finir. C’est de le faire et d’avoir réussi ce défi.

Il y a de l’appréhensi­on ?

Dans ma tête,   km je les fais sans problème. Mais mon corps… C’est la question ! Je ” me suis lancé un défi mais je ne sais pas si mon corps tiendra. Depuis douze ans, j’ai vraiment mal aux jambes. Je pense souffrir du syndrome des loges () mais aucun médecin ne prescrit des examens pour valider cette pathologie.

Il faut être fort mentalemen­t pour ce genre d’épreuves !

C’est là que se fait toute la différence, au mental. Au niveau des coups de mou, des douleurs… Quelqu’un qui n’arrivera pas à supporter la douleur va lâcher. Mais la douleur passe, un moment ou à un autre. Les ampoules peuvent par exemple faire très mal mais il faut les soigner et remarcher dessus. On va “douiller” pendant troisquatr­e heures mais après on passe au-dessus. J’ai déjà ramassé des gens dans le désert qui dormaient à m du point de contrôle, ils ne savaient pas qu’ils avaient la force de l’atteindre.

Revenons à votre envie de partir dans ces défis fous…

Après la maladie, on m’a dit : « Maintenant, Monsieur Cain, il faut bouger. » Je n’ai plus qu’un poumon. Si je ne veux pas que mon poumon perde ses capacités, il faut

‘‘ l’entretenir. Comme je ne pouvais pas courir, il fallait que je marche.

Comment avez-vous appris l’existence de la maladie ?

Il y a deux ans et demi on cherchait pourquoi j’avais mal aux muscles et ça n’avançait pas. J’avais un peu pété les plombs et j’avais demandé un rendez-vous à l’hôpital Pasteur en disant que je voulais qu’on m’ausculte aussi le coeur et les poumons. Je le sentais. Il fallait que j’avance. J’ai passé un examen du coeur et un autre des poumons après lequel on m’a dit qu’il y avait une tumeur. Ils ont fait des prélèvemen­ts et c’était le cancer du poumon. Je suis passé par l’opération, la chimio… Quand ils m’ont annoncé le cancer, ça m’a fait ni chaud-ni froid. Au début ils devaient me retirer une partie du poumon mais quand je me suis réveillé de l’opération [en avril ], ils m’ont dit qu’ils avaient retiré tout le poumon et c’est là que j’ai pris un coup derrière la tête. J’ai mis ” à peu près quatre heures pour réaliser, reprogramm­er, me dire que ma vie n’allait plus être la même… Après quatre heures, c’était fini et j’ai vu qu’il y avait ce défi qui allait me rebooster.

Cette épreuve vous a renforcé sur le plan mental ?

Le mental je l’ai toujours eu. C’est plutôt mon mental qui m’a aidé à supporter l’annonce du cancer. Pour moi, c’était comme si j’avais eu une grippe. Je me suis dit : « Tu es malade, on va te soigner », même si le remède n’est pas le même. Quand j’allais faire mes séances de chimio, on sentait les gens abattus. Moi je rigolais avec les infirmière­s.

Vous êtes donc considéré comme un athlète handisport ?

Aujourd’hui j’ai une carte qui signale mon handicap donc je suis handisport. Il n’y a pas de licence handisport à l’ERA (Espérance racing athlétisme Antibes) mais je reste là-bas. Avoir un seul poumon, c’est quand même handicapan­t. Paradoxale­ment, je le sens plus dans la vie courante quand je me baisse ou quand je me couche. Quand je marche, j’ai un rythme. Donc j’ai moins de problèmes.

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(Photo Jean-Sébastien Gino-Antomarchi)

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