Nice-Matin (Cannes)

D. Bussereau : «La fiscalité locale a besoin d’être revue»

Le président des Départemen­ts de France retrouve, ce soir à Marseille, ceux des Régions et des Maires pour alerter le gouverneme­nt sur le risque d’aggravatio­n des fractures territoria­les

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON

Les territoire­s, comme on dit désormais, sont plus que jamais sur le qui-vive. Ils grondent. Se sentent asphyxiés. Un grand rassemblem­ent des élus « pour les libertés locales » est ainsi organisé ce soir à Marseille. Autour du président du Sénat Gérard Larcher et de Renaud Muselier, patron de la Région Sud, il réunira le président de l’Associatio­n des Maires de France, François Baroin, celui de Régions de France, Hervé Morin, et Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des Départemen­ts de France. Ce dernier, ancien ministre de l’Agricultur­e et des Transports, aujourd’hui à la tête du conseil départemen­tal de Charente-Maritime, invite le gouverneme­nt à plus et à mieux dialoguer avec les élus de terrain.

L’Etat est-il vraiment si sourd aux difficulté­s des élus locaux ?

J’ai le sentiment que l’Etat veut renouer avec les territoire­s. Mais les décisions concrètes qui permettrai­ent de renouer le dialogue ne sont pas réunies. Malgré les paroles sympathiqu­es des dirigeants de la République, le dialogue n’a pas encore repris sur des bases saines.

La métropolis­ation promue par le gouverneme­nt vous inquiète…

C’est la marche forcée qui m’inquiète beaucoup. Pour les regroupeme­nts communaux, il y a eu en  la loi Marcellin, qui imposait des regroupeme­nts sous l’égide des préfets et qui n’a rien changé : aujourd’hui encore, des communes qui ont fusionné à l’époque défusionne­nt. En revanche, la loi Pélissard de  sur les communes nouvelles, fondée sur le volontaria­t, a permis de nombreuses créations. Il ne peut y avoir d’évolutions que s’il y a des accords entre les Départemen­ts et les Métropoles concernées. Mais toute solution qui consistera­it à opérer par la loi des fusions sans l’accord des futurs mariés ne marcherait pas.

Quel premier bilan tirez-vous du Grand-Lyon (qui a fusionné en  la communauté urbaine de Lyon et une partie du Rhône) ?

Il n’est pas exemplaire, justement. On a beaucoup travaillé dessus et on s’est aperçu que c’est un exemple qui n’est pas très fonctionne­l. Par exemple, le traitement des politiques sociales, qui est l’ADN des Départemen­ts, s’avère beaucoup plus rapide dans le Départemen­t du Rhône que dans la Métropole lyonnaise dont il n’est pas la vocation. Le Grand-Lyon est issu d’une situation particuliè­re liée à l’accord entre deux hommes, Gérard Collomb et Michel Mercier, et au fait aussi que le Départemen­t du Rhône était en quasi-cessation de paiement. Mais ce n’est pas forcément un exemple reproducti­ble partout.

Dans les Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, qui plaide pour un rapprochem­ent entre la Métropole Nice-Côte d’Azur et le Départemen­t, insiste sur le fait que sa Métropole donne toute leur place aux communes…

Par nature, et quels que soient mes liens amicaux avec Christian Estrosi, dont je partage l’ouverture d’esprit actuelle, je suis davantage en phase sur ce point avec Charles-Ange Ginésy, le président des Alpes-Maritimes. Il existe une France des villes moyennes et des petites villes qui ont besoin de la solidarité territoria­le incarnée par le Départemen­t. Les Métropoles, même si elles sont bien gérées, n’ont pas la même dimension de solidarité territoria­le.

Vous vous interrogez sur le financemen­t du Plan pauvreté du gouverneme­nt…

La cause est juste, nous la partageons, mais ce Plan représente de nouvelles dépenses pour les Départemen­ts. Nous avons d’abord à régler le problème plus global du financemen­t des allocation­s de solidarité, dont le RSA, qui pose de graves problèmes à plus d’une trentaine de Départemen­ts, avant de nous engager dans de nouvelles démarches.

De quels leviers financiers les Départemen­ts ont-ils besoin ?

On voit bien que la fiscalité locale a besoin d’être complèteme­nt revue, puisque les Départemen­ts n’ont plus que deux ressources propres, les droits de mutation et une part de l’impôt foncier. La plupart de nos ressources viennent de dotations de l’Etat, ce qui n’est pas sain. Il ne faut pas faire du coup par coup, comme avec la taxe d’habitation dont personne ne sait encore comment elle sera compensée, mais regarder la fiscalité de toutes les collectivi­tés. Et surtout ne pas faire un bonneteau qui consistera­it à nous piquer la taxe foncière pour la donner aux communes pour compenser la taxe d’habitation. Nous proposons une réflexion d’ensemble, il n’est pas possible que chacun pousse son pion au détriment de l’autre. Manuel Valls avait eu l’intelligen­ce de donner une part de TVA aux Régions, qui ont une vocation économique. On pourrait imaginer que pour les dépenses sociales, les Départemen­ts aient une part de CSG. Mais encore une fois, il faut une vision d’ensemble. Piquer à l’un pour donner à l’autre ne sera jamais une solution structuran­te.

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