D. Bussereau : «La fiscalité locale a besoin d’être revue»
Le président des Départements de France retrouve, ce soir à Marseille, ceux des Régions et des Maires pour alerter le gouvernement sur le risque d’aggravation des fractures territoriales
Les territoires, comme on dit désormais, sont plus que jamais sur le qui-vive. Ils grondent. Se sentent asphyxiés. Un grand rassemblement des élus « pour les libertés locales » est ainsi organisé ce soir à Marseille. Autour du président du Sénat Gérard Larcher et de Renaud Muselier, patron de la Région Sud, il réunira le président de l’Association des Maires de France, François Baroin, celui de Régions de France, Hervé Morin, et Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des Départements de France. Ce dernier, ancien ministre de l’Agriculture et des Transports, aujourd’hui à la tête du conseil départemental de Charente-Maritime, invite le gouvernement à plus et à mieux dialoguer avec les élus de terrain.
L’Etat est-il vraiment si sourd aux difficultés des élus locaux ?
J’ai le sentiment que l’Etat veut renouer avec les territoires. Mais les décisions concrètes qui permettraient de renouer le dialogue ne sont pas réunies. Malgré les paroles sympathiques des dirigeants de la République, le dialogue n’a pas encore repris sur des bases saines.
La métropolisation promue par le gouvernement vous inquiète…
C’est la marche forcée qui m’inquiète beaucoup. Pour les regroupements communaux, il y a eu en la loi Marcellin, qui imposait des regroupements sous l’égide des préfets et qui n’a rien changé : aujourd’hui encore, des communes qui ont fusionné à l’époque défusionnent. En revanche, la loi Pélissard de sur les communes nouvelles, fondée sur le volontariat, a permis de nombreuses créations. Il ne peut y avoir d’évolutions que s’il y a des accords entre les Départements et les Métropoles concernées. Mais toute solution qui consisterait à opérer par la loi des fusions sans l’accord des futurs mariés ne marcherait pas.
Quel premier bilan tirez-vous du Grand-Lyon (qui a fusionné en la communauté urbaine de Lyon et une partie du Rhône) ?
Il n’est pas exemplaire, justement. On a beaucoup travaillé dessus et on s’est aperçu que c’est un exemple qui n’est pas très fonctionnel. Par exemple, le traitement des politiques sociales, qui est l’ADN des Départements, s’avère beaucoup plus rapide dans le Département du Rhône que dans la Métropole lyonnaise dont il n’est pas la vocation. Le Grand-Lyon est issu d’une situation particulière liée à l’accord entre deux hommes, Gérard Collomb et Michel Mercier, et au fait aussi que le Département du Rhône était en quasi-cessation de paiement. Mais ce n’est pas forcément un exemple reproductible partout.
Dans les Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, qui plaide pour un rapprochement entre la Métropole Nice-Côte d’Azur et le Département, insiste sur le fait que sa Métropole donne toute leur place aux communes…
Par nature, et quels que soient mes liens amicaux avec Christian Estrosi, dont je partage l’ouverture d’esprit actuelle, je suis davantage en phase sur ce point avec Charles-Ange Ginésy, le président des Alpes-Maritimes. Il existe une France des villes moyennes et des petites villes qui ont besoin de la solidarité territoriale incarnée par le Département. Les Métropoles, même si elles sont bien gérées, n’ont pas la même dimension de solidarité territoriale.
Vous vous interrogez sur le financement du Plan pauvreté du gouvernement…
La cause est juste, nous la partageons, mais ce Plan représente de nouvelles dépenses pour les Départements. Nous avons d’abord à régler le problème plus global du financement des allocations de solidarité, dont le RSA, qui pose de graves problèmes à plus d’une trentaine de Départements, avant de nous engager dans de nouvelles démarches.
De quels leviers financiers les Départements ont-ils besoin ?
On voit bien que la fiscalité locale a besoin d’être complètement revue, puisque les Départements n’ont plus que deux ressources propres, les droits de mutation et une part de l’impôt foncier. La plupart de nos ressources viennent de dotations de l’Etat, ce qui n’est pas sain. Il ne faut pas faire du coup par coup, comme avec la taxe d’habitation dont personne ne sait encore comment elle sera compensée, mais regarder la fiscalité de toutes les collectivités. Et surtout ne pas faire un bonneteau qui consisterait à nous piquer la taxe foncière pour la donner aux communes pour compenser la taxe d’habitation. Nous proposons une réflexion d’ensemble, il n’est pas possible que chacun pousse son pion au détriment de l’autre. Manuel Valls avait eu l’intelligence de donner une part de TVA aux Régions, qui ont une vocation économique. On pourrait imaginer que pour les dépenses sociales, les Départements aient une part de CSG. Mais encore une fois, il faut une vision d’ensemble. Piquer à l’un pour donner à l’autre ne sera jamais une solution structurante.