Sylvain Tesson, lauréat du prix Jacques-Audiberti
Le géographe, journaliste et écrivain sera accueilli, ce soir, à Anthéa, dans la salle… Audiberti pour recevoir ce prix littéraire qui récompense l’ensemble de son oeuvre
Le prix littéraire Jacques-Audiberti a été fondé en 1989 par la Ville afin de récompenser une oeuvre inspirée, totalement ou en partie, par la Méditerranée. Il est décerné par un jury d’auteurs et de professionnels du milieu culturel et littéraire, présidé par Didier Van Cauweleart. Après Arturo Pérez-Reverte en 2017, c’est le géographe, journaliste et écrivain Sylvain Tesson qui en est le lauréat cette année. Il recevra son prix couronnant l’ensemble de son oeuvre, aujourd’hui, à 17 heures, à Anthéa, dans la salle… Audiberti. Hier, à l’issue de la projection de son film Dans les forêts de Sibérie, l’écrivain s’est entretenu avec des collégiens et des lycéens à la médiathèque Albert-Camus.
Que représente pour vous Jacques Audiberti ?
Mon père et ma soeur dirigent Le théâtre de poche, à Paris. Quand ils l’ont ouvert, en , la première pièce qu’ils ont accueillis c’était Le mal court de Jacques Audiberti. Je trouve qu’il y a chez cet auteur quelque chose d’homérique, de païen, la célébration de la mer, de la nature. Il prend le monde méditerranéen et le multiplie dans son poème. Il y a quelque chose de grec en lui.
Est-ce qu’Antibes est une ville qui vous inspire ?
Je n’ai jamais écrit malheureusement sur Antibes, comme Jacques Audiberti. Mais cela m’est arrivé de venir souvent à La Salis dans mon enfance. Nous allions aussi au baou de Saint-Jeannet, à Vence. Je me suis assis sur les bords de la Méditerranée une seule fois en fait dans mon histoire d’écrivain. C’était pour ce dernier livre intitulé Un été avec Homère. C’était sur une île grecque.
C’est un peu grâce à ce livre que vous remportez le prix. Êtes vous satisfait de l’accueil de vos lecteurs ?
Oui je suis très satisfait. Ce prix est attribué je crois pour l’ensemble de mon oeuvre. Mais c’est merveilleux de penser qu’il y a surtout encore une affection du public pour Homère. Bien qu’il ait écrit son poème il y a ans, il a encore des enseignements à nous offrir. Il y a aussi une similitude entre l’oeuvre d’Audiberti et d’Homère : à travers la poésie et la dramaturgie d’Audiberti, il y a ce goût pour les éléments, la nature, le caractère organique de la vie, l’immense sensualité de l’oeuvre. On a l’impression quelque part, que cet écrivain était un peu un grec. Il sait que le soleil, la mer, le vent dans les arbres, les lumières, les pins en feu dans le couchant sont les éléments constitutifs et surnaturels de nos vies.
Est-ce que vous avez ce spleen des grands écrivains, parfois ?
On a dit qu’il y avait beaucoup de pessimisme dans l’oeuvre d’Audiberti. À partir du moment où on s’intéresse à la vie des autres, à la sienne et à celle de nos semblables dans le passé et à la vie qui se dessine, on est contraint d’avoir ce spleen, d’être pessimiste. L’optimiste pour moi c’est celui qui ne regarde pas la réalité en face. L’écrivaine Elsa Triolet avait une phrase merveilleuse qui me fait beaucoup réfléchir : le meilleur moyen d’être prophétique c’est de se montrer pessimiste. Ona l’impression que le mal courre, mais qu’il est aussi probable.
Vous êtes aussi un homme de radio. Vous publiez d’ailleurs des chroniques. Y voyez-vous une différence d’écriture ?
Il y a sans doute un rapport plus spontané à la langue au travers d’un micro. L’écriture vous impose de recourir à une certaine solennité. On se sent moins libre quand il s’agit de coucher des propos sur papier. Quand on est amené à la lire, il y a une forme d’abandon, de légèreté, et de facilité.
Vous êtes un voyageur. Quelle est votre prochaine destination ?
Je pars dans quelques jours pour Mossoul en Irak où de jeunes Arabes et des Kurdes tentent de rebâtir l’université. Ils ont créé un forum de livres. Ces gens veulent montrer qu’on peut non seulement reconstituer un pays avec une truelle et du ciment, mais avec de la culture. Je vais les aider à ma manière.
Serez-vous là-bas une sorte de reporter, alors?
J’ai été élevé dans une famille de journalistes. Quand vous avez des parents qui tous les soirs bouclent un quotidien qui le lendemain appartient au passé, vous avez l’impression que la vie n’est qu’une question de bouclage et de recommencement.
Pourquoi ne communiquez-vous pas sur les réseaux sociaux ?
Je ne les aime pas. Je n’ai pas envie de mettre un écran entre mes yeux et mon équipement sensoriel. Je suis pour les réseaux asociaux : les cabanes, les refuges de montagne, les grottes, les bateaux, les musées. Ce qui me permet d’échapper à cette soumission cybernétique effroyable.