Nice-Matin (Cannes)

Plongée dans sa télé

L’ancien globe-trotter de l’ORTF coule des jours heureux, sculpte et tente de satisfaire ses lubies

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Comme dans un musée, le temps semble s’être arrêté dans la maison de Jean-Pierre Lamouroux. Dans une petite pièce isolée, un vieux babyfoot trône au centre et est accompagné d’un flipper à l’effigie de la première équipe des Harlem Globetrott­ers (1), d’un gramophone à pavillon 78 tours ainsi que d’un jukebox d’époque et son répertoire d’un autre siècle. Au fond du jardin, un casque de scaphandre en cuivre oxydé explore le silence d’une aprèsmidi ensoleillé­e, jonché fièrement sur un tube en métal et délicateme­nt coiffé d’une fleur sur le haut du crâne. Bienvenu dans le monde merveilleu­x de Jean-Pierre Lamouroux. Un univers fait de bric et de broc, peuplé d’objets plus délurés les uns que les autres qui dessinent ensemble et en harmonie un véritable petit coin de paradis. Toutes ces choses qui ont été chinées à travers le globe, habillent la propriété de l’ancien journalist­e de Cinq colonnes àlaune (2), qui a traversé les époques sur l’ORTF avant de rejoindre France 3 Côte d’Azur, lorsqu’il décide de s’installer à Antibes et ses environs en 1976. Des objets mais aussi des sculptures, bricolées avec ses vieilles pattes de baroudeur de l’informatio­n. Un art calqué sur son parcours profession­nel. Reporter, Jean-Pierre Lamouroux partait dénicher l’actualité sur des terres inconnues et des théâtres de guerre. Pour en ressortir l’essentiel et condenser des semaines d’enquête en une poignée de minutes et d’images. Avant de filer à la retraite, l’ancien journalist­e télé a bien vadrouillé. Entre autres et dans le désordre, il a traversé Saïgon pendant la guerre du Vietnam, couvert la révolution haïtienne sous le joug du dictateur Jean-Claude « Baby Doc » Duvalier, filmé les mercenaire­s baluba au fin fond du Katanga ou encore le Cuba communiste et verrouillé de Fidel Castro dans les sixties. « On allait là où personne n’allait. On n’en menait pas large hein. Mais on était jeune donc on ne se rendait pas compte du danger. On voyageait d’hôtel en hôtel. On était un peu fou mais c’était l’aventure. On arrivait dans l’inconnu mais sans appréhensi­on non plus. » Entré presque par hasard à l’ORTF en 1960, car « à l’époque, il y avait du boulot pour tout le monde et la télé n’en était qu’à ses débuts », Jean-Pierre Lamouroux rêve déjà de parcourir les cinq continents. Avec caméras et micros en bandoulièr­e, il découvre notamment la plongée. Révélation. Il s’enfonce même dans les abîmes avec un certain Jacques-Yves Cousteau, qui filme déjà sous l’eau. Révolution. Jean-Pierre Lamouroux, c’est une vie passée à chercher. Et à trouver. Éternel recommence­ment d’une danse dont le rythme ne s’estompe jamais et donne la banane. « J’ai toujours été cool. J’aime la vie, les gens, les tableaux, la musique… je pense que je ne vais jamais mourir. J’ai la chance d’avoir une belle vie, même si la chance, il faut la goûter. » Aujourd’hui, l’ancien globe-trotter de l’actualité partage son temps entre sa propriété antiboise où il donne vie à sa créativité en mettant sur pied ses sculptures, la mer Méditerran­ée, dans laquelle il plonge encore et continue de donner bénévoleme­nt des cours pour l’APA, et les brocantes et vide-greniers, dans lesquels il reste un éternel chineur de bonnes affaires. Évidemment, lorsqu’il a du temps libre, il s’octroie un énième voyage au bout du monde avec son épouse. Le plus loin possible et où il y a encore des choses à découvrir. «J’ai toujours été intéressé par l’archéologi­e. Pérou, Mexique, Argentine, Syrie, Yemen, Égypte… Je suis moins tenté aujourd’hui, sauf si je trouve le moyen de m’enfoncer dans les terres. J’aime m’asseoir à la terrasse d’un café le matin. Être seul avec ma femme. Observer les gens. Le monde. Ce n’est presque plus possible aujourd’hui. » Et la télévision dans tout ça ? « Je trouve que les journalist­es n’ont plus le recul nécessaire car ils n’ont plus le temps. J’ai arrêté la télé pour ça. Je n’ai certes jamais été augmenté lorsque je travaillai­s, mais j’étais libre comme l’air. »

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