Nice-Matin (Cannes)

Ses souvenirs de plagiste sur la Côte

À quelques heures de son ultime concert « avec Barbara » à Antibes, l’acteur a égrené pour « Nice-Matin » ses souvenirs de plagiste. C’était l’été de ses 17 ans, à La Garoupe puis à Cannes-la-Bocca

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

La mine est bougonne mais le coeur reste tendre. S’il fausse régulièrem­ent compagnie aux Français, Gérard Depardieu est sensible à leurs marques d’affection. Tout au moins à celles que lui témoigne le public. Il serait exagéré d’avancer que les standing ovations du théâtre Anthéa, où il vient de chanter Barbara par trois fois, l’ont durablemen­t mis en joie. Cet accueil chaleureux paraît cependant l’avoir apaisé. Et c’est un Depardieu détendu que l’on retrouve hier matin, sur la terrasse d’un grand hôtel du Cap d’Antibes, pour évoquer ses souvenirs d’un été à La Garoupe, « aux temps bénis » de l’adolescenc­e. « J’ai été plagiste pendant toute une saison. C’était il y a une cinquantai­ne d’années, je devais avoir dixsept ans. » Il se rappelle avoir exercé à La Garoupe, chez Loulou, surnom à l’époque du gérant de la Plage Joseph, avant de rejoindre Cannes-la-Bocca. Du Cap d’Antibes, il retient la beauté d’un décor qui enchantait le gamin de Châteaurou­x : « Les choses ont un peu changé, mais quand je vivais ici, il n’y avait que des jardins. Des potagers. Et une forêt d’eucalyptus. C’était très bien, j’étais heureux. Malgré ce p… de vent d’est qui enlevait tout le sable. » Il fallait, chaque matin, « pelleter » cette Garoupe envolée. Mais le réveil annonçait aussi un moment de félicité : « C’était magnifique de voir le soleil se lever sur la plage. » Alors que lui paraissait toujours «un peu triste» le spectacle des dernières lueurs du jour. Dans ce milieu des années soixante, la saison s’était donc prolongée du côté de La Bocca. Sur une «plage sportive» tenue par « une personne qui rentrait d’Algérie, ce qu’on appelait à l’époque un pied-noir », croit-il devoir préciser. À proximité se trouvait un centre de vacances fréquenté par des enfants et adolescent­s trisomique­s. « On les faisait se promener sur la plage tôt le matin, vers 7 heures, pour ne pas qu’on les voie. Ils étaient anormaux, on les considérai­t comme des fous. C’était comme ça. »

« Ça fait peur aux clients »

Peut-être parce qu’il se sentait luimême différent, le jeune plagiste s’était pris de sympathie pour ces garçons attachants. « Ils étaient très contents de venir me trouver car je leur donnais un peu de limonade et, de temps en temps, une petite pièce. C’était mon Vol audessus d’un nid de coucou à moi… » Jusqu’au jour où le propriétai­re est venu s’en mêler avec ces mots glaçants : «Je ne veux pas de ça sur ma plage, ça fait peur aux clients. » Gérard étant déjà Depardieu, il ne s’est pas laissé impression­ner et a répliqué: « Ils ont juste un chromosome en trop et c’est tout. Tu sais, leurs parents sont très riches. Plus riches que toi. Et d’abord, tu as tort de mépriser ces jeunes et leurs éducateurs qui sont des gens très humains. » Fin de l’échange et probableme­nt même d’une saison sur la Côte. On connaît la suite : les premiers cours de comédie au TNP, les leçons de Jean-Laurent Cochet et bientôt le succès.

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(Photos Franck Leclerc) « J’étais certaineme­nt con, en tout cas je ne m’aimais pas. Je ne m’aime toujours pas, d’ailleurs. »

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