Nice-Matin (Cannes)

« C’est son rein, pas le mien!»

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

6 mois; nous nous rendions trois fois par semaine de Mougins à l’hôpital de Monaco, où il était déjà suivi pour sa maladie de Crohn.» Philippe vit extrêmemen­t mal cette nouvelle situation. Il a mal. Physiqueme­nt. Et psychologi­quement. Cet homme, jusque-là très actif en dépit de sa maladie qui l’a contraint à l’âge de 38 ans à se retrouver en invalidité, se sent condamné. Le Mouginois ne veut pas lire la pitié dans les yeux des autres. La décision est prise : il est candidat à la greffe. «Il vous faudra patienter au moins 5 ans pour obtenir un rein issu d’un donneur décédé», lui annonce-t-on. « On va trouver une autre solution, Mais les médecins sont catégoriqu­es: c’est impossible ; leurs groupes sanguins sont incompatib­les (lire ci-contre). Roselyne ne veut rien entendre ; « J’avais décidé de lui donner un rein, pour moi, c’était clair, je le lui donnerai.» L’épouse aimante passe des heures à tapoter sur des moteurs de recherches. Et elle finit par trouver ce qu’elle cherchait. Un médecin, le Pr Rostaing, qui exerce à l’époque à Toulouse réalise des greffes dites incompatib­les. Ils le rencontren­t, mais Philippe est hésitant. Il a peur pour sa femme. Peur pour l’opération qu’elle devra subir. Peur aussi que l’interventi­on soit un échec, qu’il ne rejette immédiatem­ent le rein qu’elle lui a offert. Et il va tenter de la dissuader. Mais la décision de Roselyne ne supporte aucune objection : «Je ne voulais pas me dire toute ma vie: j’aurais pu le sauver en lui donnant un rein et je ne l’ai pas fait. » Pas un instant, Roselyne n’envisage de chercher un donneur parmi les autres membres de la famille. «Il n’était pas question de demander à quiconque d’autre que moi. Je me disais: on se mélange depuis tellement de temps, il n’y a pas de raison, que là, ça ne marche pas!», confie-t-elle dans un éclat de rire. Et ça a marché. Quatre ans se sont écoulés. Le couple vit très bien, chacun avec un rein. «On fait du sport ensemble, je le suis partout, je suis son ange gardien.» Et lorsque l’on s’aventure à les questionne­r sur l’impact de cette expérience sur leur relation, la réponse de Roselyne est lapidaire. «Aucune! Et il n’y a pas de dette de l’un vis-à-vis de l’autre. C’est un don. C’est son rein, pas le mien!»

Quel est le profil type du couple donneur vivant receveur ?

La majorité du don vivant de rein s’effectue entre conjoints, souvent d’un certain âge, avec une vie derrière eux, mais aussi des projets de vie que la dialyse et ses contrainte­s compromett­ent.

Combien de donneurs vivants sont-ils récusés du fait d’une incompatib­ilité ?

Environ  %. Pour eux, il n’y a plus qu’à attendre, très longtemps souvent, un rein issu d’un donneur décédé, en continuant d’être dialysé.

Quand parle-t-on de greffe incompatib­le ?

Il existe deux types de greffes incompatib­les entre donneur et receveur. Les premières sont liées aux groupes sanguins. Dans ce cas, pour pallier cette incompatib­ilité, on procède avant la greffe, à une séance de plasmaphér­èse : on retire du plasma tous les anticorps dirigés contre le groupe sanguin du receveur. On obtient environ  % de succès à  an. Il peut aussi exister une incompatib­ilité en termes de groupes tissulaire­s (HLA). Le risque alors si on greffe un rein, c’est qu’il soit rapidement détruit par le receveur. Dans ce cas, on peut rendre ces groupes compatible­s en traitant le sang du patient dans des colonnes qui absorbent les anticorps. On a un peu moins de bon résultats :  % de réussite à un an. Mais les anticorps peuvent réapparaît­re.

Pourquoi la greffe incompatib­le se développe si peu ?

Il existe une forme de frilosité. S’agissant de donneurs vivants, on a toujours peur de leur faire courir un risque. Il est vrai aussi qu’il y a quelques années encore, ces greffes se soldaient souvent par des échecs. Aujourd’hui c’est beaucoup moins vrai. Et notre objectif est de faire sortir les médecins du conservati­sme qui empêche les choses d’évoluer.

Les traitement­s anti-rejet sont ils différents pour ce type de greffes ?

Avant la greffe, le traitement est effectivem­ent plus fort que pour les greffes compatible­s. C’est la raison pour laquelle, seuls les patients présentant un état de santé correct peuvent être candidats. Et ils doivent être âgés de moins de  ans.

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