Nice-Matin (Cannes)

AIGLUN Le mouflon est-il menacé de disparitio­n ?

- ANTHONY SALOMONE.

Les chasseurs et les promeneurs aiglenois en font l’amer constat : les mouflons ont pratiqueme­nt tous quitté les pentes abruptes du village. Importés de Corse dans les années 50-60, à la suite de sa disparitio­n dans les Alpes pour cause de « surchasse », les ovins sauvages sont devenus le symbole de la commune, leur lieu privilégié.

Un coupable désigné : le loup

Au petit matin ou à la nuit tombée, il n’était pas rare de croiser l’animal en forêt et dans les prés. Aujourd’hui, la donne a changé et pour les chasseurs le coupable est tout trouvé. Le loup s’est bien implanté dans un espace vaste et préservé. Sa recrudesce­nce est impression­nante et les cadavres de gibier sont localisés dans les quatre coins de la commune. Sur les territoire­s d’Aiglun, Sigale et Sallagriff­on, on dénombrait environ 150 mouflons en 2013. Aujourd’hui, ils ne seraient plus qu’une quarantain­e, soit près des trois quarts de la population décimée. Gérard Cossari, chasseur bien connu, est excédé : « Avant, je voyais 4-5 chevreuils dans les prés et aujourd’hui c’est tout juste si j’en vois un ! Les mouflons se font anéantir ! Lorsqu’on fait des battues, des loups s’échappent devant nous. Ils dépècent leurs proies à une centaine de mètres des maisons ! » L’arrivée du canidé sauvage a modifié le comporteme­nt des cervidés et ongulés. Plus craintifs, ils quittent les zones « à découvert » pour s’exiler vers des zones plus « fermées ». Cet hiver, les traces de loups étaient facilement repérables dans la neige et elles couvraient de grandes distances. Il ne s’agirait pas d’un individu isolé et il est probable qu’une ou plusieurs meutes se soient implantées de chaque côté de l’Estéron. La peur ancestrale du loup refait surface. Certains clichés ont la dent dure. Les riverains confrontés au carnivore sont circonspec­ts : peut-il s’attaquer à l’homme, aux enfants ? Les données chiffrées nous éclairent. De 1200 à 1920, en France, diverses archives indiquent qu’il y a eu 7600 attaques mortelles. De nos jours, depuis les années 1950, on en calcule 8 sur l’ensemble de l’Europe et de la Russie. Il s’agit en général d’individus enragés. La lutte contre la rage et sa propagatio­n reste donc un enjeu de santé publique majeur. De plus, pour l’heure, seulement 2 à 6 % d’entre eux sont issus d’une hybridatio­n récente ou plus ancienne (loupchien). Les éleveurs du village ont aperçu les traces du carnivore mais aucune de leurs chèvres ne manquent à l’appel. Leur enclos électrique et la présence des chiens ne sont sûrement pas étrangers à ce résultat. La conséquenc­e directe de la prédation sur le mouflon est qu’il ne peut plus être tiré, au lieu d’une douzaine de bracelets auparavant. La mesure sera-t-elle suffisante pour éviter le départ ou l’extinction des moutons sauvages dans l’Estéron ?

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(Photo G. Cossari) Un des quelques mouflons retrouvés morts sur le territoire.

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