Procès Pastor: l’ultime combat de Janowski
Fuyant le communisme, sa vie commence comme un conte pour finir devant la cour d’assises. Ses mauvaises affaires l’ont-elles conduit à commanditer l’assassinat d’Hélène Pastor ?
C’est la vie, on doit se battre. » Wojciech Janowski, 69 ans, occupe tout l’espace au douzième jour d’audience de la cour d’assises des Bouches-duRhône, hier, à Aix-en-Provence, ne laissant aucune place à ses neuf coaccusés relégués au rang de spectateurs. Pugnace comme jamais, il retrouve l’énergie du jeune émigré polonais fuyant le communisme, débarquant à Londres avec 100 livres sterling en poche. Employé de casino au RoyaumeUni puis directeur des relations publiques à la SBM à Monaco, il séduit la riche Sylvia Ratkovski-Pastor le 21 juillet 1986. « Elle me disait que ses parents étaient dans l’immobilier. Avec mon mauvais français, je croyais qu’ils vendaient des meubles… » Gérant de sociétés au moment de son arrestation, Monsieur le consul de Pologne à Monaco, joue gros : il répète qu’il n’a rien à voir avec le double crime sordide du 6 mai 2014 à Nice.
Labyrinthe financier
La journée est cruciale: il s’agit de connaître la réalité des finances de Firmus, Hudson oil corporation, Shine, ses sociétés. L’hypothèse du juge d’instruction est que Janowski acculé, a ourdi l’assassinat de la milliardaire Hélène Pastor et de son majordome, Mohamed Darwich. La cour d’assises tente de se repérer dans un labyrinthe de sociétés dont le seul point commun est qu’elles ne rapportaient pas un zloty. On voyage beaucoup (Luxembourg, Chypre, Dubaï, Ottawa, Monaco, Varsovie…), on transite par des paradis fiscaux, des sociétés offshore sans parvenir à comprendre ces circuits financiers opaques. L’évidence affleure au fil des débats : Wojciech Janowski n’avait comme seules ressources « que » les 500 000 euros que sa bellemère versait mensuellement à Sylvia Ratkovski-Pastor et s’acoquinait avec des compatriotes peu recommandables.
« Pas son héritier »
«Etalors? , s’emporte Me DupondMoretti. Quel est le lien avec la mort d’Hélène Pastor ? Janowski n’était pas son héritier. » La défense reproche à l’avocat général Bruno Cortès d’avoir fait citer « pléthore de témoins » qui ne servent qu’à complexifier la situation. L’accusation réplique : « C’est la défense qui a invité le juge d’instruction à pousser les investigations financières. » Elle pourrait ajouter que Me Dupond-Moretti a habilement empêché un enquêteur de la police judiciaire de Nice d’exposer, au début du procès, une synthèse de la situation.
« Monnaie de singe »
La défense estime aujourd’hui que le volet financier «pourrit l’audience. On a construit de toutes pièces un mobile financier », critique Me Dupond-Moretti. On est au contraire au coeur de l’affaire, soutiennent les avocats des parties civiles, y compris Me N’GuyenPhung, le conseil du très effacé coaccusé Pascal Dauriac. À l’instar des enquêteurs, Mes Roubaud, Mattei et consorts restent persuadés que les mauvaises affaires de Janowski, notamment en Pologne, l’ont poussé à éliminer la mère de sa compagne. « Les actions de Hudson oil corporation sont surévaluées ? D’accord mais en quoi ça incite à tuer sa bellemère ? », persiste Me Dupond-Moretti. Une partie de ces actions qualifiées de « monnaie de singe » par Me Gérard Baudoux, était censée payer le rachat d’une raffinerie en Pologne pour 26 millions d’euros. La vente a été annulée par la justice polonaise. Me Luc Febbraro, l’autre avocat de Janowski, fait mine de l’ignorer, se moque d’articles de presse polonais qui, à défaut d’une expertise financière complète, ont été versés au dossier par l’accusation. Wojciech Janowski, malgré son costume toujours impeccable, n’est sans doute pas sorti indemne de ce bourbier polonais. Le vendeur de la raffinerie, à l’image des parties civiles, y voit l’élément déclencheur du double assassinat. Droit dans ses bottes, Janowski n’hésite pas à rabrouer, d’un ton cassant, ses contradicteurs, rectifie le mauvais accent anglais d’un avocat, intime à un autre de se rasseoir. « Ça peut vous rendre détestable mais vous êtes debout, remarque Me Dupond-Moretti. Ça vous vient d’où ce tempérament ? » « C’est la Pologne qui m’a construit. Ceux qui vivent dans un pays libre ne peuvent pas comprendre. »