Nice-Matin (Cannes)

Pastor: le film choc des aveux de Janowski

Tournant hier au procès des assassins de la milliardai­re et de son majordome avec la diffusion inattendue des confession­s filmées en garde à vue du commandita­ire présumé

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Le son et l’image sont de médiocre qualité. Les couleurs saturées. La caméra fixe en gros plan et de trois quarts le visage de Wojciech Janowski. C’était le 26 juin 2014 à Nice dans un bureau de la police judiciaire. Le suspect était depuis trois jours en garde à vue. La milliardai­re Hélène Pastor et Mohamed Darwich, son majordome, ont été assassinés par une décharge de plomb un mois et demi auparavant, en sortant de l’hôpital l’Archet. La police pense tenir le commandita­ire. Hier après-midi au palais de justice d’Aix-en-Provence, Pascal Guichard, le président de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, a pris l’initiative – très inhabituel­le dans un procès criminel – de diffuser le film sous scellés de la sixième audition de Janowski. Deux heures vingt d’interrogat­oire. Magistrats, avocats, publics, journalist­es… se trouvent plongés de manière inattendue dans l’ambiance d’une garde à vue, au plus près du consul honoraire de Pologne à Monaco.

« Je vais dire la vérité »

Chemise bleue, col ouvert, visage défait et rougi, Wojciech Janowski apparaît à l’écran. « Avez-vous pu vous alimenter ? », interroge le commandant Catherine Messineo de la brigade criminelle. « Oui merci beaucoup. Je peux avoir une lingette ? » On est loin de l’image des policiers tortionnai­res décrit par Janowski à l’entame de son procès. L’interrogat­oire se poursuit dans une ambiance courtoise, sur le ton d’une conversati­on. Le suspect demande et obtient une boisson. « Je sais que c’est un moment difficile, les cartes sont dans vos mains, je vous ai abattu les miennes, poursuit la policière. L’enjeu est nous faire comprendre ce qui vous a amené à prendre la décision d’éliminer votre belle-mère. Nous vous écoutons. » Janowski, réajuste son col, s’éclaircit la voix entre deux gorgées de Coca : « Vous tout à fait raison. Je vais dire la vérité, je ne suis pas allé chercher Dauriac qui est venu vers moi. »

« C’était pas facile d’utiliser le mot “tuer” »

La policière, plus sèche: « Avezvous commandité cet assassinat oui ou non ? – Oui. Oui, mais ce n’était pas en ces termes que j’ai demandé à Dauriac de résoudre le problème qu’était ma belle-mère en sous-entendant de l’éliminer physiqueme­nt. C’était pas facile d’utiliser le mot “tuer” mais j’ai utilisé les mots qui pouvaient lui faire comprendre ce que je voulais. – Vous êtes plutôt un homme altruiste. Comment en êtes-vous arrivé à prendre cette décision ? – La maltraitan­ce psychique sur ma femme par sa mère dure depuis le jour où j’ai connu Sylvia (...), le 21 juillet 1986. Il n’y avait pas un jour, vous imaginez le nombre de jours, où j’ai pas ramassé Sylvia à la petite cuillère. – Y a-t-il eu un facteur déclenchan­t ? – Il y a un proverbe qui dit que l’opportunit­é fait le voleur. Pascal Dauriac a été l’opportunit­é. – C’était juste avant Noël 2013. Je lui ai demandé de régler le problème de ma belle-mère. Je lui ai jamais demandé des détails. Je lui ai donné 200 000 euros. »

« Je me suis tué moi-même »

La défense blêmit, pinaille, estime que la retranscri­ption des propos sur le procès-verbal est parfois inexacte voire tendancieu­se. Mes Baudoux et De Vita, entre autres, jubilent sur le banc des parties civiles. La vidéo, elle, implacable, se poursuit. Tandis que l’enquêtrice pianote, Janowski, en larmes, semble parfois sur le divan d’un psychanaly­ste : « Je me suis tué moi-même en faisant ce que j’ai fait. Je suis décisionna­ire. J’ai délégué, j’attendais les résultats. Par mes actions, deux personnes ont été tuées. Je ne comprends pas au fond de moi comment un homme qui aime sa femme et sa famille va prendre sa décision et ne rien faire pour l’empêcher. – Avez-vous été soulagé au moment du décès de votre belle-mère ? – Oui, ça a été deux sensations en même temps. Souffrance et soulagemen­t. Une sensation bizarre. – Comment avez-vous perçu la nouvelle de la tentative d’assassinat d’Hélène Pastor et qu’elle avait survécu à ses blessures le 6 mai ? – J’étais content. On a même préparé son retour à Monaco. – Pourquoi Mohamed Darwich a été assassiné ? – Je n’ai pas trop de réponse. Mohamed a été assassiné par le fait d’être présent à côté d’Hélène. Je n’ai jamais commandité son meurtre. » L’avocat général Pierre Cortès se félicite qu’il n’y ait eu « ni dénaturati­on des propos, ni suggestion­s. Certes, le policier choisit parfois une formule ramassée mais elle est soumise à M. Janowski. » À la fin de la garde à vue, le suspect indique même au commandant Messineo: « Quand je serai libre, je viendrai vous dire merci. » La formule paraît tellement incroyable qu’elle n’a pas été retranscri­te sur procès-verbal… Sur le banc des parties civiles, Sylvia Ratkowski-Pastor, s’effondre en larmes. Elle attendait de la Cour d’assises qu’elle lui désigne les coupables du meurtre de sa mère. Elle a désormais une réponse. Pas de la bouche de l’accusé, son excompagno­n, le père de sa fille, qui lui fait face dans le box. Mais du suspect qui, à l’écran, répond aux questions d’une policière expériment­ée.

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L’avocat général Pierre Cortès s’est félicité, images à l’appui, des conditions de garde à vue de Wojciech Janowski qui paraît de plus en plus acculé. (Photo Ch. P.)

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