« Ne pas écarter le risque d’un nouveau -Novembre »
Journaliste, écrivain, réalisateur, Mohamed Sifaoui fait le point sur la menace terroriste en France et en Europe. Il sera en conférence à Cannes et Nice les 12 et 13 octobre
Quel est l’état de la menace terroriste ?
On lit le terrorisme à partir d’un regard franco-français. C’est une erreur. Il faut le comprendre dans son contexte international. La menace est intacte. Celle qui prévalait en , , est identique à celle de . Au niveau français et européen, on a démantelé un certain nombre de cellules et déjoué de nombreux d’attentats. Mais les tentatives se sont multipliées sur un mode linéaire.
L’affaiblissement de Daesh, une bonne nouvelle ?
La défaite militaire du protoétat Daesh n’est pas synonyme de disparition de l’organisation terroriste. Ils disposaient, selon les estimations, de terroristes armés et suffisamment bien entraînés pour commettre des actions criminelles et sécuriser ce fameux proto-état. à terroristes sont encore vivants. Ils se sont dissous dans les sociétés syriennes et irakiennes ou se sont projetés vers l’étranger, l’Afghanistan, le Yemen, d’autres en Turquie. Et enfin une partie s’est disséminée un peu partout à travers le monde y compris en Europe. La menace est donc réelle.
Quel type d’action doit-on redouter ?
La possibilité de voir ce qu’on appelle des actions obliques se préparer, à l’instar des attentats du novembre, est toujours une possibilité. Prenez l’attentat de Barcelone. On nous a appris que ses auteurs ont effectué des repérages en France, dont plusieurs fois à Paris. Ils comptaient vraisemblablement mener des opérations terroristes simultanées en Espagne et en France. L’arrestation récente d’un groupe d’individus aux velléités djihadistes aux Pays-Bas est un signe assez clair que la menace est toujours réelle.
Doit-on craindre un autre -Novembre ?
Il ne faut surtout pas écarter le risque d’un nouveau Novembre. C’est-à-dire plusieurs individus faisant exploser des charges, ici ou là, pour faire diversion. Attaquant à l’arme automatique des passants au hasard ou en des endroits stratégiques avant de se faire exploser au moment de l’arrivée des forces de l’ordre. Ce schéma, le plus redouté, est largement étudié par les services de renseignement.
Peut-on espérer que cela s’arrête un jour ?
La menace djihadiste en France existe depuis le GIA dans les années , jusqu’à aujourd’hui. Elle a connu des pics et des moments d’accalmie, mais n’a jamais cessé. Elle a toujours considéré la France comme une cible importante. Y compris sur les intérêts français à l’étranger.
C’est donc un phénomène pérenne ?
On est effectivement dans quelque chose de pérenne, même si on connaît actuellement une période d’accalmie. Attention, lors de ces périodes de calme, généralement on baisse la garde, on s’habitue à la routine et les pouvoirs publics n’ont plus de discours mobilisateurs. Pendant ce temps, on oublie la réorganisation des réseaux terroristes et l’émergence de nouveaux visages inconnus et non identifiés. Il faut toujours se méfier de ces moments de répit car ils précèdent généralement une multiplication d’attentats.
En ce qui concerne le mode opératoire, se dirige-t-on vers un terrorisme dit « low cost », au couteau, avec une voiture ?
Je crois que l’utilisation de l’explosif est une véritable source d’inquiétude dans les services de renseignement. Mais tous les modes opératoires sont possibles. Toutes les organisations, du GIA à Daesh en passant par Al Qaida sont capables d’utiliser plusieurs modes et les combiner. Ceci peut parfois déstabiliser et désorienter les services de renseignement les plus aguerris.
Comment définissez-vous la notion d’islam politique que vous évoquez souvent ?
C’est ce qu’on appelle communément l’islamisme. C’est-à-dire toute velléité d’utiliser l’islam, la religion, comme un projet de société. Les frères musulmans considèrent la religion musulmane comme, je cite, un « englobant ». Un élément qui, selon eux, doit régir l’ensemble des faits et gestes du croyant en toutes circonstances. Les lois dites de Dieu seraient supérieures aux lois du pays. Tout cela tend à dissoudre le lien social, à fracturer la société, à exacerber le repli identitaire. Et ouvre la voie aux populistes.
Populistes et islamistes jouent sur le même terrain ?
Bien sûr. Les uns et les autres se nourrissent du même discours victimaire. La volonté d’homogénéiser les rassemble. Les Islamistes parlent du Français comme s’il y avait un seul Français, représentatif de tout le monde. Alors qu’on sait, vous et moi, que la France est diverse, multiple dans ses idéologies, ses pensées, etc. Les populistes, eux, présentent l’étranger comme une seule entité. Il faut réussir à lutter efficacement et sans aucune concession contre les islamistes. Et cette même intransigeance, et je ne hiérarchise pas, je ne compare pas, doit être opposée à ceux qui veulent fracturer la société d’une autre manière. L’idée qui consiste à dire que toute personne plutôt basanée, colorée, portant un prénom exotique serait un danger pour la République, car n’ayant prétendument pas suffisamment prêté allégeance à cette même République, est quelque chose de très dangereux.
Attention, on baisse la garde ” Populistes islamistes : le même discours victimaire ”