Climat : l’urgence d’agir
« L’Océan offre des solutions, mais attention à ne pas jouer aux apprentis sorciers »
Contre le réchauffement climatique le monde doit agir. Et vite. Dans un rapport publié hier, les experts du groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) alertent les Etats des lourdes conséquences d’une augmentation des températures au-delà de , °C. Vagues de chaleur, hausse du niveau de la mer, extinction d’espèce, recul des glaces… les effets sont déjà visibles. Et les scientifiques pointent la menace d’emballement au-delà d’,° de réchauffement. Ils disent la nécessité d’engager des efforts sans précédent sous peine de voir la hausse des températures dépasser les ° à la fin du siècle. Ils fixent un cap: une réduction drastique des émissions de CO (- % avant par rapport aux niveaux de ) pour atteindre les objectifs, soit bien audelà des engagements actuels pris à la COP à Paris. « La bonne nouvelle, c’est que certaines actions sont déjà en cours, a réagi la climatologue française Valérie Masson-Delmotte, membre du Giec. Mais elles ont besoin d’être accélérées. » Ce rapport servira de base de travail aux Etats pour la prochaine conférence mondiale sur le climat, la COP qui se tiendra à Katowice en Pologne début décembre. Régulateur du climat, l’Océan offre des solutions pour enrayer le réchauffement. Aussi, une quinzaine de scientifiques du monde entier, dont l’Azuréen Jean-Pierre Gattuso, ont-ils évalué mesures. Leur objectif : éclairer les décideurs pour éviter que certains pays « ne se lancent dans des solutions de géo-ingénierie, potentiellement dangereuses ». « L’Océan absorbe 90 % de la chaleur, et 1/4 du gaz carbonique rejeté dans l’atmosphère par l’homme. Mais ça lui coûte cher, pointe Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au laboratoire d’Océanographie de Villefranchesur-Mer. L’eau de mer devient plus acide, la fonte des glaciers fait augmenter le niveau marin. Et le réchauffement de la mer contribue aussi à cette élévation puisque l’eau chaude prend plus de volume que l’eau froide. » Acteur majeur du changement climatique, l’Océan en est aussi victime. Alors, comment avancer? Quelles sont les mesures les plus efficaces, ou celles à déconseiller. Dans le cadre de l’Ocean Solutions Initiative(1) des experts ont passé en revue 13 solutions potentielles qu’offre l’Océan pour enrayer le changement climatique. Parmi elles :
◗ Développer les énergies marines renouvelables
« Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, on peut développer les énergies renouvelables. Installer des éoliennes offshore, utiliser le courant marin pour faire tourner des hydroliennes qui produisent de l’électricité, aménager des usines marémotrices comme celle de la Rance, qui fonctionne très bien.» Et le scientifique de mettre en avant des zones ventées « favorables » en Méditerranée: le débouché du Rhône, la côte du Roussillon, l’Étang de Leucate, le cap Corse. Mais pour l’heure, l’éolien marin en France est au point mort alors que la Grande-Bretagne s’est résolument engagée dans cette voie. Les six projets de parcs en façade atlantique retenus en 2012 et 2014 n’ont pas encore été lancés en raison des recours d’opposants. « Les énergies renouvelables marines ont peu d’effet collatéral, à part visuel, analyse Jean-Pierre Gattuso. Ça ne cause pas de dommage à la vie marine, et le potentiel est gigantesque. »
◗ Préserver et replanter la végétation
Les mangroves en zone tropicale ou les herbiers de posidonies en Méditerranée… ces grandes étendues stockent beaucoup de carbone. « On peut développer ces herbiers, des expériences de ‘‘plantation’’ de mangroves sont mises en oeuvre. Mais ça a un coût. Il faut donc les protéger, car lorsqu’on les arrache, le carbone retourne dans l’eau et dans l’atmosphère. » Et le scientifique d’insister sur la nécessité d’agir à l’échelle locale. « Pour mettre fin à ce qui se passe dans la rade de Villefranche-surMer avec des bateaux qui mouillent illégalement et arrachent les herbiers, il n’y a pas besoin d’accords internationaux. »
◗ Augmenter la résistance des espèces
« C’est important de limiter les facteurs de stress, pour que les animaux et les plantes soient plus résilients par rapport au changement climatique. Ça passe, par exemple, par la réduction de l’arrivée en mer d’eaux polluées. » Les experts estiment aussi que la création d’aires marines protégées est « intéressante parce que ces zones permettent d’augmenter les populations de poissons. On sait les mettre en oeuvre, comme à Port-Cros, on ne peut pas se tromper. C’est bénéfique. Mais à long terme si l’eau de mer continue à se réchauffer et à s’acidifier, l’efficacité sera limitée. »