Le Bernar Venet conceptuel enfin prophète en son pays
Ses « Lignes indéterminées » parlent à tous. On connaît moins les oeuvres précoces de Bernar Venet. Un précurseur de l’art conceptuel auquel le Mamac à Nice rend justice avec une exposition exigeante
L’ensemble est radical. Chacun de ses détails, fondamental. Alors que se tient à Lyon une rétrospective couvrant soixante années de création, le Mamac, à Nice, plonge aux racines de l’oeuvre de Bernar Venet. Racines conceptuelles où les experts se plairont à rétablir des antériorités. Ce qui pourrait donner à cette exposition la dimension d’une réhabilitation. Côté public, ne surtout pas s’attendre à une opération de séduction. Formules mathématiques, graphiques boursiers, courbes météorologiques composent un langage ardu, parfois austère. Dépouillé de toute préoccupation formelle ou expression personnelle. Interprétation et subjectivité aux oubliettes. La figuration aux orties, mais l’abstraction aussi. Cet art est monosémique : n’y chercher aucune autre signification que ce qu’il donne à voir. Si la sculpture et notamment les Lignes indéterminées l’ont occultée en France, cette période a fait date aux États-Unis. Dès 1971, le New York Cultural Center a invité Venet à présenter le résultat de cinq ans d’exploration. Après quoi celuici, estimant avoir fait le tour du sujet, a cessé toute production jusqu’en 1976. Entre-temps, le minimalisme américain avait fait son chemin. Incarné par Donald Judd, Robert Morris, Carl Andre, Sol LeWitt, Richard Serra ou Frank Stella, qu’il a tous fréquentés et, malgré son impécuniosité d’alors, commencé à collectionner. Nice se concentre sur cette décennie. 1966-1976, ère charnière et «matricielle » selon le mot d’Alexandre Quoi, qui signe avec la directrice du Mamac le parcours de cette exposition. « Il ne s’agit pas seulement de la démonstration d’expérimentations prolifiques de jeunesse. Ces oeuvres nous aident à comprendre la rigueur et la cohérence du projet de Bernar Venet. » «Un musée a aussi pour enjeu d’aider à repositionner le regard que l’on porte sur un artiste », ajoute Hélène Guenin. En montrant comment, au coeur du « cyclone international » qu’aura déclenché la percée de l’art conceptuel, Venet a joué un rôle « essentiel et moteur ».
Bernar Venet. Les années conceptuelles. Jusqu’au 13 janvier, au Mamac. Tous les jours, sauf le lundi, entrée 10€, gratuit pour les -18 ans ou sur présentation du Pass pour les Niçois et habitants de la Métropole. Aujourd’hui de 19 h à 20 h, réactivation des performances réalisées en 1968 au Judson-Theater, à New York - Entrée libre.