Appartement échangé : vers une expulsion?
Un couple de personnes âgées a troqué son T3, au 5e étage sans ascenseur contre un T2 en rez-de-chaussée, à la Cité du Soleil à Vallauris. Une initiative sans l’aval du bailleur social
Al’âge de 86 ans, cet homme et cette femme, très malades, devront peut-être quitter l’appartement qu’ils occupent à la Cité du Soleil sur les hauteurs de Vallauris Golfe-Juan. Un deuxpièces situé en rez-de-chaussée dans l’un des huit bâtiments que compte cette résidence de logements sociaux gérée par Côte d’Azur Habitat. Ici, pas de problèmes de loyers en retard. Pas de dettes ni de troubles du voisinage. M. et Mme Le Nir ont travaillé de longues années au centre Hélio marin tout proche. C’est d’ailleurs en partie pour le personnel du centre de réadaptation et de convalescence que la Cité du Soleil a été construite dans les années 1960. Les époux se sont installés là dès que les premiers bâtiments sont sortis de terre. Aujourd’hui, ce qui pourrait provoquer leur départ, forcé, c’est un échange d’appartements. Une initiative de Corinne, leur fille, qui assume. Elle-même vit dans la cité et s’occupe à temps plein de ses parents très diminués. «Ils ne pouvaient plus vivre au cinquième étage, sans ascenseur. Leur 3 pièces était dans le même bâtiment que le mien mais avec une entrée principale différente. Nous avons fait plusieurs demandes pour un logement en rez-dechaussée, même plus petit, dans la résidence où ils ont toujours vécu. Sans résultat.» Alors, l’échange s’est fait, tout simplement, avec une famille qui était à l’étroit dans le deux-pièces. Le jeune couple a emménagé au cinquième étage, dans le trois-pièces et les parents de Corinne sont descendus dans le deux-pièces, au rez-de-chaussée. Au cinquième étage se trouve l’appartement de leur fille. Cette proximité lui permet de veiller sur eux. «Je travaille pour eux. Ils me donnent un salaire et paient l’Urssaf ». Mais, les baux n’ont pas été changés. Le « troc » n’a pas été déclaré au bailleur social. Corinne assure avoir eu l’autorisation verbale d’un des responsables de Côte d’Azur Habitat lors d’une réunion:« Il y avait des témoins, il a assuré que l’autorisation officielle serait donnée… J’avoue que nous avons anticipé le déménagement, mais la situation de mes parents n’a fait qu’empirer, c’était impossible de continuer comme ça… » L’autorisation restera verbale. Aucun courrier officiel ne sera envoyé. Et, le fameux responsable est parti à la retraite ! Aujourd’hui, le bailleur social demande des comptes. Même si les loyers sont toujours versés.
Leur fille : « J’en appelle à l’humanisme »
Comment, d’ailleurs? Chaque foyer continue à payer le loyer de son ancien logement. Mais le surplus versé par le couple âgé leur est remboursé chaque mois par les jeunes parents qui occupent désormais le trois-pièces… « Tout a toujours été notifié lors du questionnaire annuel envoyé par le bailleur, pour évaluer chaque changement » précise Corinne qui met en avant l’extrême fragilité de ses parents. « J’en appelle à l’humanisme ! Je veux qu’on les laisse tranquilles… Je veux juste qu’on régularise cette situation. » Côte d’Azur Habitat rappelle qu’il y a des règles. Avant tout, il faut un accord écrit du bailleur social avant un échange d’appartement. S’ajoute un autre élément avancé par le bailleur social : les ressources du couple âgé dépassent le plafond correspondant aux barèmes pour l’attribution d’un logement social (voir ci dessous). Il faut réintégrer l’appartement initial ou partir. Une logique administrative qui fait bondir Corinne : « Mes parents ? Partir de cet appartement, mais c’est inimaginable, cela va les tuer ! D’autre part, leurs ressources ne sont plus les mêmes puisqu’ils me paient un salaire. » La situation s’est durcie depuis juillet dernier. Au point d’avoir dû faire appel à un avocat. Maître Gilbert Ugo avoue son effarement : « Côte d’Azur Habitat reste figé sur une position qui fait fi de la problématique humaine de ce dossier. J’ai l’impression de m’adresser à une administration kafkaïenne… » A ce jour? « Le dossier est en attente d’une assignation, puisque Cote d’Azur Habitat menace mes clients d’une assignation en expulsion. » « J’ai écrit à Mme Estrosi-Sassonne, à M. Ciotti, à Mme Salucki… Sans réponse. Et bien, je vais écrire au président Macron » énonce Corinne, très déterminée.