Nice-Matin (Cannes)

Lachenmaie­r, l’Européiste

Le maire du Mas et député suppléant de la 2ème circonscri­ption a la parole rare mais le verbe haut. La preuve en réponses...

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Le Mas, dans le haut pays grassois. Cent soixante-dix âmes et un maire atypique qui collection­ne les records : premier élu français à épouser son compagnon, premier élu du départemen­t à soutenir Macron... Fabrice Lachenmaie­r, à sa façon, est une grande gueule de la politique. Brouillé avec son député, Loïc Dombreval, dont il est le suppléant, il est sans complaisan­ce avec une certaine frange du clan LR dont il dénonce la dérive identitair­e. Originaire de Strasbourg, il a vu le jour dans une clinique toute proche des institutio­ns européenne­s. Peut-être l’explicatio­n à son penchant pour l’Europe...

Vous avez été le premier élu du  à rejoindre Macron. Pourquoi ce choix ?

Mon engagement auprès de lui date de , alors qu’il était ministre de l’Économie. J’avais eu la chance d’être reçu à Bercy avec quelques élus dans son bureau, et on avait discuté notamment de la problémati­que du monde rural. Le personnage m’a séduit. Je l’ai trouvé très à l’écoute, soucieux de savoir comment vivaient les élus locaux face aux problémati­ques quotidienn­es du monde rural, de la baisse des dotations, etc. De retour dans le départemen­t, j’ai suivi son actualité et lorsqu’il s’est déclaré comme candidat, je n’ai eu aucune hésitation à le rejoindre et faire en sorte que d’autres élus suivent la démarche qui était quand même assez osée à ce moment-là. De toute façon, dans les AlpesMarit­imes, toute démarche qui ne correspond pas à

‘‘ la politique en vigueur est vouée à être compliquée.

Politiquem­ent, vous vous considérez plutôt comme un homme de gauche ?

Oui, tendance parti radical, profondéme­nt fédéralist­e européen. C’est quelque chose qui est ancré dans ma famille. Et ce sont aussi ces valeurs-là, défendues par Emmanuel Macron, qui m’ont décidé à franchir le pas et à le rejoindre.

Vous êtes toujours autant séduit par le personnage et sa politique ?

Oui. J’adhère toujours à l’esprit du mouvement La République en Marche. Et je continue à défendre ce projet global de société.

Malgré les critiques qui sont de plus en plus nombreuses et une cote de popularité en baisse ?

Pour moi, c’est un épiphénomè­ne. Justement, la capacité de Macron c’est qu’il supporte très facilement cela. Il sait ce qu’il doit faire, il sait où il va et que ce n’est pas facile.

Vous êtes depuis l’an dernier, député suppléant...

(Il coupe) Suppléant de député.

Vous tenez à l’inversion du terme ?

Ça a une autre significat­ion, oui. La nuance, c’est qu’on est là pour suppléer au cas où... Nous sommes vraiment des subalterne­s, des cautions. On n’a pas de statut particulie­r. Et d’ailleurs, on a fondé une associatio­n nationale des suppléants de députés. Nous sommes  à y être affiliés et on travaille à un statut du suppléant, à sa reconnaiss­ance par les institutio­ns, la possibilit­é d’un droit de retrait en cas de différend avec le député en titre. C’est très important, surtout dans le cadre de la révision constituti­onnelle.

Où en êtes-vous de vos relations avec le député Loïc Dombreval ?

Il n’y en a pas.

Pour être clair, vous êtes fâchés ?

Je ne sais pas comment il faut qualifier cela. On ne s’adresse pas la parole. Je crois qu’on s’est tout dit à la prise de fonction et il n’est peutêtre pas intéressan­t de revenir sur cette question. Ce qui est certain, c’est qu’il faudra à un moment donné dresser un bilan de l’action du député, de tous les députés. Et là, l’adhérent En Marche que je suis prendra ses responsabi­lités et fera cette évaluation.

En vous basant sur quels critères ?

J’en vois trois d’importants : l’action du député qui, étant de la majorité présidenti­elle, devrait pouvoir porter des amendement­s et les faire accepter. Car l’activité parlementa­ire sera quand même un élément essentiel pour juger de cette action et je pense notamment à Alexandra Ardisson et Cédric Roussel qui font un travail remarquabl­e. Le deuxième critère, c’est une évaluation par rapport aux engagement­s de campagne que nous avons pris vis-à-vis des citoyens. On leur avait proposé une permanence mobile, un Parlement des maires... Enfin, il sera aussi important de regarder quelle a été son action au sein du mouvement En Marche. Parce qu’il ne faut pas oublier qu’on a été élus autour d’un projet, autour de valeurs, du projet du président de la République, et il sera essentiel de mesurer ce que le député a fait pour la République en Marche.

Vous parliez de la permanence mobile. C’est là l’origine de votre brouille ?

Oui. C’est un rendez-vous manqué. Mais on n’avait pas, non plus, les mêmes ambitions personnell­es.

Vous avez des doutes sur l’action de Dombreval ?

Non. Il est visible dans la presse. Après, je ferai comme tout électeur de cette circonscri­ption, son bilan à la fin du mandat.

Vous pourriez être candidat aux prochaines législativ­es ?

Non. D’abord, je ne sais pas du tout ce que va devenir la ème circonscri­ption avec le futur découpage. Et puis, il y a un temps pour tout. Même si je me suis présenté à plusieurs élections, municipale­s, départemen­tales, régionales, je suis très légaliste. Je crois d’abord au projet de LREM. Ensuite, quels seront les meilleurs représenta­nts ? , c’est loin...

Vous repartirez aux municipale­s ?

À ce jour, je pense que je ne ferai pas un troisième mandat de maire.

Pourquoi ?

Parce que je suis contre le cumul des mandats et je pense qu’il faut oxygéner la vie politique, y compris dans les petits villages. Au bout de dix ans de mandat, il y a un essoufflem­ent et, en ce qui me concerne, une certaine fierté d’avoir réussi quand même de beaux projets pour mon village. À partir de là, peut-être que mon investisse­ment se portera sur autre chose... Même si personne n’est partant pour vous succéder ? On verra à ce moment-là. Disons que je ne cours pas après un troisième mandat. Et pour régler ces problèmes de recrutemen­t d’élus locaux, on pourrait parler d’un projet qui me semble très pertinent : la fusion de communes et la création de communes nouvelles, en particulie­r

‘‘ dans notre haut pays grassois où l’on s’aperçoit qu’au-delà de l’identité des territoire­s, il y a une réalité économique, politique, des projets d’investisse­ment qui ne peuvent plus se faire. Avec Aiglun, par exemple, qui est le village à côté du mien, avec lequel on a une histoire commune, on pourrait imaginer de créer le Mas d’Aiglun. Je ne le verrai probableme­nt pas parce que c’est un projet à long terme, mais ce serait plus logique pour bénéficier d’aides supplément­aires de l’État et avoir une meilleure gouvernanc­e locale.

Les problémati­ques de votre village?

Trouver des financemen­ts pour l’eau et l’assainisse­ment, développer l’attractivi­té touristiqu­e. Investir dans de l’hébergemen­t, ce qui est un point sensible du haut pays grassois. Régler les problèmes de mobilité, de vieillisse­ment de la population, se rendre plus attractif et développer l’économie pour qu’il y ait de la création d’emplois. Et là dessus on rajoute un outil indispensa­ble: le développem­ent de la fibre optique qui conditionn­e tout ce que je viens de dire.

Votre commune fait partie de l’agglomérat­ion du Pays de Grasse. Quels avantages en tirezvous ?

Ça nous a apporté les bornes électrique­s pour les véhicules, une petite baisse d’impôts pour les contribuab­les du haut pays. Mais lorsqu’il faudra tirer le bilan de l’action de la CAPG et le présenter aux administré­s, j’aurai du travail.

Beaucoup de maires ont jeté l’éponge ces derniers temps. Vous ne l’avez jamais envisagé vousmême?

Pour être honnête, si. Je me suis dit qu’il y avait un risque que je ne puisse pas finir mon mandat pour des raisons profession­nelles, personnell­es et parce qu’au bout de  ans, je me suis aperçu que les principaux projets que j’avais envie de mener ont été réalisés ou sont en cours. J’ai mis énormément d’énergie dans ce mandat et aujourd’hui, comme beaucoup de maires, j’en suis fatigué. Mais contrairem­ent à beaucoup, je n’accuse pas l’État. La dotation, comme pour toutes les communes, a baissé mais j’ai eu tellement d’aides sur l’investisse­ment que, l’un dans l’autre, je suis bénéficiai­re et je ne peux me plaindre de l’accompagne­ment de l’État dans les projets que j’ai à réaliser.

En , avec votre compagnon, vous avez été le premier couple gay du  à «profiter» de la loi sur le mariage pour tous. Ce texte, pour vous, a fait évoluer la société?

Totalement. C’est une loi importante qui fait honneur à François Hollande et Christiane Taubira. C’était un besoin évident et aujourd’hui, plus personne ne remet en cause véritablem­ent le mariage pour tous. C’est même amusant de voir que chez les Républicai­ns on parle plus facilement maintenant de GPA et de PMA avec des positions qui sont aux antipodes de ce que l’on avait entendu à l’époque. C’est une évolution normale de la société et je suis heureux de constater que dans les A.-M., le mariage pour tous a pris de l’ampleur. À Nice ou à Cannes, ça ne pose plus aucun problème aux élus de le célébrer.

Vous êtes aussi un observateu­r de la vie politique. Deux mots sur le « duel » Ciotti - Estrosi...

C’est un peu dommage pour les territoire­s et il y a une inquiétude de la part des élus, de voir si au niveau de la fibre optique on ne va pas faire les frais de cette guerre intestine. Par ailleurs j’ai vraiment de la sympathie pour Christian Estrosi parce que je pense que c’est un humaniste et qu’il a un vrai projet pour sa ville. Il est le seul élu à m’avoir tendu la main lorsque je me suis retrouvé en difficulté profession­nelle. En face, on a plutôt affaire à une espèce d’hystérie identitair­e qui ne me convient pas du tout et qui se trouve aux antipodes de mes valeurs.

Je ne pense pas que je ferai un e mandat ”

Fusionner les communes me semble pertinent”

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