Nice-Matin (Cannes)

Jean Moulin, cet « illustre inconnu » de chair et d’audace

Le texte de Jean-Marie Besset s’incarne ce soir sur la scène du théâtre Anthéa. Une oeuvre dévoilant le Résistant à travers ce qu’il a été : « un homme parmi les hommes »

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

L’audace. L’art du coup de bluff prophétiqu­e. En écrivant la rencontre entre Jean Moulin et le général De Gaulle, JeanMarie Besset donne corps et voix à des noms qui ont fait l’histoire avec un grand H. Quand deux hommes qui peuvent faire changer le cours des choses se rencontren­t: que se passe-t-il? Avec Jean Moulin, évangile, l’auteur invite le public d’Anthéa à découvrir ce soir une tragédie historique. Un genre particulie­r, minutieuse­ment documenté et immersif. « Il faut tout savoir sur les personnage­s, le contexte… Ce qui n’est pas évident puisqu’on a très peu d’écrits sur Moulin. Mais sous chaque mot de la pièce il y a un livre, une interview. Pour autant, quand on commence à écrire il faut oublier tout ce que l’on sait pour faire vivre les personnage­s. Je prends mes leçons chez les auteurs classiques : quand Racine écrit Britannicu­s il mélange sa vie, la politique de Néron... »La vérité dans tout ça ? «Il n’y a de la vérité que dans la fiction. Tout est fiction. On peut écrire chacun une biographie de De Gaulle vous et moi. Elles seront différente­s. Mais vraies. »

« Dimension christique »

Et derrière cela, il y a également le souhait d’ouvrir les regards sur l’« illustre inconnu » qu’est Jean Moulin. « La pièce essaie de faire de ce mythe un homme de chair et de sang. » Et c’est bien pour cela que le dramaturge souhaitait un « jeune homme à la mise en scène ». Ainsi, Régis de Martrin-Donos offre sa vision. «J’espère également que beaucoup d’adolescent­s et de jeunes adultes seront présents », Face au « grand animal mythologiq­ue qu’est le général De Gaulle », le Résistant apparaît comme « un homme parmi les hommes »:« Il est discret, jamais on n’aurait imaginé dans l’Entre-deux-guerres qu’il allait devenir un martyr, comme Jeanne d’Arc en d’autres temps.» Serait-ce ici la clé de l’analogie biblique suggérée par le titre ? « Bien sûr, il y a une dimension christique. Entre le premier martyr déjà, puisqu’il est torturé en juin 40 lorsqu’il est le seul préfet de France à être resté en poste. Il est resté debout face à l’occupant. D’ailleurs ils le lui ont fait payer... Après il comprend tout de suite que le salut viendra de De Gaulle, de Londres. Alors, il décide de recruter des résistants, des compagnons, un peu comme le Christ et il se met à prêcher pour une cause qui est la liberté de l’Homme. Et pour Moulin c’est de la liberté de la France. Et enfin, il n’a pas été torturé par Barbie. » Un destin de héros qui, sur les planches prend vie grâce à un casting solide légitimé par l’auteur qui, reconnaît avec plaisir : « Ona beau savoir ce qu’il s’est passé, comment cela s’est fini, je crois que les spectateur­s sont tenus en haleine. » La puissance de l’art vivant.

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(Photo DR) Un homme, deux destins : la France et le sien.

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