% des personnes participantes ont gardé leurs bonnes habitudes à la fin du programme Et si on adaptait ce système à Nice ou Toulon?
Testée à l’origine à Rotterdam en Hollande, l’idée du péage dit « positif » ou « inversé » commence à faire son chemin un peu partout en Europe... Avec succès. Alors pourquoi pas chez nous aussi ? Payer des automobilistes pour qu’ils ne roulent plus ? L’idée paraît un peu folle... Et pourtant. De plus en plus de villes européennes ont adopté ce système. Le but ? Limiter la congestion automobile aux abords des grandes villes pendant les heures de pointe. Et accessoirement donc, réduire la pollution. On appelle ça un « péage positif » ou « péage urbain inversé ». Le principe est simple : il s’agit de rémunérer des automobilistes volontaires empruntant régulièrement des axes surchargés aux heures de pointe pour qu’ils changent leurs habitudes. En pratiquant par exemple le télétravail, avec la bénédiction de leur employeur. En utilisant les transports en commun, pour ceux qui ont un réseau digne de ce nom. En se rabattant vers le covoiturage. Ou en profitant d’horaires de travail adaptés, à condition, là encore, que votre employeur soit un minimum sympa et ouvert. Rotterdam est la première ville européenne à avoir testé le système. Le programme, porté par le groupe français Egis, a démarré il y a quatre ans. « On a d’abord commencé par une étude précise pour étudier les zones de trafic les plus denses et observer les habitudes des automobilistes », éclaire Célia Darrisse, chargée de développement commercial pour le groupe Egis. Au terme de cette étude, près de 12 000 personnes se sont portées volontaires pour participer au programme. Ces automobilistes ont alors été équipés pendant un mois d’un boîtier branché sur une prise diagnostic pour enregistrer leurs déplacements de base. Pour convaincre la population, le groupe a « joué sur les deux piliers que sont le côté financier et l’aspect environnemental ». «Au début, détaille Célia Darrisse, on a commencé par payer 6 euros chaque trajet aller-retour économisé. Mais on s’est rendu compte qu’il ne fallait pas payer aussi cher. Les gens étaient assez volontaires. Donc on est passé à 3 euros par trajet évité. » Le résultat a rapidement porté ses fruits. Comme l’explique la responsable du projet chez Egis, « dans la plupart des endroits, il suffit de réduire le trafic de 6 à 8 % pour décongestionner un axe ». Au bout de quelques mois, les premiers effets se sont donc fait ressentir aux abords de la métropole néerlandaise. Plusieurs trajets ont été ciblés. « Au bout d’un an, une fois que la congestion était réduite sur les tronçons, précise-t-on chez Egis, on est passé sur d’autres puisque l’intérêt de l’opération était d’agir sur l’ensemble de la région. » Quatre ans après la mise en place du péage positif, la collectivité hollandaise se félicite des résultats obtenus. Au total, le dispositif aura permis d’éviter 5 000 trajets pendant les heures de pointe. Mais surtout, «85%des personnes participantes ont gardé leurs bonnes habitudes à la fin du programme ». « De toute façon, précise Célia Darrisse, les collectivités ne peuvent pas se permettre de payer indéfiniment les automobilistes. Ce qui est positif dans cette expérimentation, c’est que les participants se sont rendu compte du bienêtre que cela procure de ne pas être coincé dans les bouchons. » Aujourd’hui, la circulation dans la métropole néerlandaise a été réduite de 6 %. Si la pratique de la bicyclette y était déjà bien développée, comme dans tout le pays, la petite reine s’est trouvée de nouveaux adeptes depuis l’installation de ce système incitatif. « En parallèle, l’idée était aussi d’encourager l’utilisation des transports en commun, et des autres alternatives de déplacement. » La métropole a ainsi pu s’appuyer sur un réseau de transports en commun déjà performant. Alors, peut-on envisager d’avoir recours au péage inversé aux entrées de Toulon ou Nice ? Pour Célia Darrisse, « le modèle est transposable dans n’importe quelle agglomération. Il n’y a pas de problème technique particulier », ajoute-t-elle. En revanche, convaincre des milliers d’automobilistes de « changer de comportement » dans une région comme la nôtre… C’est une autre histoire. La responsable du développement commercial d’Egis veut pourtant y croire. «On locaux qui permettront à leurs salariés » d’adapter leurs horaires ou de pratiquer le télétravail. Il en va du dynamisme de toute la région Nord. « Si l’on veut avoir un territoire compétitif, reprend Mathieu Chassignet, les salariés doivent pouvoir se déplacer facilement. » Le début de l’expérimentation est prévu pour mi-2019 et devrait comporter « trois phases temporelles portant à chaque fois sur deux axes ». Objectif annoncé : éviter quelque 2 000 trajets quotidiens. «Sion arrive à gratter 5 à 7 % de trafic aux heures de pointe du matin et du soir, prophétise le chef de projet lillois, ça permettrait déjà de fluidifier la circulation. » Mais ce dispositif a un coût, forcément non négligeable. Car à Lille, chaque trajet « économisé » dans le cadre du dispositif sera « rémunéré » 2 euros, avec un plafond de 40 euros par mois. Au total, l’opération est estimée à 13,5 millions d’euros sur 5 ans (« soit 2 à 3 millions d’euros par an »). Tel est le prix à payer pour la métropole nordiste si elle veut sortir des embouteillages