Nice-Matin (Cannes)

« Le meilleur coordonnat­eur, c’est le patient »

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Chaque malade a son histoire. Plus ou moins heureuse. Plus ou moins chaotique. Patricia Defrize a été confrontée au cancer. Aujourd’hui, elle est l’une des bénévoles qui animent la Ligue contre le Cancer . Elle a raconté son expérience en toute franchise et avec sincérité. «En , j’ai subi une double mastectomi­e, puis chimiothér­apie, radiothéra­pie et actuelleme­nt je suis sous hormonothé­rapie pour  ans. J’ai eu la chance d’avoir un médecin traitant qui a pris en charge dès le départ mon dossier. C’est avec lui que j’ai découvert la maladie. Il m’a parfaiteme­nt conseillée. Il m’a dirigée vers le CAL. J’ai peut-être eu de la chance mais je n’ai jamais rencontré de failles dans la transmissi­on de mon dossier, d’autant que je suivais les choses de près, je centralisa­is les informatio­ns. Mais, de toute évidence, là où il y a problème, c’est lorsque les personnes ne sont pas en faculté de suivre leur dossier : sur le plan psychologi­que parce que dans le déni, sur le plan intellectu­el... Moi, j’ai pu gérer parce que j’ai la chance d’être bien entourée par ma famille, mes amis. À la Ligue contre le cancer, je reçois des gens qui ne savent pas à qui s’adresser pour les démarches administra­tives, ou qui ne comprennen­t même pas ce que disent les médecins sans oser leur demander de reformuler. » Un constat partagé par le Pr Maurice Schneider : « Je vois à la Ligue, des patients qui n’osent pas demander à leur thérapeute où ils en sont. » Chaque malade a une personnali­té, une sensibilit­é qui lui sont propres. « Tout le monde n’a pas la capacité émotionnel­le à entendre toutes les informatio­ns. Il faut parfois prendre les patients par la main; c’est une difficulté supplément­aire », remarque le Dr Eric François, oncologue

Michel Coulomb, représenta­nt des usagers au CHU de Nice

digestif au CAL. Le Dr Laurent Saccomano le rejoint : « On est toujours en train de s’adapter au patient qu’on a en face de nous. Dans l’absolu, il faudra toujours faire du sur-mesure car les situations ne sont jamais superposab­les. » Toute la question est donc d’envisager le parcours de soins coordonnés à l’aune de ce constat. Peut-être est-ce du côté de l’autonomie du patient qu’il faut regarder. « Il est de notre responsabi­lité d’aider le patient à être autonome, relève le Dr Catherine Ciais, responsabl­e du départemen­t des soins de support du CAL. Et cela demande certaineme­nt de la formation, de bien connaître son métier, de bien travailler sur la communicat­ion afin d’être sûr que la personne à qui on s’adresse a bien compris, tout cela pour que le patient ait vraiment toutes les cartes en main et qu’il puisse être le plus autonome (et accompagné) dans son parcours de soins.» Si les patients sont différents les uns des autres, cela implique donc des organisati­ons qui ne devront pas pécher par leur rigidité. « Le parcours de soins c’est des étapes organisées, prévisible­s... mais c’est aussi de la souplesse, insiste le Dr Jean-Yves Giordana (CH Sainte-Marie). La réalité est telle qu’il faut prendre en compte les caractéris­tiques des pathologie­s, les personnali­tés des patients... Il faut renforcer la capacité d’agir et se demander : qu’est-ce qu’on va faire des décisions médicales partagées? Qu’est-ce qu’on apporte comme informatio­ns? Qu’estce qu’on va faire des directives anticipées? Tout cela va nous obliger à prendre des voies qui ne seront peut-être pas l’autoroute tracée au départ mais des voies de traverse. » Michel Coulomb, représenta­nt des usagers au CHU de Nice, n’y va pas par quatre chemins : «Le malade chronique est un travailleu­r à temps plein. Organiser sa vie en fonction de sa maladie, c’est un travail énorme. (...) Mais tous les patients ne disposent pas de toute la lisibilité sur leur parcours, tous n’en ont pas la compréhens­ion. Il y a un concept qui a tendance à se développer aujourd’hui, c’est la notion de littéracie, c’est-à-dire la capacité que chacun a de comprendre l’informatio­n. Dans ce concept de parcours, il va falloir adapter y compris le discours. Finalement, le meilleur coordonnat­eur c’est le patient parce qu’il connaît son ressenti, sa pathologie, la façon dont il évolue. Mais donc cela veut dire qu’il doit être formé à ces pratiques. C’est le sens de ce que veulent développer avec le CHU de Nice, la faculté et les usagers : une université des patients pour travailler sur la formation. On ne pourra avoir une médecine centrée sur le patient que s’il est en capacité de pouvoir coordonner sa prise en charge.» Pour Hervé Ferrant, il y a un autre élément de blocage important au développem­ent de parcours de soins : le mode de financemen­t. « Il est tel qu’on a tous intérêt à avoir un maximum de patients. On est tous un peu essoufflés par le mode de tarificati­on qui ne nous permet pas d’être intelligen­ts.»

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