Nice-Matin (Cannes)

François Morel enchante les mots de Raymond Devos

Demain et mercredi, l’artiste retrouve à Anthéa son complice Antoine Sahler pour une relecture musicales des textes d’un des plus grands humoristes, un funambule des mots

- PROPOS RECUEILLIS PAR ROBERT YVON ryvon@nicematin.fr

J’ai des doutes.» C’est le titre d’un sketch de Raymond Devos, humoriste disparu en 2006. C’est aussi le titre du nouveau spectacle de François Morel, un hommage au funambule des mots qu’était Devos, qu’il jouera à Anthéa demain et mercredi, en compagnie d’Antoine Sahler. Un hommage en chansons, en mots et où l’on retrouvera des images et du son inédit du grand Devos.

Êtes-vous heureux de retrouver ce théâtre antibois ?

Oui parce que c’est un théâtre très récent. Et c’est un lieu de vie. Il y a beaucoup d’activité et une petite salle qui permet de voir ce que font les autres. Le restaurant panoramiqu­e est très bien. Et puis on est très bien reçu par l’équipe d’Anthéa à chaque fois. Nous y restons deux jours. Alors on aura le temps de profiter du théâtre et d’Antibes.

Quels souvenirs personnels avez-vous de Raymond Devos ?

Je le voyais à la télévision quand j’étais petit. Je l’ai découvert pour la première fois sur scène au théâtre de Caen quand j’étais étudiant. J’avais pris des places pour le premier soir de ce spectacle. J’avais repéré qu’à l’entracte il n’y avait pas de contrôles de billets. Si bien que le deuxième et le troisième soir je m’étais glissé parmi les spectateur­s qui allaient fumer à l’entracte. Ainsi j’ai pu voir le spectacle trois fois en me mettant sur les marches discrèteme­nt. J’essayais d’apprendre déjà ses mots, ses phrases, ce qu’il faisait. C’était un spectacle d’une grande générosité. On a eu tendance à le réduire à un monsieur qui faisait des jeux de mots. En fait, c’était un homme de music-hall complet avec son univers avec des mimes, des lumières très pointues, de la musique. C’était un homme de spectacle d’une extrême générosité. C’est le souvenir que j’en garde. C’était un funambule des mots. Comment êtes-vous parvenu à retranscri­re son univers sur scène ? Comme je peux. Je ne me suis pas laissé impression­ner par lui, comme s’il était un auteur littéraire. Je trouve qu’il y a des textes comme « Mon chien c’est quelqu’un » où il ne faut pas changer une virgule. Mais il y avait aussi chez Devos, des choses qui se rapprochai­ent plus à des entrées de clowns, qu’à des textes vraiment littéraire­s. Donc je me suis laissé l’opportunit­é de respecter l’esprit de certains textes, en les adaptant un peu à ma manière. Par exemple dans ses spectacles il jouait souvent la truite de Schubert sur des verres. La je ne suis pas d’un respect absolu. J’ai essayé d’utiliser ses sketches qui nous embarquent vers l’imaginaire. Et il y en a beaucoup chez Raymond Devos. On entendra aussi sa voix dans le spectacle notamment des extraits d’une émission de Jacques Chancel, Radioscopi­e, où il était l’invité. Pour ce spectacle, j’ai aussi relu tous ses textes.

À l’époque de Devos, c’était facile de faire rire avec tout et n’importe quoi. C’est plus compliqué aujourd’hui, non ?

Oui. Mais j’ai eu la volonté de faire ce spectacle, parce que, aujourd’hui, les deux artistes références du comique c’est Coluche et Pierre Desprosges. Or lui aussi faisait rire avec Dieu, l’au-delà, le ciel. Je trouve que Devos faisait rire avec l’existence et le rapport au monde. Ce qu’il y a de plus beau en quelque sorte.

L’une de vos dernières chroniques sur France Inter, est une interview imaginaire de Charles Aznavour au paradis. Auriez-vous envie de faire la même chose avec Raymond Devos ?

D e son vivant, Raymond Devos avait été invité dans l’émission Le fou du roi de Stéphane Bern. J’avais imaginé pour cette émission la rencontre entre dieu et Raymonde Devos. J’avais lu cela devant lui. Et il m’avait rappelé pour refaire ce texte-là dans une émission de télévision pour ses  ans. J’en étais très touché. Du coup, j’ouvre le spectacle que vous verrez à Anthéa avec cette fameuse rencontre de Devos avec Dieu, imaginée par moi. Ce qui me manque aujourd’hui, c’est de ne plus pouvoir le voir au théâtre. C’était un homme de spectacle, vraiment.

C’était un vrai clown aussi, non ?

Oui. D’ailleurs le rapport qu’il avait avec son pianiste c’était un vrai numéro de clown de cirque.

À Antibes vous serez sur scène avec votre complice musicien Antoine Sahler. Qui est-il ?

Je travaille avec lui depuis une dizaine d’années maintenant. J’enregistre mes disques avec lui, et il est le directeur musical de tous mes spectacles. C’est un auteur-compositeu­r et interprète que m’a présenté la chanteuse Juliette. C’est un excellent musicien, d’une gentilless­e inouï, un excellent partenaire pour moi.

Dans vos chroniques à la radio et dans certains de vos spectacles vous êtes parfois caustique et critique comme un journalist­e. Vous sentez-vous comme cela ?

Non je ne crois pas être un journalist­e. Je n’ai pas cette connaissan­ce suffisante du monde pour cela. Je suis plutôt un fantaisist­e. Je fais du spectacle. Je parle de ce que je veux à la radio. C’est tout… Mais je préfère le théâtre, parce que cela réunit des gens tellement différents. Un des derniers endroits ou l’on peut être ensemble. J’ai envie aujourd’hui non pas d’être journalist­e, mais d’embarquer comme Devos le faisait, les gens vers un peu de distance et de hauteurs si possible.

Que pensez-vous des réseaux sociaux ?

Je suis un adepte de Tweeter. Je trouve que je suis souvent assez laconique dans la vie. J’aime dire beaucoup en peu de mots. Mais je trouve qu’il y a tellement de gens dans les autres réseaux sociaux, qui s’expriment n’importe comment sans le respect de l’autre que je m’en méfie un peu.

Est-ce qu’il serait possible aujourd’hui de tourner des inédits des Deschiens qui vous ont révélé au public ?

Oui, parce que nous avons une grande complicité. Nous sommes restés des amis. On pourrait se mettre devant une caméra et se lancer dans un film ou à la télévision. Mais est ce qu’un producteur de télévision nous laisserait aujourd’hui libre de faire nos incongruit­és ? Je ne sais pas. À l’époque des Deschiens, les responsabl­es de Canal + étaient eux-mêmes des artistes, ou du moins nous faisaient confiance. Aujourd’hui c’est différent, il me semble.

Quelle est votre actualité ?

Je vais reprendre une pièce avec Jacques Weber qui reconstitu­e le débat de  lors de l’élection présidenti­elle entre Jacques Chirac et François Mitterrand. Je vais aussi poursuivre J’ai des doutes au théâtre du Rond-point à Paris. Ensuite je reprendrai un programme de chansons avec Antoine Sahler. Puis je dois tourner quelques épisodes de la troisième saison de Baron Noir, sur Canal +. Et puis je vais continuer les chroniques sur France Inter chaque vendredi.

Savoir + «J’ai des doutes », hommage enchanté à Raymond Devos, demain, à 20 h, et mercredi, à 20 h 30, au théâtre Anthéa. Textes de Raymond Devos, mise en scène de François Morel, avec François Morel, Antoine Sahler. Musique d’Antoine Sahler. Tarifs : hors abonnement de 17 euros à 63 euros. Rens. 04.83.76.13.13.

‘‘ Je parle de ce que je veux à la radio” ‘‘ Devos fait rire avec l’existence”

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