Pascal et Descartes, échec et maths
Daniel Mesguich et William Mesguich incarnent les penseurs dans une rencontre écrite par Jean-Claude Brisville. Dès ce soir à Anthéa
647. Sous la plume du regretté Jean-Claude Brisville éclôt une rencontre avérée. Si presqu’aucune information n’a pu filtrer de cet échange, le travail documenté du dramaturge a réussi à ne pas faire tomber dans l’oubli ce rendez-vous. Pour incarner et mettre en scène L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune? Deux hommes, deux intimes, deux carrières : Daniel Mesguich et son fils, William Mesguich. À découvrir dès ce soir à Anthéa.
Daniel Mesguich, ce texte vous suit depuis …
D’abord il y a eu la création, oui. Où Henri Virlogeux jouait Descartes et je jouais Pascal. La pièce a eu un grand succès durant deux ans. Puis j’ai complètement oublié ce texte durant une dizaine d’années. Un jour, William, mon fils, m’appelle et me demande : « Papa est-ce que tu te souviens de ce truc que tu as fait avec Henri Virlogeux ? Est-ce que tu crois que ça m’irait Pascal ? » Je lui ai répondu : « Bien sûr, fais-le ! » Et il m’a demandé : « Est-ce que tu veux jouer Descartes ? » On a d’abord fait une lecture
‘‘ devant des gens, on a reçu un accueil enthousiaste. Alors on a décidé de l’apprendre vraiment pour le jouer. Mais au final on n’arrive plus à s’en dépêtrer. Depuis dix ans nous faisons chacun de notre côté beaucoup de choses différentes et voilà que l’on nous redemande de rejouer L’Entretien. C’est un plaisir : à chaque fois cela nous permet de nous retrouver.
Avoir joué Pascal, cela vous a fait appréhender différemment le rôle de Descartes ?
Je ne sais pas… J’avais l’âge de Pascal quand je le jouais et désormais je joue Descartes. C’est intéressant parce que William le fait brûlant, véhément, ce Pascal. Alors que je le faisais absolument glacial, distrait, perdu. C’est presque le contraire et cela fonctionne parfaitement. Et je dois aussi dire que l’âge venant je me suis fait plus bonhomme et moins jeune révolté. D’ailleurs le titre de la pièce le dit bien : L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune. Le jeune. Il n’a pas encore écrit quoi que ce soit, il a déjà inventé la machine à calculer et a rencontré les jansénistes. Descartes pensant parler mathématiques et sciences va être surpris…
Cet entretien, c’est une confrontation ?
Oui, comme une sorte de partage du monde, composé de zones cartésiennes et pascaliennes, entre la raison et la foi. Mais c’est plus compliqué que cela au final. Même si la pièce permet à chaque spectateur d’avoir l’impression d’avoir compris les deux hommes – ce qui n’est pas faux –, la réalité est moins simple. Parce que dans le fond, celui qui doute le plus c’est Pascal. Et celui qui a le plus de foi c’est Descartes. La raison de la foi face à la foi en la raison.
Chacun attend quelque chose de l’autre dans cet échange ?
Là réside le génie de Jean-Claude Brisville. Il arrive à écrire des entretiens extrêmement documentés : on ne plaisante pas avec l’Histoire. Ce n’est pas une fantaisie. Ce qu’il a
‘‘ inventé c’est un enjeu entre eux, c’est vraiment du théâtre. Pascal veut que Descartes signe une lettre en faveur d’Antoine Arnauld, ce que Descartes refuse. Tandis que ce dernier veut que Pascal soit son continuateur dans les sciences modernes. De ce côté également, ce n’est pas possible. Cette rencontre est un échec.
Et si elle n’avait pas été un échec ?
Elle devait être un échec. Je ne crois pas qu’il y avait moyen de faire autrement.
Là aussi repose la tension dramatique de la pièce…
Et en même temps c’est tranquille si j’ose dire… Ce n’est donc pas un exercice de mise en scène, mais plus un exercice de subtilité, de diction, d’étude de l’autre. Ce ratage était absolument une façon de mettre le point sur les – i. Mais le pont est impossible…
On se retrouve dans la chambre de Descartes…
Descartes était un grand voyageur, un aventurier. Il a passé plus de temps à cheval que dans son bureau, tandis que Pascal se mortifiait chez lui. Ce sont vraiment deux façons de vivre. Jusqu’à la fin Descartes continuera à mener sa vie comme cela. D’ailleurs, ils sont tous les deux au bord de la mort lorsqu’ils se rencontrent. Ce sont deux personnes en fin de vie qui l’ignorent, évidemment. Mais pour revenir à cette chambre donc, lorsque Descartes arrivait à Paris, un prêtre lui prêtait sa cellule, au couvent des Minimes dans le troisième arrondissement. C’est un univers très austère avec juste des livres, un table, un lit : sommaire.
Et deux contraires qui s’attirent…
Il y a de ça en chacun de nous d’ailleurs. Un versant Descartes et un versant Pascal. Il y a des moments pour les deux.
Savoir +
L’entretien de M. Descartes avec M. Pascal le jeune, de Jean-Claude Brisville, ce soir à 21 heures, jeudi à 20 h 30, vendredi à 21 heures, samedi à 17 heures et à 21 heures, au théâtre Anthéa, 260 avenue Jules-Grec à Antibes. Tarifs : 17 à 24 euros. Rens. 04.83.76.13.00.
Un Pascal brûlant, véhément... ” La raison de la foi face à la foi en la raison ”