Nice-Matin (Cannes)

Des coups de fer à repasser avant de l’étrangler :  ans

Un quadragéna­ire a été condamné hier par la cour d’assises pour avoir étranglé sa compagne en juillet 2015. Il l’avait auparavant frappée à coups de fer à repasser

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Abdou, 4 ans, a dû raconter aux policiers ce qu’il venait de se produire. Des mots d’enfants pour décrire une scène de cauchemar : « Papa il a tapé maman là (en désignant le haut de sa tête) et maman a fait dodo… » Papa, c’est Mohamed Abdoul’Anfour, un Comorien de 41 ans qui comparaiss­ait depuis mercredi devant la cour d’assises des AlpesMarit­imes pour le meurtre de sa compagne. Le 13 juillet 2015, en début de matinée, lors d’une dispute à leur domicile, boulevard Carnot à Cannes, ce père de famille sans histoires s’est emparé d’un fer à repasser et a frappé Fatima Bakar, 38 ans, qui s’est écroulée à l’entrée de la salle de bains où elle tentait probableme­nt de se réfugier. Il dit avoir porté deux coups. Elle présentait sur le crâne une quinzaine de zones hémorragiq­ues. Ce n’est pourtant pas ce qui l’a tuée. Le médecin légiste qui a procédé à l’autopsie, puis l’anatomopat­hologiste de Marseille à qui ont été confiés des prélèvemen­ts pour que soit déterminée avec certitude la cause du décès, évoquent tous deux une forte pression sur le cou. Suffisamme­nt prolongée pour entraîner l’asphyxie. Au moins trois longues minutes, ont précisé les experts. Fatima est morte par strangulat­ion.

« J’ai fait une erreur. J’ai tué ma femme »

Mohamed Abdoul’Anfour présente une tout autre version. C’est, dit-il, en voulant réanimer sa compagne qu’il l’a involontai­rement étouffée. Tout en minimisant le nombre de coups, il ne peut pas nier pas sa responsabi­lité sur le fond. Simplement, il affirme n’avoir pas eu l’intention de tuer. L’enregistre­ment de son appel aux pompiers, à 11 h 31 ce matin-là, est accablant. « J’ai fait une erreur. J’ai tué ma femme», l’entend-on déclarer. L’opératrice, stupéfaite, s’efforce de comprendre. Il répète, répète encore et finit par lâcher : « Je l’ai fait avec le fer. » Pas un mot sur l’asphyxie qu’il a pourtant provoquée. Lorsque les secours arrivent sur les lieux, il est déjà trop tard pour Fatima, dont le corps gît entre le couloir et la salle de bains tandis que le petit Abdou regarde la télévision dans le salon. Au président Patrick Véron, qui le pousse à s’expliquer, l’employé de restaurant campe sur ses positions avec un certain aplomb. «Je ne suis pas là pour mentir. Je suis coupable. Je regrette ce qui est arrivé à ma femme, je ne voulais pas qu’elle meure. »

Des disputes à propos d’un « grand mariage »

Le couple, selon le voisinage, se querellait fréquemmen­t. Principale­ment à propos du « grand mariage » que l’accusé entendait organiser en février 2016, dans son village d’origine. Mais Fatima n’avait aucunement l’intention de retourner vivre aux Comores, ce qu’elle avait encore indiqué la veille à un proche, parlant même de quitter Mohamed. Le matin du 13 juillet 2015, dans un accès de colère, elle aurait insulté la famille de ce dernier. Qui, à bout de nerfs, épuisé semble-t-il par le ramadan qui lui imposait de jeûner, ne pouvait en supporter davantage. « En 2016, une étude portant sur les violences conjugales faisait état de 138 décès, dont 109 femmes » ,aobservé hier l’avocat général Fanny Philibert. Qui a sapé la thèse de l’accusé, « non seulement impossible, mais totalement inaudible ». Plaidant une peine moins lourde que les vingt ans requis, Me Lauriane Ciais l’a rappelé : « Mon client aimait sa femme.» La défense a tenté de démontrer qu’il n’y avait pas d’intention criminelle. Ce que Mohamed Abdoul’Anfour a martelé, insistant enfin sur le poids de la coutume et sur l’importance que revêtait à ses yeux ce mariage. Ses derniers mots ont été pour Abdou : « Je n’ai pas été élevé par mon père et j’en ai souffert. Mon fils a besoin de son papa. »

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