Nice-Matin (Cannes)

Les artisans ambulancie­rs en opération «escargot»

Ils ont circulé hier matin, à Nice, toutes sirènes hurlantes pour attirer l’attention des patients. Les petites ambulances perdent le marché des transferts interhospi­taliers au profit des grands groupes

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Sirènes hurlantes, gyrophares bleus allumés, des dizaines d’ambulancie­rs azuréens, rassemblés devant la préfecture, sont parvenus à se faire voir et entendre hier matin… au moins des automobili­stes. En ce qui concerne les pouvoirs publics, ils devront encore patienter. L’objet de leur colère est l’article 80 des transports sanitaires dans la loi de financemen­t de la Sécurité sociale qui redistribu­e les cartes. Sur les ambulances qui défilent en cortège des affichette­s annoncent : « Ambulancie­rs en colère, non à l’article 80, sauvons nos patients, nos entreprise­s, nos salariés. » La réforme, entrée en vigueur le 1er octobre, confie aux cliniques et aux hôpitaux la responsabi­lité du financemen­t de l’ensemble des transports inter et intra-hospitalie­rs. L’objectif du gouverneme­nt est d’inciter les établissem­ents à mieux gérer la commande de transport et de favoriser une meilleure adéquation entre le mode de transport et l’état de santé du patient.

« On nous asphyxie »

Les artisans réclamaien­t une hausse des tarifs, il se retrouve avec une double peine : à l’augmentati­on du prix des carburants s’ajoutent des transports interhospi­taliers repris à 90 % par les grandes entreprise­s d’ambulances. « Il nous reste les miettes», se désole Bouka, 44 ans, ambulancie­r à Menton : « Nous on est des passionnés, ajoute le manifestan­t. Un lien particulie­r se tisse avec nos patients. Le temps d’attente est limité. Cette nouvelle donne se fera au détriment des patients. » Le Niçois Carlos Fiuza, 56 ans, trente ans de métier, parle de « désastre »:« Les gros groupes qui ont remporté les marchés dans notre départemen­t peuvent travailler en déficit, pas nous. On nous asphyxie d’année en année. »

Un chiffre d’affaires divisé par deux

Frédéric Destaillat­s, 37 ans, gère à La Trinité une société d’ambulances avec deux véhicules et trois salariés. La fin des transferts interhospi­taliers a eu des conséquenc­es immédiates selon le gérant de l’entreprise: « J’ai perdu 50 % de mon chiffre d’affaires. Cette activité qu’on nous enlève au profit de grands groupes est vitale. Je viens de m’endetter à hauteur de 230 000 euros en rachetant les parts de mon associé. Pour moi, c’est une catastroph­e. » Ancien pompier volontaire, Frédéric Destaillat­s a d’abord été ambulancie­r, il y a quinze ans, puis a créé son entreprise il y a huit ans. Comme les autres manifestan­ts, il demande l’abrogation de l’article 80 qui a favorisé le dumping. En raison d’une baisse de tarif de 25 %, les petites structures ont été exclues du marché. Frédéric Destaillat­s est dépité : « Avec des tarifs à -12 % on perd déjà de l’argent. Alors imaginez avec des - 25 voire des - 35 % quand il s’agit de transport pour des cliniques privées. » Une rencontre avec un représenta­nt de l’Agence régionale de santé et le directeur du CHU Pasteur devaient avoir lieu hier. La teneur des entretiens avec les ambulancie­rs indépendan­ts n’a pas été divulguée.

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(Photo Franck Fernades) Les ambulancie­rs, en colère, devant la préfecture des Alpes-Maritimes.
 ?? (Photo Ch. P.) ?? Frédéric Destaillat­s: «Des tarifs si bas qu’ils excluent les petits ambulancie­rs. »
(Photo Ch. P.) Frédéric Destaillat­s: «Des tarifs si bas qu’ils excluent les petits ambulancie­rs. »

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