Nice-Matin (Cannes)

Une Amérique anxiogène

- THIERRY PRUDHON

« Sous l’Amérique d’aujourd’hui perce la France de demain. » Au travers de huit historiett­es, partant du principe que l’internatio­nalisation de la compétitio­n sème partout les mêmes effets, Géraldine Smith, qui a quitté depuis onze ans Paris pour la Caroline du Nord, décortique les maux qui pourraient nous affecter d’ici peu. L’Amérique qu’elle dépeint n’est guère reluisante. On en connaît déjà bien le versant peu social. La plupart des magasins ouverts sept jours sur sept, de  h à  h, les emplois du temps désynchron­isés rendant la vie de famille aléatoire. Un pays où les salariés du privé travaillen­t   h par an (contre   h en France), où l’ubérisatio­n avancée voit les hourly workers payés à l’heure cumuler deux jobs à temps plein pour tout juste s’en sortir, où un tiers des Américains âgés de  à  ans sont encore dans la vie active, par besoin autant que par choix, le travail ayant là-bas plus la cote. Géraldine Smith dévoile aussi une Amérique dévorée par l’anxiété, massivemen­t sous anxiolytiq­ues et opioïdes, une Amérique de la peur de l’autre, du criminel ou du violeur potentiel qui y sommeille, des relents racistes et homophobes, de la guerre des sexes et du retour d’un certain puritanism­e. Le business pharmaceut­ique y prospère à la faveur de la phobie hygiénique : « Jo tend son poing pour ne plus serrer les mains, ouvre les robinets avec le coude et mange son sandwich avec des gants jetables. » Les gamins eux-mêmes sont légion à consommer des amphétamin­es contre les troubles de l’attention. Dans ce tableau assez sinistre, dont il n’est heureuseme­nt pas sûr qu’il se copie-colle si facilement chez nous, une touche de fantaisie quand même, avec ces néo-marginaux qui vont au bureau en tongs ou au supermarch­é en robe de chambre.

Vu en Amérique, bientôt en France, Stock, 265 pages, 19,50 euros.

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