« Je suis sensible et préoccupé »
Alain Bernard fait partie des sportifs et sportives de haut niveau, ainsi que des présidents de Fédérations (*), signataires d’un courrier adressé aux “élus de la Nation”. Leur mot d’ordre : « la famille du sport français est en danger ». Le champion olympique de du m nage libre s’en explique.
Pour quelle raison avezvous signé cette lettre ?
Quand j’ai eu vent de cette lettre, je l’ai cosignée sans hésiter. Je suis impliqué dans le monde associatif, que ce soit au CNA (cercle des nageurs d’Antibes) ou avec la Fédération, où je suis élu au comité directeur. Donc je suis sensible et préoccupé pour l’avenir du sport dans sa globalité. Nous avons une ambition élevée avec l’annonce de médailles pour les JO de Paris et dans le même cas, il y a une réduction du budget des Sports et la suppression de cadres techniques d’Etat d’ici .
C’est ce discours ambivalent que vous pointez du doigt ?
C’est totalement incohérent. Les futurs champions qui participeront aux JO de Paris ont aujourd’hui entre et ans. Le message qu’on leur envoie n’est pas bon. Six ans, ce n’est rien, c’est déjà demain. Il faut pouvoir donner des moyens et bien accompagner ces jeunes. Et au-delà du sport de haut niveau, il y a un enjeu sociétal. Le sport a un impact sur l’éducation, la santé. Ce n’est pas seulement récréatif. Mais pour bien travailler, il faut des moyens.
Vous vous impliquez aussi pour ces athlètes qui sont en pleine préparation. Qu’ils puissent avoir la tête au sport ?
Oui, l’athlète doit pouvoir avoir une préparation confortable. Pour atteindre le haut niveau en natation, cela demande un investissement énorme. Jusqu’au bac, le nageur peut y arriver. Ensuite, c’est nettement plus dur de pouvoir poursuivre des études. Au lieu de les accompagner, on leur met des barrières. Quand on a la tête dans l’eau, on a autre chose à penser. C’est pour cela que je fais le relais. D’autant que j’ai eu la chance d’avoir eu de bonnes conditions. D’abord dans mon petit club d’Aubagne, puis au CN Marseille, où j’ai rencontré et suivi Denis (Auguin, son coach) à Antibes. Mais aujourd’hui, on est obligé de se battre, non pas pour améliorer les conditions de travail, mais pour essayer de conserver ces moyens. J’ai vécu de belles choses grâce au sport, j’espère que les générations futures pourront en faire de même en France.
Vous sentez qu’il y a une véritable adhésion dans tous les sports olympiques ?
Il n’y a pas de footballeur ou de tennisman parmi les signataires, mais ils sont les bienvenus aussi. En dehors de ces disciplines, tous les sports non-professionnels sont sensibles aux revendications de cette lettre. J’ai peur que l’annonce de réduction budgétaire ne décourage certains sportifs, entraîneurs ou bénévoles dans les clubs. Il ne faut pas lâcher le morceau car ces jeunes, à travers leurs médailles, vont aussi contribuer au rayonnement de la France au niveau international. * Parmi ces signataires, on retrouve notamment Christine Arron, Brahim Asloum, Grégogy Baugé, Martin Fourcade ou Teddy Riner, mais aussi le Villeneuvois Jean-Paul Bulgaridhes (président de la fédération française d’haltérophilie), les Niçois Gilles Sezionale (président de la fédération française de natation), Eric Tanguy (président de la fédération française de volley-ball), ainsi que Joël Bouzon (conseiller auprès de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco).