RÉFÉRENDUM D’AUTODÉRTERMINATION EN NOUVELLE-CALÉDONIE (/) -: des progrès à grands pas mais des inégalités toujours criantes
Un référendum d’autodétermination est prévu dimanche 4 novembre en Nouvelle-Calédonie. Il doit permettre à la population de se prononcer pour ou contre l’indépendance. Le « non » est donné gagnant dans les derniers sondages avec 60 à 69% des voix. 174154 électeurs sont appelés à se prononcer. Durant sept jours nous vous proposons des éclairages sur cet archipel situé dans l’océan Pacifique, devenu français en 1853. Voici le premier volet. Une croissance économique digne des dragons asiatiques, une démographie soutenue, des hôpitaux flambant neufs... Le visage de la Nouvelle-Calédonie de 2018 n’a plus grand-chose à voir avec celui de 1988, quand Michel Rocard avait fait signer les accords de Matignon à Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, au sortir d’une quasi guerre civile. Le rééquilibrage social et économique en faveur des Kanaks était une exigence centrale du leader indépendantiste, mais où en est-on trente ans plus tard ? En 1988, la Calédonie n’hébergeait qu’une seule usine de transformation de nickel. Aujourd’hui, trois complexes sont en activité. Un investissement d’environ 16 milliards d’euros et plusieurs milliers d’emplois!
habitants
Énorme pour un petit pays d’à peine 300 000 habitants. L’ambition du rééquilibrage ne s’arrêtait pas là. Le pays s’est doté de deux nouveaux hôpitaux dont un en province Nord, à 300 kilomètres de la capitale Nouméa, de plusieurs lycées et collèges dans les Îles Loyauté et en brousse. Le réseau routier s’est grandement amélioré, des hôtels de classe internationale et un nouvel aéroport ont été construits. Un dispositif – toujours en cours – a permis de financer la formation de centaines de cadres kanaks dans les universités de métropole. La compagnie aérienne locale (Aircalin), qui ne disposait, il y a trente ans, que d’un avion moyen-courrier pour relier l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou Fidji, possède aujourd’hui deux Airbus A 330, avec lesquels elle relie le Japon et la Polynésie. Le territoire maîtrise enfin ses transports extérieurs. Socialement aussi les choses ont bien changé. Une assurance-maladie pour tous a été créée au début des années 2000. Un minimum vieillesse l‘a été au début des années 2010. Une révolution pour les travailleurs indépendants ou pour certains habitants de tribus vivant d’activités vivrières. Il y a 30 ans, il y avait d’un côté Nouméa, la capitale, ses services, ses lycées, ses loisirs, son grand hôpital. Et puis la brousse où l’on était très vite loin de tout: écoles, commerces, dispensaires. Bien avant l‘aube, les enfants attendaient parfois le bus dès 4 heures du matin, au bord de la route. De ce point de vue, la fracture a été singulièrement réduite. Mais le territoire est vaste, son relief tourmenté et il est faiblement peuplé (le Grand-Nouméa concentre les deux tiers de la population), ce qui complique le quotidien des habitants les plus isolés.
Une esquisse de “vivre ensemble”
L’eau potable est loin d’être accessible partout, l’électricité non plus. Le problème est presque identique dans la capitale, où les inégalités se creusent entre le centre et la périphérie. L’agglomération est verdoyante. Mais cette verdure est un cache-misère qui dissimule ce qu’on appelle ici pudiquement des squats, et qu’on appellerait plus crûment ailleurs des bidonvilles, où 10 000 personnes s’entassent. Si le rééquilibrage est bien en marche, la route reste longue. Le «vivre ensemble» rêvé par Jean-Marie Tjibaou, Jacques Lafleur et Michel Rocard, ne fait encore que s’esquisser.