Le pressing dangereux et son gérant condamnés
Après neuf ans de combat, Frédéric Bernard a obtenu hier la condamnation pour homicide involontaire du commerce dont les émanations de perchloroéthylène ont empoisonné sa mère
Josée-Anne Bernard est décédée à 72 ans le 25 décembre 2009. Ses poumons regorgeaient de perchloroéthylène, un solvant qui envahissait son appartement depuis le pressing Lafayette installé en dessous, rue Gioffredo à Nice. Son fils, Frédéric, a remué ciel et terre pour démontrer que le décès de sa mère n’était pas dû au hasard ou à la fatalité. Hier, le tribunal correctionnel de Nice, présidé par Anne Vincent, a entendu ses arguments et reconnu le pressing et son gérant, Daniel Monfray, coupables d’homicide involontaire. « C’est une décision de principe importante. Une première en France », se félicite Me Bernard Sivan, tout en saluant la ténacité de son client, Frédéric Bernard, partie civile. Daniel Mongray, le gérant, absent au moment du délibéré, a été condamné à un an de prison avec sursis. Il était resté sourd aux mises en demeure ce qui lui valait d’être également poursuivi pour « exploitation d’une installation classée non conforme ». Le bureau de contrôle et de certification Veritas, qui s’était contenté d’une simple inspection visuelle des installations, est également reconnu coupable d’homicide involontaire. Il écope d’une amende de 100 000 euros. Un total de 23000 euros de dommages et intérêts devra être versé solidairement aux proches de la défunte ainsi que 5000 euros de frais de justice.
Un solvant appelé à disparaître
Lors de l’audience en septembre, le procureur Vincent Enel avait requis une peine de dix-huit mois avec sursis contre l’exploitant et une amende de 225 000 euros à l’encontre de Veritas. A la sortie du tribunal, Frédéric Bernard reste dubitatif et s’interroge : « Est-ce un bon jugement? Combien vaut la vie d’une maman ? Ma plus belle victoire est le fait d’avoir mis en évidence les dangers du perchloroéthylène et d’avoir obtenu son interdiction progressive. » Le solvant industriel utilisé en blanchisserie doit disparaître d’ici à 2020. Le pressing Lafayette n’avait jamais été inspecté avant son ouverture comme l’exige la réglementation. Sa ventilation était inefficace au point que les émanations étaient perceptibles cinq étages plus haut. À raison de 35 kg de linge par lavage et de 110 machines par an, plus de 70 kg de « perchlo » auraient été rejetés par le pressing, juste sous les fenêtres de la victime. « Ma maman a vécu dix-huit mois d’enfer, gazée », rappelle Frédéric Bernard qui regrette que les services de l’État aient donné leur feu vert à l’exploitation de cette dangereuse blanchisserie.