Élection des Républicains : les deux clans s’accusent
Les estrosistes affirment avoir découvert de nombreuses incohérences dans les adresses IP des votants, ce qui traduirait une possibilité de fraude. Les ciottistes répliquent et accusent aussi
Nous avons décidé de ne pas assister à ce comité départemental des Républicains, car nous sommes dans le cadre d’un recours… Donc ce n’est pas une désertion, loin de là, mais tant que la Haute autorité n’aura pas rendu son verdict, ce comité départemental n’est pas forcément légitime!» Hier, quelques heures avant le comité départemental du parti de Laurent Wauquiez (lire ci-dessous), le conseiller régional PierrePaul Léonelli, un des trois candidats niçois malheureux au poste de délégué de circonscription LR, tenait à le dire : « Ce n’est pas une réaction de mauvais perdant… La question que l’on pose, c’est juste : qu’est-ce qui s’est passé ? La participation de 70 % dans le département est effarante, quand on sait qu’elle était de 54 % lors de l’élection de Copé face à Fillon, et de 45 % pour celle de Wauquiez. Oui, beaucoup de gens ont adhéré, Éric Ciotti a fait campagne, mais nous aussi. Or, quand on voit l’ampleur des scores, annoncés le soir même vers 20 heures… Alors qu’on a dû attendre le lundi en fin de matinée pour que nous puissions les avoir vraiment, soit soixante-douze heures ! Alors que tout est informatisé ! » Le Monsieur Propreté du maire de Nice, qui a déposé un recours contre les élections à la fédération LR-06 avec les autres candidats estrosistes (Dominique Estrosi-Sassone dans la 3e et Marine Brenier dans la 5e, battues par les ciottistes Stanislas Andre et Christelle d’Intorni), est décidé à faire le ménage. Et il ajoute cette fois, une deuxième couche de décapant : de « nombreuses incohérences » dans les adresses IP des votants, qui servent à identifier les ordinateurs, smartphones ou tablettes utilisés pour participer au scrutin, électronique.
Incohérences
Des incohérences relevées par Pascal Condomitti (1), directeur adjoint de cabinet du maire, Christian Estrosi, qui a, en tant qu’ex-secrétaire départemental adjoint des Républicains, demandé à la Haute autorité du parti, par huissier, à consulter la liste d’émargement électronique du scrutin. Ce qu’il a fait, sans pouvoir prendre de photo, ni faire d’impression, ni rien enregistrer. Dans ce fichier de 7 000 noms, il a « extrait près de 600 adresses, à la main, une par une. » Pour chaque votant, le nom, le prénom, l’adresse physique et l’IP. Chaque adresse IP permet de géolocaliser l’endroit d’où ont voté les adhérents. « Sur ces données, 65 % ont une anomalie ! », dévoile Pierre-Paul Léonelli. Pascal Condomitti, qui a passé des heures à décrypter ces informations, énumère : des adhérents qui ont tous voté dans le même bureau, avec le même ordinateur et la même connexion, mais qui se retrouvent avec des adresses IP différentes. Des couples dont les deux époux ont voté depuis leur domicile, à dix minutes d’intervalle, mais qui se retrouvent avec deux adresses IP. Ou encore des personnes ne résidant pas dans la même commune, qui ont voté depuis des lieux et à des horaires différents et se retrouvent avec la même adresse IP. Et aussi des adhérents qui ont voté depuis une adresse IP correspondant normalement à celle d’un bureau de vote à l’hôtel Radisson Blu de Cannes… à des heures où le bureau était fermé. « Comment est-ce possible ? Il y a un problème. Par ailleurs, mon contrôle a aussi fait apparaître sept votes depuis une adresse IP appartenant au conseil départemental des Alpes-Maritimes », glisse Pascal Condomitti.
« Un vote à Nice, avec une IP… de Martinique »
«Or, j’ai contacté ces personnes. Elles affirment avoir voté de chez elles, et m’ont fait une attestation. Leurs adresses IP figurant sur la liste d’émargements sont fausses. Plus étonnant: si ces adresses IP existent, et qu’elles ont été mélangées, comment se fait-il que sept personnes aient pu voter depuis une adresse du conseil départemental le samedi 13 octobre alors que les procurations sont interdites ? » Et Pierre-Paul Léonelli d’ajouter : « Et que dire du candidat Stanislas Andre, dont l’IP indique qu’il a voté en Martinique, alors qu’il était bien présent ce soir-là à Nice et qu’il y a voté depuis son smartphone ! »
(2) Fraude ? Ou gros problème technique ? Le camp adverse répond : « Eric Ciotti n’avait pas, lui non plus, accès à ces données. Il n’a pas pu les manipuler ! Ce que fait le clan Estrosi, c’est accuser Paris ! Ils prennent le risque de casser notre parti, juste pour créer le buzz.» Et les ciottistes de soulever aussi «des anomalies et manipulations de la part des estrosistes» (lire par ailleurs). L’entreprise chargée d’organiser ce vote électronique, Neovote, qui a une solide réputation dans son domaine, n’a pas répondu à nos sollicitations, hier. Mais d’après le JDD du 21 octobre, « aucune anomalie n’a été signalée lors du scrutin des Alpes-Maritimes par le prestataire chargé d’organiser la totalité des élections internes des Républicains ». La Haute autorité, présidée par l’avocat Henri de Beauregard, va examiner la recevabilité de ces recours. Ses décisions pourraient intervenir d’ici trois semaines. Le 9 novembre, c’est la justice qui pourrait nommer un expert afin de démêler ces affaires, et « mettre d’accord » les deux parties.