Menton : les oeuvres du musée Cocteau en partie sauvées
Le travail conjoint de pompiers de tous horizons et des équipes de divers musées a permis d’éviter le pire. Les pièces du musée Cocteau de Menton ont rejoint le Palais de l’Europe, où elles seront soignées
La chaîne humaine entre le musée Cocteau et le Palais de l’Europe s’est poursuivie jusqu’à 1 h, dans la nuit de mardi à hier. Avant de reprendre de bon matin – après de maigres heures de sommeil pour la cinquantaine de protagonistes. Sapeurs-pompiers, équipes muséales, police municipale et services techniques main dans la main pour transporter les oeuvres inondées en lieu sûr. Progressivement. Vers midi, un tiers des quelque 1 500 toiles, dessins et sculptures de l’artiste protéiforme avait ainsi rejoint son lieu de convalescence. Restent alors, dans l’établissement sinistré, des oeuvres soigneusement disposées sur des tables à tréteaux.
« La majeure partie pourra être sauvée »
Au sous-sol, par où les torrents d’eau sont entrés, il ne reste plus rien en revanche. « C’est un champ de bataille », glisse un observateur. Le sol est resté humide, couvert de prospectus en déliquescence. Un générateur placé à l’extérieur de l’établissement offre une faible lumière, suffisante pour distinguer le trait laissé par la montée des eaux, à hauteur de poitrine. Pour constater l’ampleur de la catastrophe évitée. D’après les premières observations de la restauratrice en arts graphiques envoyée par la Drac (Direction régionale des affaires culturelles), sur demande de la sous-préfète Gwenaëlle Chapuis, une majorité des oeuvres en sortira indemne. « Je suis soulagée, c’est tout à fait traitable. Heureusement, tout a été bien pris en main, très vite. Ma première constatation, c’est qu’il y a eu une bonne organisation, avec de la place et des personnes disponibles », commente Silvia Brunetti. Tandis qu’autour d’elle, les sapeurs-pompiers (parmi lesquels des professionnels de Cannes et de Cagnes-sur-Mer, mais aussi 12 jeunes sapeurs pompiers de Contes) ainsi que les équipes de musées mentonnais et niçois s’activent pour remplir les camions. Du côté des jardins Biovès, en fin de chaîne, une autre équipe les décharge. Encore un peu sonnée, la directrice du musée, Françoise Leonelli, explique que les premiers objets d’art à avoir été sauvés, dans la nuit du drame, provenaient de la « grande réserve des oeuvres encadrées ». Pour leur valeur, mais aussi parce qu’il s’agissait des plus difficiles à extraire, en termes de poids. « Pour le moment, on désencadre au fur et à mesure. au Palais, les oeuvres sont mises à plat, de manière à bien sécher. Puis on commencera à traiter. Une grosse campagne de restauration sera lancée. » L’aide de spécialistes de l’intervention d’urgence sera notamment sollicitée. « La chaîne humaine qui s’est constituée pour sauver les oeuvres montre l’attachement de la population à Cocteau et au musée », souligne le maire, Jean-Claude Guibal, visiblement ému. Les premières estimations de la Drac sont optimistes: la majeure partie sera sauvée. » Et si le musée restera fermé pour cinq mois minimum, son équipe tâchera malgré tout d’organiser des expositions temporaires. Et pourquoi pas une sur le thème du coup de mer et de ses conséquences. « En vue d’expliquer l’opération et montrer l’élan de solidarité » suggère l’élu. Pour l’heure, l’expertise est en cours. Viendront les inévitables questions d’assurance. Silvia Brunetti était dans son atelier à Avignon, mardi soir, quand le CICRP (Centre interdisciplinaire de conservation et restauration du Patrimoine) de Marseille l’a appelée. Afin qu’elle offre une première expertise sur les oeuvres malades. « Je n’étais pas informée de l’état des oeuvres mais j’ai apporté du matériel en plus : papier-filtre, buvard, éponges. Heureusement, il existait une surface qui a permis aux toiles et aux dessins de sécher dans la nuit. Si les oeuvres étaient restées mouillées, il y aurait eu des risques de moisissures », souligne la restauratrice. Précisant que la première mission consistera à sélectionner les pièces à traiter en priorité selon leur valeur, leur état et la technique adoptée. Certaines seront soignées sur place, d’autres seront envoyées au CICRP. Les plus vulnérables ? « Celles réalisées avec de l’encre soluble, et les pastels. »