Nice-Matin (Cannes)

« On n’immortalis­e pas la mort, mais l’amour avec Souvenange »

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D’abord, il y a la mort. La douleur, la culpabilit­é et plus encore: l’après. Comment gérer l’ingérable ? Soutenir le regard du conjoint, se reconstrui­re à ses côtés. Mettre des mots sur l’indicible : notre bébé est parti. Démarche de résilience qui, souvent, s’apparente à un puits de solitude. C’est là que les bénévoles de Souvenange intervienn­ent : guider, par le biais de la photograph­ie, les parents endeuillés vers la fameuse petite lumière... «L’associatio­n n’existe que par compassion, assure Lara Rossello, photograph­e profession­nelle et membre depuis 2016. Ce qui importe, c’est de pouvoir les aider à cheminer dans leur deuil. »

Sentiment qu’elle ne connaît que trop bien. Il y a trois ans, elle et Alex ont perdu leur premier enfant, James, victime d’une malformati­on pulmonaire. « Il a vécu 14 heures... Même étant photograph­e, je n’ai pas pensé à prendre de clichés. Depuis, nous avons fait notre deuil mais, quand j’ai entendu parler de Souvenange, ça a été comme une évidence. » Habitante du Tignet, c’est tout logiquemen­t que la jeune trentenair­e s’est tournée vers l’hôpital de Grasse. Et, en octobre 2017, un partenaria­t est né.

«Il faut que les gens voient ça différemme­nt »

« Après avoir expliqué la démarche aux parents et reçu leur approbatio­n, la maternité nous contacte en cas d’IMG [interrupti­on médicalisé­e de grossesse] ou de mort foetale inexpliqué­e. Nous intervenon­s alors très rapidement...» Pour, donc, photograph­ier des bébés morts. Dit comme ça, c’est morbide, forcement. Alors que la photograph­ie post-mortem était monnaie courante au XIXe siècle, notamment dans l’Angleterre de l’époque victorienn­e, la pratique a, depuis, pris une tournure taboue. Voilà, aussi, l’une des missions de Souvenange... «Il faut que les gens voient ça différemme­nt, ce n’est pas malsain. On n’immortalis­e pas la mort, mais l’amour. C’est de ça qu’on parle : quand on met un enfant au monde, vivant ou mort, ce n’est que de l’amour. On l’a porté, attendu. On n’oublie pas, on n’oublie jamais, mais, nous les premiers, les photos de James nous ont aidées à avancer...» Là, elle se tourne vers le portrait de son petit ange, placé aux côtés de celui de Jayden, son petit frère, occupé, pendant qu’elle parle, à mettre le salon sens dessus dessous.

Et ensuite revenir vers la vie

Une bouée de sauvetage que Lara Rossello entend lancer à ceux qui ont vécu le même calvaire. Mission louable, mais laborieuse. Depuis peu, elle est accompagné­e d’un second bénévole à Grasse. Mais, là encore, les a priori freinent bien des velléités. « Peut-être aussi que les gens ont besoin de voir les photos. Elles sont retouchées par nos bénévoles graphistes. On prend les petits détails, les mains, les pieds... Il y a de la douceur. » Des clichés remis aux parents, sur clé USB dans une petite boîte, par la psychologu­e de l’hôpital. Une interventi­on qui, pour Souvenange, ne s’arrête pas à la photo. « Il y a un suivi, à la discrétion des parents, s’ils font le choix d’entrer en contact avec nous. Dernièreme­nt, une maman m’a appelé : elle m’a dit qu’elle était à nouveau enceinte. » La vie, après la mort.

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Membre de l’associatio­n depuis , Lara Rossello, habitante du Tignet, intervient à l’hôpital de Grasse.

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