Nice-Matin (Cannes)

Guerrier dans l’âme

À vingt-trois ans et deux graves blessures plus tard, l’ancien pensionnai­re du centre de formation de l’AS Monaco retrouve des couleurs au RC Grasse, après une parenthèse en Angleterre

- ROMAIN BOISAUBERT

Non, Sébastien Amoros n’a pas de liens avec l’emblématiq­ue Manuel Amoros, ancien internatio­nal français aux quatre-vingt-deux sélections, vainqueur de l’Euro avec les Bleus en 1984. « Tout le monde me pose cette question depuis que je suis tout petit, sourit le Cannois de vingttrois ans. Même en Angleterre, on me demandait si je n’étais pas le fils de Manuel. » Burslem, dans le Nord de l’Angleterre, célèbre pour ses fabricatio­ns de porcelaine et ses poteries. Burslem, ses quinze mille habitants, ses fines pluies bucoliques et son légendaire club de football, le Port Vale FC, fondé en 1 876. Itinéraire peu commun, d’un garçon au destin sans lendemain, avec le club dans lequel il se voyait déjà prendre le chemin de la Ligue 1. « Souleymane Cissé, l’entraîneur de la réserve à l’époque, vient me voir et m’annonce que le club ne souhaite pas me conserver.» L’élégant milieu relayeur, qui a écumé le centre de formation de l’AS Monaco entre ses quinze et vingt et un ans, a du mal y croire. Le choc est brutal. Flashback. Petit, déjà, Sébastien Amoros s’imaginait ballon au pied, comme ses idoles. Un père gardien de but, une passion naissance pour l’Olympique de Marseille de Didier Drogba, finaliste de la coupe de l’UEFA 2004, perdu face au Valence CF (2-0), une première licence à l’AJA Le Cannet, entité disparue depuis, et voilà comment le gamin de Mouans-Sartoux est tombé dans le football, sa passion, qui l’anime depuis sa naissance. « Après plusieurs saisons au Cannet-Rocheville, je suis parti au pôle espoir d’Aix-en-Provence. Je devais avoir douze ans », se remémoret-il. Un an plus tard seulement, des émissaires de l’AS Monaco tombent sous le charme du jeune talent. À treize ans, Amoros signe un contrat aspirant avec les rouges et blancs. Avant de rejoindre le centre de formation du club du Princier à ses quinze printemps. « Je l’ai rapidement lancé en CFA (aujourd’hui National 2, N.D.L.R.) quand il avait à peine seize ans, rembobine Bruno Irles, ancien entraîneur de la réserve monégasque. J’appréciais beaucoup Sébastien, sur et en dehors du terrain. C’est un garçon bien éduqué, animé par l’envie de progresser. Sur un terrain, il ne lâche jamais rien. Il a cette capacité à pouvoir sans cesse renouveler les efforts », analyse celui qui officie aujourd’hui comme consultant sur les chaînes du groupe Canal. « J’ai gardé d’excellents souvenirs de Sébastien ,se remémore Florian Andreani, ancien pensionnai­re du centre de formation de l’ASM, lui aussi, et portier du SC Toulon cette saison. En tant que gardien, je me souviens qu’il faisait beaucoup de bien au milieu. » « Sébastien est un immense compétiteu­r, lance Mehdi Bennedine, qui évoluait encore à Monaco la saison dernière, parti depuis du côté de Quevilly-Rouen Métropole, en National. Tout le monde a été surpris qu’il ne signe pas profession­nel. Lors de sa dernière saison avec la CFA, il a été monstrueux. Un jour, Leonardo Jardim m’a confié qu’il appréciait beaucoup Sébastien. Il m’a demandé ce qu’il devenait depuis son départ de Monaco. » Jamais, pourtant, l’entraîneur portugais n’a lancé Amoros dans le grand bain de la Ligue 1. « La semaine, je m’entraînais avec l’équipe première, aux côtés des Bagayoko, Fabinho, Moutinho, Falcao, Bernardo Silva, se souvient Amoros, un brin nostalgiqu­e, au moment d’évoquer ses années monégasque­s. Mais je n’ai jamais eu ma chance en première. » La faute, peut-être, à ses deux graves blessures. « Je me suis fait deux fois les ligaments croisés internes du genou droit. La première fois à dix-sept ans, avec les U19 de Monaco contre l’AJA Auxerre. Et une seconde fois, un an plus tard, pendant la préparatio­n estivale, alors que j’avais retrouvé mon niveau après une longue rééducatio­n. » Le sort s’acharne. Amoros touche son rêve du bout des doigts, frôle le monde profession­nel, mais voit son destin brisé, une seconde fois. Le garçon, pourtant, ne baisse pas les bras, s’arrache, se surpasse, pour revenir, encore plus fort. « Son mental est impression­nant, confie Sonny Palomba, l’un de ses meilleurs amis, avec qui il forme une petite bande, en compagnie de Kévin N’Doram. Pendant ses blessures, il n’a jamais abandonné. Je me souviens qu’il continuait d’aller à la salle de sport pour garder le rythme. Sébastien est un grand profession­nel, qui met toutes les chances de son côté pour atteindre son objectif. » Pas suffisant, aux yeux du géant monégasque. Alors à ses vingt et un ans, Amoros prend l’exil, direction la troisième division anglaise. «Mon agent m’a soumis cette opportunit­é de rejoindre Port Vale. Je n’ai pas hésité. Je me suis dit que je devais tenter ma chance. » Pendant six mois, le gamin de la Croisette nage en plein bonheur, signe profession­nel et fait l’étalage de son talent tous les week-ends, sur les pelouses de Bolton ou de Sheffield, devant près de vingt mille spectateur­s. « Malheureus­ement, à la trêve, l’entraîneur qui m’avait fait venir s’en va. Et celui qui l’a remplacé ne m’a pas fait jouer. » En plein coeur de l’Angleterre, le jeune Amoros se morfond. Le soleil et la douceur de la Côte d’Azur lui manquent. En fin de saison, il décide donc de résilier son contrat, de hisser les voiles et de traverser la Manche à nouveau. Seul, hic, son prix. « En étant profession­nel, j’avais certaines restrictio­ns. Je ne pouvais pas signer en dessous d’un certain montant. » Pendant un an, l’ancien monégasque prend son mal en patience, en trouvant réconfort à Grasse, sous les ordres de Loïc Chabas. « Dans le football, le passé n’a pas d’avenir. Peut importe que tu sortes du centre de formation de l’AS Monaco, après une saison blanche, tu n’es plus rien. » Mais cette saison, dans une équipe taillée pour lui et ses qualités, Amoros renaît de ses cendres. «Le RC Grasse correspond à mes valeurs. Je me sens chez moi. » L’avenir ? Il n’essaye de pas trop y penser, même si son rêve reste dans un coin de sa tête. « Signer profession­nel n’est plus un rêve. C’est un objectif. Je travaille tous les jours pour ça. Je sais que j’ai les qualités. À moi de le prouver, en aidant Grasse à briller cette saison. »

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