Nice-Matin (Cannes)

Notre porte-avions du Pacifique

Plus de 1 600 hommes (armée de terre, armée de l’air et marine) composent le dispositif militaire français en Calédonie, dont le maintien constitue un enjeu stratégiqu­e pour les deux territoire­s

- SAMUEL RIBOT/ALP

L’expression date de la Seconde Guerre mondiale : durant près de cinq ans, la Nouvelle-Calédonie fut « le plus gros porte-avions de la marine américaine ». Rallié dès septembre 1940 à la France libre du général de Gaulle, le territoire a joué un rôle déterminan­t dans la Bataille du Pacifique, voyant passer plus d’un million de soldats américains sur son sol. De cette époque subsistent, outre une réelle nostalgie du grand frère américain, une multitude d’infrastruc­tures telles que des aérodromes, des routes, des ponts, des réseaux d’adduction d’eau ou encore des hôpitaux. Soixante-dix-huit ans plus tard, la Calédonie, qui disposait en 1940, en tout et pour tout, de quatre canons datant de 1892 pour se défendre, est devenue un maillon essentiel de l’armée française tout autant qu’elle bénéficie de sa protection. Les Forces armées de NouvelleCa­lédonie (Fanc) comptent aujourd’hui 1 650 militaires de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine, répartis sur quatre sites. Une frégate de surveillan­ce dotée d’un hélicoptèr­e ainsi que deux patrouille­urs sont amarrés à la base navale de Nouméa, qui accueille également une unité tournante de fusiliers marins. Deux avions de surveillan­ce maritime complètent ce dispositif, tandis que l’armée de l’air dispose de deux avions de transport de troupes et trois hélicoptèr­es Puma.

Maillon essentiel

A terre, six compagnies – dont une de parachutis­tes - composent les troupes d’infanterie, soit plus de 700 hommes et leurs équipement­s. « C’est une petite armée en miniature, avec des capacités de transport et de surveillan­ce, des bateaux, des avions, des hélicoptèr­es. Ce n’est donc pas anodin, souligne Florent de Saint-Victor, spécialist­e des questions de défense et ancien collaborat­eur du ministre de la Défense. Les crédits étaient plutôt à la baisse ces dernières années, mais la Nouvelle-Calédonie est un territoire pour lequel avait été établie une limite sous laquelle les autorités ne voulaient pas descendre. » Est-ce à dire que le territoire, seule implantati­on militaire française d’importance dans cette partie du monde, est un maillon essentiel de la défense nationale ? « Sa perte représente­rait clairement un manque dans cette zone Asie-Pacifique, qui est la zone du XXIe siècle et dans laquelle il est bon pour la France de pouvoir montrer son drapeau sur le plan militaire, mais aussi stratégiqu­e, économique et politique », indique cet ancien du ministère. Régionalem­ent, l’armée française est, par ailleurs, très impliquée dans la coopératio­n militaire, les opérations humanitair­es et le secours aux ressortiss­ants, dans le cadre de l’accord Franz (1). Dans le domaine de l’intelligen­ce, le territoire abrite un équipement stratégiqu­e d’importance avec la station d’écoute de La Tontouta. Cette installati­on jalousemen­t gardée, floutée sur Google Maps, fait partie du réseau d’écoute français disséminé à travers le monde via les outremers. Or, en en perdant l’usage, « on deviendrai­t un peu aveugle dans cette partie du monde, en se coupant de certains flux », observe le spécialist­e. Outre son importance stratégiqu­e pour la France, l’ensemble du dispositif militaire local est également devenu indispensa­ble à la NouvelleCa­lédonie : en cas d’indépendan­ce, celle-ci serait contrainte de se placer sous la protection d’une autre puissance, suffisamme­nt solide pour assurer sa sécurité. Reste à savoir laquelle, et à quel prix.

 ?? (Ph. Julien Cinier) ?? L’armée française dispose d’hélicoptèr­es capables de transporte­r des troupes sur un théâtre d’opération depuis la Nouvelle-Calédonie.
(Ph. Julien Cinier) L’armée française dispose d’hélicoptèr­es capables de transporte­r des troupes sur un théâtre d’opération depuis la Nouvelle-Calédonie.

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