Lourdes : les évêques à l’écoute des victimes de pédophilie
Une première rencontre, hier à huis clos, en petits groupes de travail, qualifiée de « journée historique » pour les uns, espoir d’un pas vers « la tolérance zéro » pour d’autres
Des victimes de pédophilie dans l’Eglise et des évêques se sont rencontrés, hier, pour la première fois à Lourdes à l’occasion de l’assemblée de la Conférence des évêques (CEF). Longtemps réclamée par les personnes abusées par des membres du clergé, cette rencontre a pris la forme de petits groupes de travail, à huis clos, dans la cité pyrénéenne : sept victimes participaient en fin d’aprèsmidi à quatre « forums » comprenant une trentaine d’évêques chacun sur les thèmes de l’abus ou de la prévention. « L’Église ne fait pas simplement que s’excuser, elle reconnaît vraiment qu’elle est coupable, mais elle ne s’arrête pas là. Il s’agit maintenant de dire “plus jamais ça” », a déclaré à la presse Mgr Luc Crépy, chargé de la lutte contre la pédophilie à la CEF. Selon lui, ces rencontres d’un peu plus d’une heure ne sont « pas un aboutissement » mais « un début », l’idée étant de réussir à mettre en place « la tolérance zéro ».
Un fléau sous-estimé ?
« Aujourd’hui, c’est une journée historique, on attend beaucoup de l’écoute des évêques, mais surtout des actes », a déclaré à la presse Olivier Savignac, l’une des victimes. Selon lui, l’Église « n’a pas pris toute la mesure » du fléau : « Elle l’a prise à 10 %, pas plus. »
Olivier Savignac a indiqué que le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon qui sera jugé en correctionnelle
pour non-dénonciation de faits de pédophilie, faisait partie de son groupe de travail. « On espère qu’aujourd’hui ils auront tous fait un
pas », a renchéri Véronique Garnier, une autre victime présente à Lourdes. À l’issue de ces rencontres, une conférence de presse commune est prévue. Par la suite, des « compte rendus des forums, puis une synthèse » sont attendus, selon Mgr Crépy. Dans la matinée, en ouvrant les travaux du « parlement » de la CEF, son président Mgr Georges Pontier avait rappelé sa détermination à réparer « la blessure » des victimes, devant les quelque cent vingt évêques réunis dans l’hémicycle Sainte-Bernadette du sanctuaire marial.
Experts indépendants
L’Église catholique est sous pression après la révélation de nouveaux scandales cet été à l’étranger, mais aussi encore cette semaine en Vendée, où l’épiscopat a annoncé qu’il enquêtait sur des faits de pédophilie entre 1950 et 1979, dans deux établissements du département. Jusqu’à jeudi, le parlement de la CEF va également évoquer la possibilité de faire appel à « un groupe d’experts indépendants, historiens et d’autres
compétences » pour faire la lumière sur les abus sexuels dans l’Église par le passé, a confirmé Mgr Pontier. Cette idée, pour aboutir, doit cependant faire l’objet d’un vote, lequel n’était pas certain. L’idée d’un « fonds d’indemnisation », notamment pour les faits prescrits, est aussi, selon lui, « une question en débat » au sein des évêques. «Ona étudié un peu ce qui se fait en Belgique, en Allemagne, en Suisse » , des pays qui ont mis en place « non pas un fonds d’indemnisation, mais un geste financier, qui traduit à la fois la reconnaissance que la personne a été victime, mais aussi [...] un geste de solidarité », a-t-il expliqué.
Lanceur d’alerte sanctionné
En attendant, un signal ambigu a été lancé jeudi : le père Pierre Vignon, ce curé du Vercors qui a soutenu les victimes et avait appelé en août à la démission du cardinal Philippe Barbarin, a appris qu’il était écarté de ses fonctions de juge auprès du tribunal ecclésiastique de Lyon. Une décision prise par une douzaine d’évêques de la région. Et Mgr Pontier, dans une interview à La Provence, a pris ses distances avec le procès à Orléans, mardi dernier, de l’abbé Castelet pour atteintes sexuelles et de l’ancien évêque André Fort pour non-dénonciation. « Faire un exemple n’est pas le but de la justice », a-t-il estimé, en critiquant le réquisitoire « sévère » et «dur» à l’encontre de Mgr André Fort. D’ici à jeudi, la CEF va également aborder les questions de vocations, du synode des jeunes, ou encore de l’Europe.