Grossesse et médicament : faites confiance au prescripteur Soins
Depuis un an, un nouveau pictogramme est apparu sur les boîtes de traitement. Or seulement 10% des spécialités sont strictement interdites aux femmes enceintes
Les femmes enceintes sont toujours très attentives aux médicaments qu’elles prennent. À tel point que certaines n’en consomment pas du tout et préfèrent... serrer les dents en attendant que ça passe. Un excès de prudence louable mais pas toujours utile, quand il n’est pas carrément délétère. Le Dr Julie Antomarchi, chef de clinique de gynéco-obstétrique au CHU L’Archet II à Nice, rencontre chaque jour des femmes qui s’interrogent sur les liens entre grossesse et médicaments. «Depuis l’apparition il y a un an des pictogrammes (représentant une femme enceinte barrée) sur les boîtes, les patientes sont inquiètes. Ils sont présents sur 60 à 70 % des spécialités alors que seulement 10 % d’entre elles sont strictement interdites pendant la grossesse. En réalité, ce sont les laboratoires qui, voulant se protéger, préfèrent les faire figurer, un peu par excès de zèle. Certains pharmaciens aussi mettent en garde et demandent aux patientes de retourner voir le médecin prescripteur pour être sûr qu’il n’y a pas d’erreur. Ces pictogrammes ont presque créé une psychose. » Dans ce contexte, le Dr Antomarchi entend délivrer un message clair : «En cas de doute, il ne faut pas hésiter à appeler son gynécologue, son généraliste ou son médecin spécialiste. Mais s’il affirme à une femme qu’elle peut prendre tel ou tel médicament, elle doit lui faire confiance, en respectant bien sûr la posologie. Pendant la grossesse, il faut éviter à tout prix l’automédication : donc ne pas prendre, modifier et encore moins arrêter un traitement sans avis médical. »
Maladie chronique ou aiguë
Il faut bien distinguer le cas de la maladie chronique et de la maladie aiguë. Concernant cette dernière, au cours des 9 mois de grossesse, il y a fort à parier que la femme sera confrontée au moins une fois à une petite grippe, une gastro-entérite ou encore une angine. Si le Spasfon et le Doliprane sont autorisés – à condition de ne pas dépasser les doses autorisées – il convient au préalable de consulter un médecin qui pourra également prescrire des traitements pour les maux courants pendant cette période, tels que des anti-reflux et anti-acides. « Beaucoup d’antibiotiques sont compatibles avec la grossesse, complète le Dr Antomarchi. Dans le doute, les professionnels de santé peuvent consulter le site internet du CRAT (Centre de référence sur les agents tératogènes) qui recense les médicaments et vaccins : à chaque fois sont mentionnées les éventuelles contreindications, la posologie, les alternatives. Bref, c’est une source d’informations très précieuse pour les médecins. » Concernant les femmes souffrant de pathologie chronique, il leur est fortement recommandé de discuter de leur projet bébé avec leur médecin spécialiste en amont. «Certaines pathologies peuvent flamber pendant la grossesse, jusqu’à parfois – même si c’est rare – mettre en danger la vie de la mère, alerte le Dr Antomarchi. Il faut donc absolument programmer les choses et étudier la balance bénéfice risque. des traitements substitutifs existent dans quasiment tous les cas. Il conviendra alors d’aménager la prise en charge médicamenteuse. La patiente, une fois enceinte, sera surveillée de près : échographies, dosages de la molécule dans le sang. » Et le médecin de marteler : « En aucun cas une malade chronique ne doit suspendre son traitement sans avis médical: cela pourrait être fortement préjudiciable. » Enfin, le risque malformatif est de 2 % dans la population générale. Donc si une femme donne naissance à un bébé présentant une malformation, cela ne signifie pas que c’est dû à un traitement (quel qu’il soit) prescrit par son médecin au cours de la grossesse. Un signalement à la pharmacovigilance et une enquête seront effectués. Mais il est nécessaire d’avoir conscience que ce risque existe en dehors de toute prise de médicament.
Beaucoup d’antibiotiques sont compatibles avec la grossesse Dr Julie Antomarchi Gynécologue