Travail et addictions: dialoguer sans moraliser Prévention
Les dépendances à l’alcool, aux drogues ou encore aux médicaments ne s’arrêtent pas au seuil du bureau. L’entourage professionnel peut jouer un rôle clé dans la guérison
Les conduites addictives ne s’arrêtent pas à la porte de l’entreprise. Si elles sont difficiles à vivre pour l’entourage, elles peuvent causer de gros problèmes dans le monde du travail. Mais l’environnement professionnel peut aussi constituer un véritable soutien, notamment en favorisant la prise de conscience. Le RAAMO (Réseau alcoologie Alpes-Maritimes Ouvert) a consacré une journée départementale d’échanges et d’information sur la thématique à Antibes. «Le milieu professionnel est parfois le seul lien social réel pour le sujet en proie à des conduites addictives», souligne Rémy Baup, psychologue et président du RAAMO. S’il est facile de s’isoler des autres, de ses amis, pour masquer ses tourments, impossible d’échapper au travail. Pour autant, pas évident d’aborder le problème avec un collègue que l’on pense en souffrance. «Il est important que les choses puissent se dire mais de la bonne manière.» L’une de ces manières est le dialogue avec un ancien addict, idéalement un collègue. Etablir une relation de confiance, c’est l’idéal. Mais ce n’est pas toujours évident. D’autant que la thématique de l’addiction, l’alcoolisme notamment, peut encore être taboue. Stéphane Richard, éducateur spécialisé en Caarud (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues), note que « c’est aussi le devoir de tout employeur de prendre en charge la sécurité et la santé de ses salariés. Nous sommes, ou nous avons été tous confrontés à des gens qui ont des conduites addictives (10 % de la population serait concernée, Ndlr), addictives.» Reste à identifier et orienter l’individu concerné. «L’expérience montre que dans l’entreprise, le sujet en difficulté est soit rejeté, soit protégé par un non-dit, remarque Rémy Baup. Par exemple, le cas typique c’est un alcoolique qui va rendre plein de petits services, faire ce que les autres ne veulent pas faire. Alors personne ne lui dira rien. C’est une erreur. L’idéal serait qu’on trouve dans chaque entreprise un référent à qui s’adresser dans ce genre de situation.» Dans le doute, le recours à la médecine du travail peut être une solution. Toutefois il est impératif, pour l’entourage tant professionnel que personnel, d’observer une attitude bienveillante en dehors de tout jugement pour accompagner au mieux son collègue sur la voie de la guérison. Rens. RAAMO : 04.93.406.999. Je l’ai été pendant ou ans. Cela fait ans que je suis abstinent. Je ne bois jamais. Il y a plus de ans, l’alcool n’était pas interdit en entreprise. Au contraire, toutes les occasions étaient bonnes pour consommer : un pot de départ à la retraite, un anniversaire... » Mais Daniel consomme raisonnablement. Jusqu’à ce jour dramatique. « J’ai perdu un fils, victime d’un accident de moto. Ça a été l’élément déclencheur. Je suis devenu physiquement dépendant à l’alcool. Je me levais tôt le matin mais dès h, j’étais en manque. Je disais que je partais en rendez-vous extérieur, en réalité, j’allais au bistrot. J’ai fini par avoir des difficultés dans le travail, j’avais des trous de mémoire. Ça m’a interpellé. Alors j’ai décidé de me prendre en main et d’aller en cure. Quand je suis sorti de la clinique, je suis retourné au bistrot. Mais je n’y bois plus que du café ou de l’eau. J’ai regretté que personne au travail, ni mon responsable de l’époque, ni les adjoints ne m’aient convoqué pour me dire que j’avais un problème. Je pense sincèrement qu’il faut intervenir lorsqu’on remarque quelqu’un qui semble présenter un comportement addictif en entreprise. »