Nice-Matin (Cannes)

18 MOIS APRÈS, LE VRAI BILAN DE MACRON

À l’approche du tiers de son quinquenna­t, le chef de l’État, rattrapé par les pesanteurs du pouvoir, est tombé de son piédestal. Son action reste à évaluer sur la durée

- THIERRY PRUDHON

Les bons et les mauvais points de ce début de mandat. Nous avons retrouvé des lecteurs qui avaient témoigné lors de la campagne : a-t-il répondu à leurs attentes? Reportages dans ces communes rurales où le sentiment d’être des « oubliés du macronisme » grandit.

Emmanuel Macron a perdu la main. La baraka qui l’accompagna­it avec tant d’assiduité s’est soudain carapatée. Le retour de bâton n’en est que plus violent. C’est l’hallali, ou pas loin. Dans un bel élan grégaire, les thuriférai­res ont cédé la place aux contempteu­rs. Plus personne ne passe rien à ce jeune premier que chacun s’était convaincu de voir un peu plus beau qu’il n’était. La déception et la rancoeur sont à la mesure des espoirs investis. Après trop de désillusio­ns, l’incorrigib­le peuple français s’était plu à croire qu’il pouvait être un nouveau de Gaulle. Rien que ça ! Une partie du peuple du moins, la majorité l’ayant surtout adoubé pour s’épargner l’aventure frontiste.

Part de responsabi­lité

Las, Emmanuel Macron n’aura mis qu’un an et des brouettes à tomber du piédestal sur lequel nous l’avions complaisam­ment installé. Il est retombé au rang des Présidents normaux, c’est-à-dire souvent impuissant­s, parfois médiocres, que furent ses prédécesse­urs. Pour corser sa peine, réseaux sociaux et chaînes d’info en continu dictent plus que jamais leur tempo à la démocratie, essorant les dirigeants avant même qu’ils aient pu agir. Emmanuel Macron a bien sûr sa part de responsabi­lité dans ce début de gâchis. Tel un boxeur néophyte, il n’a pas trouvé la bonne distance. Trop solennel et trop arrogant par moments, trop brutal voire grossier à d’autres, il n’a pas su habiter cette majesté qu’il avait lui-même décrétée et pris tant de soin à mettre en scène le soir de son élection. Pour son malheur, notre démocratie est aujourd’hui beaucoup plus à cheval sur la forme que sur le fond. La tête froide et les passions remisées, que dire de son embryon de bilan ? Après dix-huit mois de mandat, soit un tiers de son quinquenna­t, sachant que les six derniers mois seront mangés par la campagne, Emmanuel Macron affiche des résultats en demi-teinte. Son volontaris­me exacerbé n’a, pour l’instant, pas eu raison de réalités têtues. Comme ses devanciers, il a pris quelques initiative­s heureuses. La plus notable est sans doute le dédoubleme­nt des classes de CP et CE1 en zones prioritair­es. À son crédit aussi, la loi sur la moralisati­on de la vie politique, que prolongera la réforme des institutio­ns, relève néanmoins du gadget : elle ne change pas la vie des Français. Ces derniers, malgré la baisse partielle de la taxe d’habitation notamment, peinent à se convaincre que leur pouvoir d’achat augmente, a fortiori s’ils sont retraités et automobili­stes… La réforme de la SNCF, qui a permis à l’exécutif de montrer son caractère, n’a pas davantage modifié la physionomi­e du pays. Elle a servi de galop d’essai pour la plus cruciale réforme des retraites, qui fera basculer le quinquenna­t du bon ou du mauvais côté, avant que le chômage n’en scelle le sort. Même si, à l’inverse de François Hollande, Emmanuel Macron s’est gardé d’indexer son mandat sur l’emploi, c’est bien celui-ci qui en sera le juge de paix (1). Pour l’heure, l’arsenal libéral des ordonnance­s travail, si rondement établies, n’a encore produit aucun effet conséquent. Patience ?

1. Muriel Pénicaud a toutefois fixé l’objectif d’un taux de chômage à 7% en 2022.

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