Nice-Matin (Cannes)

De Coursegoul­es Jupiter est très loin

Dix-huit mois après son arrivée à l’Elysée, quel est le pouls de la France « rurale ». Que pensent ceux qui vivent dans les villages du président Macron ? Carte postale à Coursegoul­es, près de Vence

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Un chat s’étire au soleil de novembre affalé en plein milieu de la route. Pas embêté par la circulatio­n. Ni par rien d’autres d’ailleurs. C’est calme un village, en début d’après-midi. Très calme. Coursegoul­es, qui se cache derrière le col de Vence, est endormi. Et ne s’éveillera que vers 16 heures, alors que l’épicerie du village ouvre grand ses portes. Xavier, 41 ans, le tenancier des lieux connaît bien la ruralité. Il travaille à Coursegoul­es et vit à Bouyon, presque au bout du monde « Alpes-Maritimes ». Macron, dix-huit mois après, le sujet le titille, lui qui dévore l’informatio­n. « Sur papier », tient-il à préciser. Et c’est vers Macron que ce serait porté son vote s’il n’avait pas été empêché à cause d’un changement d’adresse. Mais aujourd’hui, Xavier est dubitatif.

« Ils ont tous un cadavre dans le placard »

Alors que les Coursegoul­ois se pressent dans son épicerie, il lance entre deux encaisseme­nts: « Au début, j’ai cru que ça allait dans la bonne direction, comme la réforme de la SNCF, un tabou mais il fallait le faire, il a osé. Mais maintenant, j’ai l’impression qu’il n’y a plus d’avancées significat­ives. » Les affaires Benalla et consorts, pour lui, c’est une « connerie classique ». « Tous les politicien­s ont un cadavre dans le placard ». Ce qui l’intéresse, c’est ce que « prévoit » Jupiter pour le futur de la France. Il glisse, quand même, « il est très “moi je ” notre président, comme l’était Sarkozy ». En tant que citoyen rural, il n’a pas le sentiment d’être oublié. Ni sacrifié. C’est en tant que tout petit chef d’entreprise qu’il estime être la dernière roue du carrosse. «Que fait Macron pour les très très petites entreprise­s ? Un salaire de 1200 euros coûte 768 euros en charge ! » Et s’il admet que les retraités «ont pris cher » avec l’augmentati­on de la CSG, Xavier pense que ce ne sont pas les seuls. « Moi ça m’a coûté 15 euros de plus de charge par mois. »

« Vivement Marine »

Pierre, lui, n’en démord pas, « les politicien­s ne s’intéressen­t pas aux ruraux. Faut porter un costume pour être considéré ». Le retraité n’a pas voté Macron. « Et maintenant je sais que j’ai eu raison », dit-il. « Vous voyez les cravates quand il y a des élections. Après terminé. » Il pouffe, « en même temps on vit bien sans eux ! 18 mois de Macron, j’ai déjà l’impression que ça fait des années ». Pierre attend impatiemme­nt que « Marine arrive au pouvoir». « La prochaine fois, c’est la bonne. Vivement », lance-t-il.

« Les politicard­s sont tous des clowns »

Un peu plus haut dans le village, à l’ombre d’un joli petit magasin, La boutique, deux copines papotent. Magali, la patronne et Corinne. Deux quinquagén­aires, au caractère bien trempé. « Les politicard­s sont tous des clowns, je n’ai jamais voté. Je ne voterai jamais. Le seul pour qui j’aurai pu, c’est Coluche. Tant qu’à avoir un clown au pouvoir, autant en avoir un vrai », s’enflamme Corinne. Magali peste : Et Macron c’est le chef des clowns. » Macron, elle n’y a pas cru, loin de là, il y a 18 mois. Encore moins maintenant. « Ceux qui y ont cru ont été bien crédules .» « De toute façon, ce n’est pas lui qui est au pouvoir, mais les lobbys, Monsanto, Danone, Areva. » Et ça lui hérisse le poil, elle qui porte en bandoulièr­e un engagement écologique fort. « Manifester ça sert à quoi ? Il s’en fout Macron. Il envoie la police. Ce qu’il faut faire c’est consommer autrement, mieux, là ça aura du poids et en plus ça donne un sens àlavie. » Corinne, qui se revendique anar, est entièremen­t d’accord : « Il faut faire passer des messages dans la consommati­on. » Eliette n’est pas coursegoul­oise. Elle habite un village de Moselle. Eliette lève les bras au ciel. Car oui, pour elle, « la France rurale est la grande oubliée de l’Élysée ». « Sacrifiée », même, dit celle qui a « trimé toute sa vie dans un petit bar PMU ». « Les agriculteu­rs qui meurent à petits feux, les vieux qui crèvent la dalle et qui s’ennuient dans les villages, les jeunes désoeuvrés sans avenir ? Il fait quoi Macron pour ces gens-là? Rien. », clame-t-elle. C’est bien le président des riches pour Eliette. « Je vois des jeunes sombrer dans l’alcool car ils n’ont aucune perspectiv­e. Je vois des vieux au bout du rouleau. Et le gouverneme­nt s’en fout de ces citoyens de seconde zone. » Eliette, 72 ans, a hésité entre voter Mélenchon et Marine Le Pen. Elle votera RN sans hésiter en 2022. « J’aime les idées de Mélenchon, mais je crois qu’il est fou finalement ».

« Que des droits plus de devoirs »

En montant dans les ruelles, se détache une jolie maison et son petit parvis. Tout de violet vêtue, Françoise, 61 ans, vaque. Et la politique, c’est fini pour elle ! « Aujourd’hui

Coursegoul­es :

 habitants.  inscrits. Second tour :  abstention­s,  votants.

Second tour présidenti­elle  :

Emmanuel Macron : .% Marine Le Pen : .%

Premier tour :

Marine Le Pen : .% Emmanuel Macron : .% Jean-Luc Mélenchon : .% François Fillon : .% Nicolas Dupont-Aignan : .% Benoît Hamon : .% Jean Lassale : .% François Asselineau : .% Philippe Poutou : .% Jacques Cheminade : .% Nathalie Artaud : .%

les élus voient tous leur intérêt, mais pas les problèmes graves : je suis inquiète pour la planète. »

« Tout fout le camp»

Et d’évoquer, en ajustant l’une des tenues qu’elle vend dans son showroom où tout est made in France, « l’immigratio­n galopante, la surpopulat­ion, la gestion de l’eau, l’insécurité, la saleté des villes »... Françoise, fille, femme, mère de militaire est presque désabusée : « Tout fout le camp en France. Il n’y a plus de patriotism­e. Avant on avait les larmes quand on entendait la Marseillai­se, l’uniforme ne fait plus peur. Aujourd’hui on a que des droits et plus de devoirs. » En grattant bien, Macron pourrait être pire que les autres, pour Françoise. « J’ai travaillé toute ma vie en tant qu’indépendan­te, et je n’ai que 200 euros de retraite. Mon mari est touché par la hausse de la CSG . Si je ne travaillai­s pas, je ne m’en sortirai pas. »

 ??  ?? Françoise dans sa boutique « showroom » sur le parvis devant la maison qui dans quelques mois sera une chambre d’hôtes.
Françoise dans sa boutique « showroom » sur le parvis devant la maison qui dans quelques mois sera une chambre d’hôtes.
 ?? (Photos SG) ?? Xavier,  ans, a ouvert une épicerie au coeur de Coursegoul­es.
(Photos SG) Xavier,  ans, a ouvert une épicerie au coeur de Coursegoul­es.
 ??  ?? Corinne et Magali, dans la boutique « éco-responsabl­e » de Magali, située au coeur du village.
Corinne et Magali, dans la boutique « éco-responsabl­e » de Magali, située au coeur du village.

Newspapers in French

Newspapers from France