Nice-Matin (Cannes)

A Correns dans le Var, le temps de la déception

Au printemps 2017, Correns, le « premier village bio de France », avait largement voté pour Emmanuel Macron au 2nd tour de la présidenti­elle. Dix-huit mois après, le chef de l’État déçoit

- P.-L. PAGÈS plpages@nicematin.fr

Gérée depuis plus de vingt ans par l’ex-socialiste Michaël Latz, la commune de Correns s’était assez naturellem­ent jetée dans les bras d’Emmanuel

(1) Macron lors de la dernière élection présidenti­elle. Avec plus de 64 % des voix, l’actuel chef de l’État y avait même réalisé l’un de ses meilleurs scores dans le Var. Mais dix-huit mois après son accession à l’Élysée, le vent semble avoir tourné. Et rares sont les Corrensois aujourd’hui à se revendique­r d’Emmanuel Macron. Pour s’en convaincre, petite balade dans les ruelles du village…

« On est toujours perdant »

Dans l’unique café de la commune, malgré une météo maussade, l’ambiance est plutôt joyeuse en ce vendredi matin. Sans trop de risque, on aborde les questions politiques. Claude, agriculteu­r et chasseur, assure avoir voté pour le candidat haut en couleur Jean Lassalle. « Je savais qu’il ne serait pas élu, mais au moins il est proche des agriculteu­rs. Sinon, que ce soit l’un ou l’autre, on est toujours perdant… alors je préfère m’abstenir. » Ses compères semblent acquiescer. À l’exception de Marc. S’il préfère rester discret, ce viticulteu­r, « centriste », porte un regard plus mesuré. Après l’éliminatio­n de son poulain François Fillon, il n’a pas hésité un instant à choisir Emmanuel Macron dans le duel qui l’opposait à Marine Le Pen. Et il ne le regrette pas. « C’est vrai que le Président essuie pas mal de critiques, mais la politique qu’il mène se rapproche globalemen­t de mes conviction­s. Je n’ai donc pas de raison d’être déçu », confie Marc.

« Je ne vois pas où il veut en venir »

Avant de consentir la remarque suivante : « Je trouve Macron maladroit dans ses discours. Je le croyais plus diplomate, plus adroit pour faire passer ses idées ». À quelques mètres de là, dans l’épicerie Proxy, changement de ton radical ! Emmanuel Macron ne trouve aucune grâce aux yeux de Juliette D’Haene, la propriétai­re. « Plutôt de gauche, voire écolo, je ne vote plus que pour les scrutins locaux et des candidats que je connais », prévient la commerçant­e. Mais sur les dix-huit premiers mois du Président, son bilan est sans concession. « Je suis plutôt d’accord avec les gens qui râlent. Que ce soit sur les questions environnem­entales ou sociales, je ne vois pas où lui et le gouverneme­nt veulent en venir. Une chose est sûre : le pouvoir d’achat des Français diminue. Je le vois bien au magasin où ça devient de plus en plus compliqué pour les retraités. » Et la démission provoquée de Nicolas Hulot n’a rien arrangé. « Je regrette son départ et je ne comprends pas pourquoi on met des bâtons dans les roues de gens comme lui, passionnés et investis. » En fin d’après midi, les nuages s’éloignant, « Radio Platane » – nom affectueus­ement donné aux vieux habitués des bancs publics de la place du village – se remet à émettre.

« Je préférais Hollande »

À 83 ans, Henri, ancien maçon, en fait partie. Socialiste convaincu, il a voté Hamon au premier tour. Avant de se rabattre sur… Emmanuel Macron au second. Par dépit. « Comment fallait-il faire ? Je ne me voyais pas voter Le Pen», confie l’intéressé, qui vit avec à peine 1000 € de pension mensuelle. Mais que pense-t-il du Président ? « Il est ni de droite, ni de gauche. C’est le président des riches. Je préférais Hollande. » Yves, son compère, se montre moins catégoriqu­e. «Ni déçu, ni content », il attend de voir. « Comme à chaque changement de président de la République, mesurer les effets d’une nouvelle politique demande du temps. Là, il est encore trop tôt. Le chômage semble se stabiliser, mais on ne sait pas si cette tendance est durable ou s’il s’agit d’un simple feu de paille », commente Yves. Avant de conclure, avec un bon sens populaire certain : « C’est à la fin du bal qu’on paye l’orchestre ».

 ?? (Photos Hélène Dos Santos) ?? Fidèles à leur poste sur les bancs du village, Henri, Yves et Jacques (de gauche à droite), trois figures de « Radio platane », attendent encore avant de juger Emmanuel Macron.
(Photos Hélène Dos Santos) Fidèles à leur poste sur les bancs du village, Henri, Yves et Jacques (de gauche à droite), trois figures de « Radio platane », attendent encore avant de juger Emmanuel Macron.

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