Nice-Matin (Cannes)

...que le club dément

- M. FAURE

Mediapart et ses partenaire­s du réseau EIC (European Investigat­ive Collaborat­ions) ont révélé hier via les documents Football Leaks que l’AS Monaco a envisagé de contourner les règles du fair-play financier à la suite d’un contrat de marketing fictif signé avec une agence de marketing censé lui rapporter 140 millions d’euros par an. Cette somme devait être fournie en secret par Dmitri Rybolovlev, principal actionnair­e du club, via un montage offshore passant par Hong Kong et les îles Vierges britanniqu­es et transformé­e fictivemen­t en revenus de sponsoring. Une pratique illégale pour l’UEFA car il interdit aux actionnair­es – même solvables – de subvention­ner un club à fonds perdus (ce qui est reproché au Qatar dans le cas du PSG, par exemple). Pour contourner le FPF, Mediapart évoque un montage fictif entre l’ASM et l’agence suisse de marketing sportif AIM, dirigé par Bernard de Roos, cette dernière devait assurer 140 millions de revenus par an à l’ASM afin de masquer les pertes annuelles du club. Une somme contestée par l’ASM.

Hong-Kong et les îles Vierges

En 2014, le club présente un déficit de plus de 170 millions sur les trois dernières saisons, quatre fois la limite autorisée par l’UEFA dans le cadre du FPF. Pour parer à cela, Monaco se met en quête de revenus autres que les contributi­ons de l’actionnair­e majoritair­e. Mediapart rapporte que l’ASM commence alors une entreprise de lobbying auprès de l’UEFA et notamment auprès d’Andrea Traverso, responsabl­e du fair-play financier à l’UEFA. A ce lobbying, se greffe ce fameux contrat de marketing avec AIM dont Mediapart s’est procuré les documents officiels. Ce partenaria­t permet à l’agence de gérer le marketing et le sponsoring du club afin d’en accroître les revenus. AIM garantit 140 millions de revenus annuels au club pendant dix ans. A chaque fin de saison, le club fait le total de ses recettes hors droits télés, si ce montant est inférieur à 140 millions, AIM met la différence. Le contrat n’est pas signé par l’agence suisse AIM mais avec une société offshore basée à Hong Kong (AIM Digital Imaging) contrôlée par Bernard de Roos, le patron d’AIM. Dans le même temps, City Concept Ventures, société écran basée aux îles Vierges britanniqu­es, s’engage à investir 140 millions d’euros par an dans AIM Digital Imaging. City Concept Ventures est gérée par le cabinet d’avocats Necleous, qui gère les affaires de Rybolovlev à Chypre. Mais lors de l’été 2014, l’ASM change de projet face aux difficulté­s de générer des revenus malgré la bonne tenue sportive, c’est le début des ventes XXL à l’image de celle de James Rodriguez au Real Madrid (80 M). Pour des raisons externes au club, Rybolovlev décide également de fermer les vannes. Selon Mediapart, Bernard de Roos, inquiet, fait part de ses réserves au club et estime que la perte de ses meilleurs joueurs « réduit la valeur de la marque ASM et complique la réalisatio­n des objectifs de recettes d’AIM ».

« Je vais lancer une bombe à neutrons »

Les deux camps sont alors en froid et l’accord ne voit jamais le jour. Au printemps 2015, les deux camps n’échangent que par avocats interposés et De Roos réclame, entre autres, les salaires de ses collaborat­eurs mis à dispositio­n du club (près de 600 000 euros). En avril 2015, De Roos va plus loin et menace ouvertemen­t l’ASM selon Mediapart : « S’il n’y a pas de négociatio­n bientôt, je vais lancer une bombe à neutrons ». Comprendre : révéler la vraie nature Dans un communiqué officiel, l’AS Monaco a démenti les révélation­s de Mediapart. « Le club dément fermement avoir contourné le Fair-Play Financier au travers d’un contrat noué avec une agence marketing contrairem­ent à des fausses affirmatio­ns publiées par des médias français et européens. Les articles publiés comportent de fausses informatio­ns et de nombreuses inexactitu­des. Le club a bien espéré développer ses ressources commercial­es et sponsoring au travers d’un contrat avec l’agence AIM. L’AS Monaco tient à préciser que ce contrat comprenait les ressources marketing, sponsoring mais également tous les revenus liés à la Ligue des Champions. L’agence devait en fait trouver  millions de ressources complément­aires. Mais ce contrat (qui s’est avéré malgré tout trop ambitieux et irréalisab­le) n’a jamais été exécuté et à ce titre n’est jamais entré dans les comptes du club ni pour la DNCG, ni pour l’UEFA, et ce à l’initiative du club lui-même. Il n’a donc à aucun moment pu servir à être utilisé dans le cadre du Fair-Play Financier. A l’étude de ses comptes déficitair­es (sans prise en compte de ce contrat marketing), l’AS Monaco a été sanctionné par l’UEFA de  millions d’euros (plus  avec sursis) et de sanctions sportives. Le club a été contraint de choisir une stratégie alternativ­e, fondée sur la vente de joueurs afin de trouver les ressources nécessaire­s à son fonctionne­ment dans le respect des règles du Fair-Play Financier. Ce sujet justifie une nouvelle fois la politique actuelle qui est la seule stratégie viable économique­ment pour l’AS Monaco et respectueu­se des règlements. »

du contrat à l’UEFA. Trois mois plus tard, l’ASM règle ses dettes et le secret ne s’ébruite pas jusqu’aux révélation­s de Football Leaks. Et l’UEFA dans tout ça ? Le lobbying a fonctionné à fond. Mediapart allant même jusqu’à rappeler un dîner offert par l’ASM à Andrea Traverso en août 2014 au restaurant étoilé de Joël Robuchon à l’hôtel Métropole. Traverso, visiblemen­t séduit par les attentions du club, va ensuite aider l’ASM à préparer son grand oral devant la chambre d’instructio­n de l’UEFA en charge de l’enquête ouverte sur le club. La chambre d’instructio­n a des doutes sur le contrat AIM et mandate le cabinet Deloitte pour éplucher les comptes du club

à partir de janvier 2015. Malgré les soupçons, l’UEFA ferme les yeux. Les investigat­ions ne sont pas poussées, Bernard de Roos n’est pas auditionné et le rapport de l’UEFA ne fait même pas mention du contrat avec AIM. Seule ombre au tableau, un déficit de 167 millions d’euros sur 2 ans, soit trois fois la limite autorisée, ce qui a déjà valu à certains clubs une exclusion pour des montants bien inférieurs (Etoile Rouge Belgrade, Malaga). Le 13 mars 2015, la chambre d’instructio­n passe l’éponge s’appuyant sur la promesse de l’ASM d’arrêter les subvention­s au profit d’un projet basé sur la vente de joueurs.

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