Nez rouge, coeur gros
Interview Bonaventure Gacon invite son clown impossible à cadrer dans Par le Boudu. De la poésie toute crue à dévorer à Anthéa ce soir
Ogre de bitume ? Clown des cavernes ? Ours solitaire ? Ce nez rouge qui a autant mal au coeur qu’au foie interroge. Un personnage fracturant les idées préconçues, créé et interprété par Bonaventure Gacon. Seul sur scène, il donne vie à une étrange silhouette. Imper sauvage et verbe hirsute. Ne vous attendez pas à un tour de piste aux étoiles. Ici, Par le Boudu vous fait faire le tour du propriétaire. Rencontre avec son univers au théâtre Anthéa dès ce soir…
Comment le Boudu a-t-il grandi en ans ?
L’écriture est restée la même que depuis sa création en . Après, bien sûr, c’est la façon de jouer qui évolue. Et puis, un spectacle de clown c’est avant tout le rapport entre le public et le clown. Ça se réécrit à chaque fois.
Comment écrit-on un conte pour adultes ?
J’ai essayé d’aller au plus loin possible de la notion de « réfléchi ». Je travaille la genèse du mouvement et du son comme ça : à la sensation. J’ai écrit ce spectacle comme ça : comme si j’étais un gamin. Dès que je commençais à aller dans la réflexion, ça ne fonctionnait plus. Je me suis laissé guider par l’émotion.
Plutôt intime, non ?
Dès qu’on a affaire à du théâtre et de la poésie, si on n’y met pas une grande part d’intime, cela ne fonctionne pas. Il faut y aller dans une grande prise de risque avec le sens de la prouesse, du danger. Quand j’ai écrit ce spectacle, j’ignorais si les gens allaient rire ou pleurer. J’ai pris le risque. Je ne suis pas parti dans l’idée : « Tiens on va monter un petit spectacle de clown sympa… »
Votre définition de la figure du clown ?
Souvent on essaie de cataloguer le clown pour le définir. Mais en vrai chaque clown est singulier. Il y a aussi bien des clowns un peu provocs, d’autres très tendres… Avec ce rire provoqué qui procure une émotion spécifique, une petite tristesse, une nostalgie… J’aime bien l’idée de surprendre le public qui n’a pas vu de clown depuis sont enfance et ça ne l’empêche pas pour autant d’avoir une idée arrêtée dessus. Cela apporte une richesse !
Vous désirez briser les stéréotypes…
Parce que ce n’est pas la réalité. J’ai vu des vieux clowns traditionnels hilarants par exemple ! Qui n’étaient pas du tout poussiéreux ! Il faut lui laisser ça au clown : aller à rebours des idées préconçues.
Le Boudu il vous vient d’où ?
La fabrication du personnage ? Comme pour l’écriture : d’abord d’une sensation. J’étais à une période spéciale de ma vie. J’ai utilisé mon trac, beaucoup de tristesse aussi… Après, il est devenu un personnage bourru, maladroit, qui me fait rire.
Avec une envie, même inconsciente, de susciter de l’empathie?
Peut-être. C’est aussi pour cela qu’on aime les clowns : ils font n’importe quoi mais avant tout nous font ressentir une espèce de compassion… C’est ça, on a de la compassion pour ce pauvre bougre qui tente avec de la poésie de résoudre l’énigme.
L’énigme ?
L’impermanence, le temps qui passe, le rien… La vie.
C’est un philosophe ce Boudu ?
À sa manière, oui. Comme un clochard peut être philosophe. C’est ce qu’on voit de lui à un moment précis.
Il parle seul mais, dans le fond, il n’espère pas que quelqu’un l’écoute ?
Je me demande s’il en est à ce niveau d’intelligence en fait…
Comment vous préparez-vous avant de monter sur scène pour l’interpréter: un rituel?
Ah ! J’aimerais bien en avoir mais je n’y arrive pas. Je tourne un peu en rond avant… En fait, surtout, ce que j’essaie de faire c’est de trouver un état. Le clown c’est surtout ça. Dans le flamenco on parle de duende .Je cherche à atteindre cet état qui ne nous appartient pas, cette sorte d’équilibre…
Qui permet de faire face à l’imprévu aussi…
Exactement.
Savoir +
Par le Boudu, par Bonaventure Gacon, ce soir à 21 heures, demain à20h 30 et vendredi à 21 heures, au théâtre Anthéa, 260 avenue Jules-Grec àAntibes. Tarifs: 17 à 24 euros. Rens. 04.83.76.13.00.