Nice-Matin (Cannes)

Neuf inculpatio­ns: séisme judiciaire à Monaco

Dans la foulée de Dmitri Rybolovlev, Philippe Narmino et Paul Masseron ont été inculpés hier. Un rassemblem­ent inédit des hommes de la sûreté publique s’est improvisé devant le tribunal

- GRÉGORY LECLERC glecerc@nicematin.fr

Une sourde colère transpire de la masse silencieus­e composée de visages sombres, devant le palais de justice de Monaco. Une centaine d’hommes de la Sûreté publique, rassemblés, en civil. C’est l’image forte qu’il faut retenir de la journée d’hier. Par ce mouvement de protestati­on, totalement inédit pour la police monégasque, ils ont voulu afficher leur soutien à deux des leurs : Christophe Haget, emblématiq­ue patron de la PJ de Monaco, et son adjoint Patrick Fusari. Tous deux ont été inculpés hier de «trafic d’influence passif, corruption passive, violation du secret de l’instructio­n et/ou du secret profession­nel ».

Le patron de la PJ interdit de locaux

Le diable se cache dans les détails. Là, il se trouve dans le contrôle judiciaire. Celui-ci leur impose de « s’abstenir de fréquenter les locaux de la Sureté publique et d’exercer toute fonction d’officier de police judiciaire ». Ces mesures, jugées par leurs soutiens humiliante­s, ont fait l’effet d’une bombe en interne. Les deux hommes, particuliè­rement respectés par leurs équipes et au-delà, sont ressortis sous un tonnerre d’applaudiss­ements et quelques larmes noyées par la pluie. D’autres, qui n’avaient pu quitter leur poste, ont fait parvenir des messages. Présent sur les lieux, Franck Michel, avocat d’Yves Bouvier, le marchand d’art suisse opposé à Dmitri Rybolovlev, s’est a contrario étonné que les policiers soutiennen­t deux collègues « sans savoir pourquoi ils étaient poursuivis, puisqu’ils n’ont pas accès au dossier ». De son côté, depuis son bureau, le juge Edouard Levrault a continué tambour battant la série d’inculpatio­ns qu’il avait entamée la veille avec Dmitri Rybolovlev, patron de l’AS Monaco, mais aussi avec l’avocate Tetiana Bersheda ou la femme et le fils de Philippe Narmino. Leur mari et père, ex-directeur des services judiciaire­s (1), a ainsi été inculpé de « trafic d’influence actif, trafic d’influence passif, corruption passive, violation du secret de l’instructio­n et/ou du secret profession­nel ». Paul Masseron, ex-conseiller de gouverneme­nt à l’Intérieur a

(2) également été inculpé de « trafic d’influence passif, corruption passive et violation du secret de l’instructio­n et/ou du secret profession­nel ». Enfin Régis Asso, ancien patron de la Sûreté, a été inculpé de « trafic d’influence passif, corruption passive et violation du secret de l’instructio­n et/ou du secret profession­nel ». Comme nous l’écrivions hier, c’est la quasi-totalité de l’ex appareil judiciaire qui a été inculpé. Par ailleurs, l’ancien procureur général Jean-Pierre Dreno (2011-2015) a lui aussi été placé en garde à vue, mais il est ressorti libre, sans inculpatio­n, a confirmé Sylvie Petit-Leclair, procureur général de Monaco. Et ensuite ? C’est la grande question qui taraude l’ensemble des observateu­rs. Car ce véritable séisme judiciaire - dont l’issue reste incertaine - laissera à n’en pas douter des traces en principaut­é.

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À l’appel du syndicat de la police de Monaco, plus d’une centaine d’agents de la Sûreté publique se sont massés devant le palais de justice de Monaco en soutien à deux de leurs collègues inculpés hier. (Photo Jean-François Ottonello)

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