Nice-Matin (Cannes)

Edouard Levrault, un juge «obstiné »

- G. L.

En cette rentrée solennelle d’août 2013, au tribunal de grande instance de Grasse, c’est l’heure de la photo de famille. Edouard Levrault pose tout à droite. Un physique de premier de la classe: visage juvénile, front dégagé, cheveux soigneusem­ent peignés en arrière. Tenant sa toque galonnée – le couvre-chef des magistrats – il immortalis­e son arrivée avec sept collègues fraîchemen­t débarqués comme lui. Cinq ans après ce cliché, il est l’homme qui fait trembler Monaco. Son bureau s’abrite derrière la façade atypique – en tuf marin – du palais de justice de Monaco. C’est là qu’il a successive­ment inculpé, ces deux derniers jours, l’un des hommes les plus puissants de la principaut­é, Dmitri Rybolovlev, patron de l’AS Monaco. Mais aussi les anciens ministres de

(1) la Justice et de l’Intérieur. Sans oublier le patron de la PJ monégasque. Neuf personnes au total.

« Du genre obstiné » Dans la magistratu­re, la vague d’inculpatio­n qu’il a menée jusqu’au plus haut niveau en principaut­é n’étonne personne. « Il est du genre obstiné. De toute façon, à partir du moment où il avait fait perquisiti­onner le bureau de l’équivalent du Garde des Sceaux en principaut­é, il lui était impossible de rester au milieu du gué », commente un magistrat qui l’a côtoyé. Edouard Levrault est sorti de l’école de la magistratu­re en 2002. Physiqueme­nt, un ancien collègue lui prête un style à la « Laurent Delahousse ». Profession­nellement ? « Très discret. Solitaire. Il affichait un respect prononcé pour le droit. Avec, peut-être, un côté un peu justicier. Mais on peut dire qu’il traitait ses dossiers avec soin et compétence. » Avant Grasse, Edouard Levrault avait fait ses armes comme juge d’instructio­n dans l’Aisne, nommé en 2005 à Laon.

« Chevalier blanc » Là-bas aussi, on garde le souvenir d’un très bon juriste. Nos confrères de l’Aisne Nouvelle, qui lui ont consacré un portrait, résument : « Charmant, apprécié, mais un peu chevalier blanc ». Dans leurs colonnes, le bâtonnier de Saint-Quentin, Me Philippe Vignon, évoque « un magistrat sérieux et profondéme­nt indépendan­t du parquet. Je considère que c’est un bon juge ». Cette indépendan­ce affichée semble avoir été diversemen­t appréciée à Grasse. « Il n’hésitait parfois pas à se démarquer du magistrat ayant exercé l’action publique. Au risque de déplaire», note un ancien collègue. L’institutio­n policière peut aussi en prendre pour son grade. L’Aisne Nouvelle relate qu’Edouard Levrault s’en était ainsi vertement pris lors d’un procès à un inspecteur et à un commissair­e, les « accusant de manque de loyauté et de transparen­ce ». Un ancien collègue magistrat grassois, commente : «Dans le métier de juge d’instructio­n, le côté cabotin est dangereux. Le danger qui guette, à ne pas se tempérer ? C’est d’aller trop loin. »

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Edouard Levrault, en août , lors de son arrivée au palais de justice de Grasse avec sept autres magistrats. (Photo Nice-Matin)

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