Antoine Mus : « Ici, c’est un véritable tombeau...»
Mobilisé l’été 1914, le soldat antibois a été fauché dans la Somme le 20 décembre 1916. Les lettres à son épouse relatent son quotidien
Bien chère Thérèse, je t’envoie cette missive pour te faire savoir de mes nouvelles qui sont très bonnes et j’espère que ma lettre vous trouve tous de même ». C’est ainsi que débute quasiment l’ensemble des lettres envoyées par Antoine Mus à son épouse Thérèse. Du jour ou presque de sa mobilisation en août 1914, à Nice, jusqu’à la veille de sa mort, à Assevillers, sur le front de la Somme, le 20 décembre 1916, le soldat antibois, maréchal des logis au 114e Régiment d’artillerie, n’a cessé de correspondre avec celle qu’il avait épousée le 15 octobre 1908. Le couple avait un enfant, Jacques, né le 27 octobre 1909. La famille habitait au quartier des Routes, « près la Cascade à Juan-les-Pins ». Antoine travaillait la terre. Ces lettres d’outre-tombe sont parvenues jusqu’à nous grâce à la Grande Collecte organisée au niveau national dans le cadre des célébrations de la guerre de 14-18. Elles sont rendues publiques grâce aux descendants des Poilus qui ont conservé ces souvenirs et les ont transmis à leurs proches. En novembre 2013, Jean-Paul Mus a déposé les dizaines de lettres de son aïeul aux archives municipales.
Un quotidien raconté simplement
Lettres d’Antoine mais aussi correspondance de l’officier chargé du pénible devoir d’apprendre à Thérèse la disparition de son époux. Il y a aussi des photographies : Antoine en uniforme, bel homme à moustache, le regard profond, Thérèse et Jacques, assis côte à côte. Elle arbore un sourire à la Joconde. Le garçon a un air très sérieux. Tous les documents ont été numérisés et sont disponibles sur le site des archives municipales. Certaines lettres ont nourri le concert-lecture présenté, hier soir, à Anthéa par les élèves du conservatoire de musique et d’art dramatique. C’est son quotidien que raconte Antoine. De manière simple. Avec ses mots à lui. Il demande des colis, se soucie de la famille et des proches. Mais au fil des lettres, le quotidien décrit, même pudiquement, devient dramatique. De la première missive datée du 2 août 1914, à Nice où il vient d’être mobilisé jusqu’à l’ultime, datée du 17 décembre 1916, c’est un lent et terrible voyage qui transparaît. Les lettres s’estompent, bien sûr, lorsque le soldat est en permission. A partir de novembre 1915, Antoine prend la plume tous les deux ou trois jours. Il est en Lorraine. Il se plaint du froid et de la pluie, lui, le gars du Sud. « On entend tonner le canon tous les jours, tous les jours, on voit des machines d’aéroplanes, mais c’est des aéroplanes français qui empêchent les boches à venir nous rendre visite. »
« Ne te fais pas de mauvais sang...»
La neige, toujours. « Si tu peux faismoi parvenir des souliers en bois », écrit-il. En décembre, il supplie sa femme : « Ne te fais aucun mauvais sang, le plus embêtant c’est de changer de ville si souvent. » Le régiment devrait partir pour Salonique : « Nous allons traverser la mer et voir les pays chauds ». Mais, en février 1916, c’est au front froid, pour « une destination inconnue », qu’Antoine et ses camarades sont envoyés. « Nous irons voir les Allemands. » D’abord du côté de Verdun : « On tire le canon jour et nuit. On reçoit des marmites (NDLR : des obus). » La lassitude est terrible : « Je commence à avoir fait ma part de cette maudite guerre mais ce n’est pas encore fini. » Puis, c’est la Somme. Antoine évoque la boue, le froid, les engelures. « Je languis que la guerre finisse le plus tôt possible » écrit-il le 8 mai. Le 28 mai, il évoque «unvéritable tombeau ». Le 17 novembre: « J’ai tellement froid, les doigts engourdis, je ne peux pas écrire. » Il enverra sa dernière lettre à sa chère Thérèse, le 17 décembre, trois jours avant d’être tué par un éclat d’obus à son poste.