Nice-Matin (Cannes)

Lettres d’amour à Léo

Léo, 17 ans, est le dépositair­e d’une malle renfermant trois ans de correspond­ance entre ses arrière-arriere-grands-parents, Michel et Flavie. Voyage dans le temps

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Léo Nutini,  ans, est le dépositair­e d’une vieille malle en bois qui est passée de génération en génération. Ce coffre ,«un trésor familial», assure l’adolescent, renferme quatre années de correspond­ance entre ses arrière-arrièregra­nds-parents, Michel et Flavie, trentenair­es pendant la Grande guerre. Trois années «de mots d’amour, de mots de tous les jours » entre un homme, boulanger pour l’armée, et sa femme restée à Grasse auprès de leurs trois enfants. Ces milliers de mots simples évoquent l’Histoire de part et d’autre d’une France déchirée par les tranchées. Des centaines de lettres, cartes postales, télégramme­s. «Parfois deux par jour!» Des mots qui ont traversé l’espace entre les amoureux et le temps jusqu’à leur jeune descendant qui a décidé, avec Fanny et Stéphane, ses parents, ainsi que Joachim, son frère de  ans, de les partager. L’an dernier, le coffre a été prêté à Emmanuelle Garcia, enseignant­e au lycée De Croisset, qui a étudié et classé cette correspond­ance avant d’en faire profiter ses élèves. Ces derniers ont réalisé un travail d’historiens et de lecteurs. Une toute petite partie de cette correspond­ance est actuelleme­nt exposée à la médiathèqu­e Villa SaintHilai­re. Et demain,  novembre, des lycéens de De Croisset et Léo liront les mots de Michel et Flavie lors de la cérémonie au Petit-Puy. La transmissi­on de l’héritage de Léo est loin d’être terminée. Elle s’ouvre au contraire à tous les Grassois. Dossier : Marianne Le Monze mlemonze@nicematin.fr Photos : Patrice Lapoirie, M.L.M. et archives famille Nutini « Les deux se racontent par le menu, assure Léo. Michel, né en 1883, était boulanger pour l’armée à l’arrière du front. Il faisait du pain pour des contingent­s entiers qui ne rentraient pas le soir. Il écrit : “C’est de la chair à canon“.» Flavie, née en 1882, était ouvrière à l’usine Méro et Boyveau. « Elle lui dit dans une lettre qu’elle est payée 20 sous de la journée » ,raconte le jeune Grassois en évoquant la relation épistolair­e de ses arrière-arrière grands-parents pendent la Grande guerre. Léo, en terminale ES à Fénelon, veut devenir conservate­ur de musée… « J’adore l’Histoire », ditil simplement. Et la malle de correspond­ance que son arrièregra­nd-mère, Paulette Garnier, tenait de ses parents y est sans doute pour beaucoup. « J’ai toujours vu ce coffre de correspond­ances entre Michel et Flavie. Mon arrière-grand-mère m’en parlait de temps en temps. Elle la tenait de son mari, Gaston, le fils de Michel et Flavie. »

Exposé d’écolier Une histoire de famille qui parle de la grande Histoire. Dans ce coffre, les centaines de lettres, télégramme­s, cartes postales ont voyagé à travers la France d’août 1914 à août 1917. Ils ont aussi traversé les âges jusqu’à Léo. « Mon arrière-grand-mère avait un peu classé les plus belles lettres dans un album. Mais tout le reste était en vrac. » Et puis en primaire, Léo doit faire un exposé sur 14-18. Les parents, Fanny, Stéphane, tous les deux infirmiers, Léo et Joachim plongent les doigts dans la malle. Et se lancent à coeur perdu dans « une lecture chronophag­e : on les lit en famille, confie Stéphane. Mais commencer, c’est addictif, on veut connaître la suite. On y a passé des heures. Des nuits. » C’est comme ça qu’ils découvrent, derrière les mots de leurs aïeuls, leur vie, la guerre, l’amour et la survie…

Coffrets de parfums à  ou  francs «Michel était super-débrouilla­rd, lance fièrement Léo. Il demandait des coffrets de parfum à Flavie qu’il offrait à ses supérieurs pour se faire bien voir. Il les vendait aussi. 7 ou 8 francs. Il avait demandé la recette de la fougassett­e. « Dis bien au propriétai­re de la recette que je ne lui ferai pas de tort», conseille-t-il à Flavie. Michel évoque ses différents emplois et les endroits qu’il parcourt à pied, à cheval, en train. Il lui fabrique un vase, une bague avec des morceaux d’obus. Lui envoie des petits végétaux et des fleurs dans ses lettres. «Un jour, alors qu’il est entraîné pour partir au front, il casse ses deux talons de chaussures… ce qui lui évite le départ. Un copain lettres sont le patrimoine familial, mais aussi celui des Grassois. »

 ??  ?? Léo et Fanny, sa mère, prennent la pose devant l’ancien bazar que Michel et Flavie avaient ouvert après-guerre rue Mougins-Roquefort dans le centre historique. Dans la malle : lettres, cartes postales, télégramme­s et journal ont traversé un siècle.
Léo et Fanny, sa mère, prennent la pose devant l’ancien bazar que Michel et Flavie avaient ouvert après-guerre rue Mougins-Roquefort dans le centre historique. Dans la malle : lettres, cartes postales, télégramme­s et journal ont traversé un siècle.
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