Nice-Matin (Cannes)

Dardanelle­s,  : la fin du Bouvet

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La guerre s’enlise dans les tranchées, depuis la première bataille de la Marne, en septembre 1914. Le Britanniqu­e Winston Churchill, premier Lord de l’Amirauté, pense accélérer l’issue du conflit, en s’emparant, avec les Français, du détroit des Dardanelle­s. L’attaque, purement navale, permettrai­t aux troupes d’atteindre la mer Noire, par le Détroit du Bosphore, puis de s’emparer de Constantin­ople (actuelle Istanbul), capitale de l’empire Ottoman.

Un lourd tribut Les troupes pourraient rejoindre leurs alliés russes, qui combattent l’Autriche-Hongrie engagée aux côtés de l’Allemagne. En même temps, Churchill pense réduire à néant l’armée turque, car l’empire Ottoman a rejoint le bloc ennemi depuis novembre 1914. Mais rien ne se passe comme il l’a imaginé. Les Turcs ont été armés par les Allemands. Des mines empêchent les navires de progresser. Des filets font barrage aux sous-marins. Le 18 mars 1915, Le Bouvet. une mine touche le cuirassé français Le Bouvet, parti de Toulon quelques mois auparavant. Seuls 75 marins survivent sur les 700 qui formaient l’équipage. Le capitaine Rageot de La Touche, un Toulonnais, compte parmi les victimes. Durant cette expédition, qui va durer encore plusieurs mois, d’autres navires et sous-marins seront entièremen­t détruits. Les Franco-Britanniqu­es décident de La bataille du Chemin des Dames, aussi appelée « offensive Nivelle » - nom du général Robert Georges Nivelle (1856-1924) commence le 16 avril 1917, à 6 heures du matin, alors que les soldats français tentent de briser le front allemand, sur une ligne de crête entre les vallées de l’Aisne et de l’Ailette. C’est sur ce chemin des Dames que les chars d’assaut améliorés du mathématic­ien niçois Paul Montel (lire en pages précédente­s) font leur apparition. Selon les plans de Nivelle, lancer une attaque terrestre, notamment dans la presqu’île de Gallipoli (dans l’actuelle Turquie). Nouvel échec. Les Alliés ne parviendro­nt jamais à franchir les soixante kilomètres du détroit des Dardanelle­s. La marine française et les troupes coloniales ont payé un lourd tribut, avec quelque 10 000 morts. Il y en a trois fois plus côté britanniqu­e... les poilus doivent progresser de cent mètres toutes les trois minutes, sur les trente kilomètres du Chemin des Dames. Fusils, grenades, bidons, vivres, les 180 000 fantassins sont chargés comme des mules pour gravir la pente raide, boueuse, instable et défoncée, dans le froid, la pluie et la neige. L’artillerie n’a pas ouvert les brèches escomptées.

 soldats arrêtés En surplomb, les mitrailleu­ses allemandes sont à la fête. Près de 30 000 soldats français sont tombés, dont plus de 8 000 « tirailleur­s sénégalais ». Nivelle persiste. Les revers se succèdent. Le 27 mai, les troupes refusent de remonter au front. Ce sont les « mutineries ». 130 hommes sont arrêtés, dont cinq seront condamnés à mort le 4 juin suivant et fusillés « pour l’exemple» le 17 juin. Malgré tout, les offensives vont continuer encore cinq mois, jusqu’au 27 octobre, et toujours sans succès. À la suite de ces batailles, Nivelle sera révoqué au profit de Pétain. Il y a cent ans, le  novembre, l’Armistice est signé, dans un wagon, au coeur de la forêt de Compiègne, à Rethondes. Le sénateur du Var, Georges Clemenceau, devenu ministre de la Guerre en , prend le surnom de Père la Victoire.  millions de combattant­s sont morts, dont , million de Français. Mais il y a aussi les blessés :  millions, parmi lesquels les Gueules Cassées. Ils sont défigurés. Beaucoup ne retrouvero­nt jamais leur place, ni dans leur famille, ni dans la société. Plusieurs s’abriteront des regards, au domaine du Coudon, dit des Gueules Cassées, à La Valette. Des monuments aux morts ont poussé, partout. À Peille, dans les Alpes-Maritimes et à Draguignan, dans le Var, le mot « Pax» y a été gravé. Car tout le monde souhaite que cette guerre soit la Der des Ders. Mais les séquelles sont là: frontières déplacées; économies en ruine; veuves, orphelins, mutilés à prendre en charge; lourds dommages de guerre ... Le Traité de Versailles, qui devait être celui de la paix, fait naître des ressentime­nts, exploités par les extrémiste­s : les nazis en Allemagne, les fascistes en Italie, ce pays étant pourtant parmi les vainqueurs. Sourdement, la Seconde Guerre mondiale se prépare.

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