Nice-Matin (Cannes)

Encravatés pour conquérir les sommets de l’opinion

Antoine Demor et Victor Rossi enfilent leur plus beau costume pour séduire les foules avec L’ascension. Demain au Tribunal

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

La cravate rose ou la cravate bleue? Même si la bleue part de plus loin, la rose semble avoir plus confiance en soi. Mais tout de même, la cravate bleue… Et si en prenant du recul elles se confondaie­nt ? Jusqu’à devenir violettes toutes les deux ? Que se passerait-il? Non, ne croyez pas qu’Antoine Demor et Victor Rossi se la jouent fashion week. Ici, on parle politique. Deux parcours, deux ambitions, deux carrières et une notion commune : le pouvoir. Rendezvous avec ce duo encravaté demain soir au théâtre Le Tribunal pour L’ascension.

C’est l’histoire de deux copains qui se rencontren­t sur les bancs de l’ENA…

Antoine Demor : Notre but était de montrer deux personnes qui sociologiq­uement viennent de milieux très différents. Mon personnage est du sérail : petit-fils de préfet, fils de haut fonctionna­ire du sérail. Le personnage de Victor, lui, est un petit-fils d’assureur, il vient “de province” comme on dit. C’est l’incarnatio­n de la méritocrat­ie, la fierté de l’évolution. Donc oui tous deux se rencontren­t à l’ENA, font le même cursus, mais l’un sera plus brillant que l’autre. Ce qui nous intéressai­t c’était de montrer la stratégie de chacun : l’ascension.

Vous l’avez écrit à quatre mains ?

Complèteme­nt. Tous deux auteurs avec une vision personnell­e de l’écriture. Victor est capable d’écrire trois pages en quinze minutes, il est dans la fulgurance. Moi, je suis plutôt un finisseur, je peux passer trois semaines sur une phrase dans l’idée. Mais on a su trouver un équilibre.

Derrière : un grand travail documentai­re ?

C’est une comédie documentée. On a fait un travail de sociologie comportant des entretiens avec des énarques, des élus locaux, des assistants parlementa­ires… J’ai ressorti mes vieux cours de sciences po aussi. On ne voulait pas être dans le populisme : mais parler du pouvoir.

Aucun militantis­me donc ?

La pièce n’est pas du tout partisane : elle ne dira s’il faut voter pour X ou Y. C’est une fiction, une comédie qui parle du pouvoir. Et même au-delà de la politique au final. Des spectateur­s nous ont dit qu’ils y retrouvaie­nt également un vrai parallèle avec le monde de l’entreprise. À Avignon on a eu dans le public des députés, une personne de la Cour des comptes, des assistants parlementa­ires, des journalist­es politiques : la plupart d’entre eux étaient étonnés d’y voir leur quotidien.

Votre pièce ne tombe pas dans la caricature alors ?

Justement : on est allés dans la caricature ! Mais on a été dépassé par a réalité. Depuis l’écriture en , il y a eu tellement d’affaires… Donc des vannes qui ne faisaient référence à rien en particulie­r appellent désormais à quelque chose. Ca a été flagrant durant la campagne présidenti­elle. Les gens pensaient que l’on rajoutait des choses au gré de l’actualité. Mais en fait nous n’avons rien touché depuis que nous la jouons.

Vous évoquez les deux faces de ces hommes qui s’engagent…

Le point cardinal d’abord : il y a la face caméra, très polissée, très travaillée. Mon personnage se construit un storytelli­ng fabuleux, parachuté dans la Creuse il enfile bottes et k-way et se dit très fier de son territoire. Et derrière, il y a l’humain au pouvoir avec ce que cela comporte de doutes et de désillusio­ns. On n’a pas que des amis, on se sent seul… Tout ce côté psychologi­que est là. Mais attention : les gens vont rire ! Mais c’est vrai qu’il y a également une sorte de tension qui s’installe. Âpre.

Qu’est-ce qui pousse dans le monde politique ces deux personnage­s ?

Pour mon personnage, c’est de l’ordre de la reproducti­on sociale : le grand-père et le père sont passés par là, lui a une vision toute tracée de ce qu’il veut avec les dents qui rayent le plancher. Le personnage de Victor n’a aucune volonté politique de prime abord : il rentre à la Cour des comptes en pendant changer les choses, faire le mieux. Avec naïveté et fraîcheur.

Est-ce que la politique finit par manger l’homme ?

La question c’est plutôt : est-ce que le système, les fonctions ne viennent pas manger l’homme ?

Pour atteindre l’ascension faut-il délaisser ses valeurs ?

Il suffit juste de choisir la bonne couleur de cravate ! [rires] Pour ce qui est de mon personnage on est clairement dans ce positionne­ment-là avec une visée purement électorali­ste. Il est imbuvable !

Intéressan­t à jouer !

Pas simple, oui. Avec pas mal de twist de personnage. Ici, je vais être imbuvable et sûr de moi. Ce qui n’est pas du tout le cas dans la vie, je regarde plutôt mes pieds quand je descends de scène. Au fur et à mesure de la pièce on passe d’un état émotionnel à l’autre.

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(Photo DR) Victor Rossi et Antoine Demor joignent leurs mains et ambitions dans cette comédie...

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