Nice-Matin (Cannes)

Èze: unis dans le crime, unis dans la sanction

L’accusation avait requis trente ans de réclusion. Le couple Pierru-Bergmann, coupable de l’assassinat de Drost Notthof en 2011, a été condamné hier à vingt-cinq ans de prison

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Ils sont arrivés à leur procès en niant toute implicatio­n dans la mort de Drost Notthof, un homme d’affaires allemand de 50 ans, retrouvé pendu dans sa villa d’Èze en septembre 2011. Ils ont ensuite avoué leurs turpitudes, en larmes, sous les coups de boutoir du président de la cour d’assises, Didier Guissart. Après six jours d’un procès très dense et deux heures de délibéré, Georges Pierru, 52 ans, et son épouse, Grit Bergmann, 48 ans, ont été reconnus coupables d’assassinat. La cour et les jurés des Alpes-Maritimes, à la majorité absolue, les ont condamnés à vingt-cinq ans de réclusion criminelle. Sur le banc de la partie civile, Christine, la compagne du défunt, soulagée, laissait poindre une discrète satisfacti­on. Les avocats de la défense, Me Julien Darras (pour Georges Pierru) et Me Sabria Mosbah (aux intérêts de Grit Bergmann), qui ont évité l’écueil de s’affronter pouvaient se retirer du prétoire avec la satisfacti­on du devoir accompli.

« Tandem criminel »

Dans la matinée, l’avocat général Clotilde Ledru-Tinseau a requis trente ans de réclusion. Une sanction qualifiée de « juste peine ». Dans l’esprit de l’accusation, impossible de dissocier ce « tandem criminel ». L’avocat général refuse la question : « Qui manipule qui ? » Réfute l’histoire d’un « paumé qui tombe amoureux fou d’une sorcière maléfique ». Grit Bergmann et Georges Pierru, dépeints comme « deux personnes sans histoires qui se transforme­nt en assassins », sont des « novices qui agissent comme des profession­nels ». Aux yeux du magistrat, ils n’ont qu’un mobile : « l’argent. » Onze jours avant leur crime maquillé en suicide, ils ont acheté des gants, une barre de fer et une corde. Le scénario était écrit. Une fois le forfait accompli, Grit contacte le notaire et envoie un faux testament « rédigé à deux mains ». « Ni regret ni remords », souligne Clotilde Ledru-Tinseau: «Le 25 décembre 2011, ils viennent passer la nuit de Noël à Monaco. Pour se sentir vivants, pour déjouer le sort, avoir un petit frisson ! » Et ils se marient début 2012. Les gendarmes de la brigade de recherche de Nice viendront mettre un terme à « une vie de couple heureuse et épanouie » trois ans après l’assassinat.

« Ce ne sont pas des monstres »

Au moment de plaider, Me Julien Darras se dit « en colère » .Ilestime que le réquisitoi­re fait fi de la métamorpho­se des accusés pendant le procès. « Ce ne sont pas des monstres », tonne le pénaliste niçois, persuadé que « le mobile n’est pas crapuleux » mais « passionnel. (...) Georges Pierru est un être humain, aimant, généreux, prévenant, aimable… qui a eu le courage de parler à ses juges, de faire un pas vers vous M. le président… » Georges Pierru, amoureux fou de Grit Bergmann, est décrit par son avocat comme « un enfant qui vit par elle et pour elle ». Cette grande femme cultivée, à peine installée dans l’Aude, a décidé un matin qu’elle allait supprimer Drost Notthof, son ancien compagnon. Était-il trop riche, trop joyeux, trop insouciant à ses yeux ?

Une femme « humiliée »

Me Sabria Mosbah développe l’hypothèse d’une femme « humiliée par Drost, son ancien amour », loin de l’image de « tueuse, de mante religieuse ». La victime a été tuée sans rien comprendre des obscures motivation­s d’un couple à la mécanique criminelle implacable. « Qu’est-ce que ça signifie ? », sont les derniers mots de Drost. Grit pensait hériter de ses biens. Elle voulait sa part dans la réussite profession­nelle de son ex. Elle lui avait ouvert les portes du marché russe. Est-ce la raison de sa profonde rancoeur ? Son bras armé, Georges Pierru, veilleur de nuit falot, se rêvait artiste peintre. Elle était tombée en pâmoison devant ses tableaux. Elle lui a redonné de l’estime au point de lui faire perdre la tête, de l’éloigner de ses enfants. « Je n’ai ni la force ni le caractère pour tuer un homme », a répété l’accusé. Et pourtant… il a trouvé la force insoupçonn­ée d’appuyer avec une barre de fer sur la gorge de Drost Notthof. Pour plaire à Grit ? Georges Pierru, à la fois couard et un peu roublard, dit être devenu la marionnett­e d’une femme manipulatr­ice. Ni l’accusation ni son avocat ne l’ont suivi dans cette voie. Le couple diabolique à nouveau réuni dans le box est en instance de divorce. Grit a ignoré Georges, ne l’a même pas frôlé du regard. Lui a le sentiment d’avoir été utilisé. Le crime, si préparé, si parfaiteme­nt exécuté, ne rapportera pas un euro à ses auteurs. L’amour passionnel et la vie du couple ont volé en éclats. Ne reste, de part et d’autre, qu’un champ de ruines, épilogue d’une histoire digne d’un roman noir.

 ?? (DR) ?? Grit et Georges. Trois ans de bonheur avant leur arrestatio­n.
(DR) Grit et Georges. Trois ans de bonheur avant leur arrestatio­n.

Newspapers in French

Newspapers from France