Nice-Matin (Cannes)

AUTO « Un vrai travail d’équipe »

À 26 ans, Norman Nato le sprinteur s’est glissé avec bonheur dans la peau d’un marathonie­n. Vice-champion 2018 de l’European Le Mans Series, l’Antibois a plutôt bien négocié le virage

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Du Castellet à Portimao, en passant par le temple manceau de l’Endurance, et avec un extra outre-Atlantique cet automne, il est entré direct dans le vif du sujet. S’il n’a pas pu cocher la case F au bout de son ascension jalonnée de plusieurs coups d’éclat marquants en monoplace - notamment à Monaco -, Norman Nato s’est vite fait une raison. Page définitive­ment tournée en début d’année, l’Antibois a bifurqué vers les courses longues distances. Un nouveau chapitre entamé de belle manière puisque l’Oreca  de l’équipe espagnole Racing Engineerin­g qu’il partageait avec ses compatriot­es Olivier Pla et Paul Petit est partie en trombe : victoire au Paul-Ricard, e au Red Bull Ring ! En fin de compte, le titre estampillé ELMS (European Le Mans European Series) s’est refusé à lui, certes. Mais peu importe. L’ambassadeu­r de l’ASA Croisette, rencontré au carrefour du bilan et des perspectiv­es, peut envisager l’avenir avec le sourire.

Norman, avant votre baptême du feu varois couronné de succès en endurance, auriez-vous signé pour finir vicechampi­on de l’ELMS ?

Sincèremen­t, oui. Sachant que le programme s’est concrétisé très tard, que l’équipe Racing Engineerin­g découvrait la discipline, tout comme moi, il ne fallait pas être trop gourmand. Finir e, on peut dire que c’est un bon départ. Sur le papier, l’alliance G Drive-TDS avait beaucoup plus d’arguments que nous : une expérience solide, un double programme WECELMS, beaucoup de roulages entre les courses, un équipage performant et homogène... Si nous sommes parvenus à rivaliser avec eux sur certains circuits, leur régularité a fait la différence.

Et juste après la victoire initiale aux  Heures du Castellet, vous auriez aussi signé pour ce dénouement?

On savait que notre manque d’expérience pèserait dans la balance tôt ou tard. Quand je débarque

au Paul-Ricard, mon vécu dans la voiture culmine à une trentaine de tours. Pour nous, en fait, cette manche d’ouverture servait de séance d’essais grandeur nature. Gagner, bien sûr, ce fut une chouette surprise. Mais ça aurait été trop simple de tout rafler d’entrée. En sport auto, il ne faut pas rêver. La suite l’a démontré. Tantôt nous étions dans le coup, tantôt nous manquions de perfo. Compte tenu de la concurrenc­e, la e place finale constitue déjà une bonne base. C’est prometteur pour la saison prochaine.

Ce disque de frein cassé le  août à Silverston­e qui vous écarte de la course au titre, vous le gardez coincé en travers de la gorge ?

Un peu, quand même ! Si on fait P en Angleterre, non seulement la e place finale est quasi assurée, mais nous restons également à  points des leaders. De quoi les maintenir sous pression. Après, quand vous voyez comment se passent les deux dernières courses, à Spa et Portimao, où nous évoluons un brin en retrait, les regrets se dissipent. G Drive et TDS méritent le titre, même s’ils ont commis quelques erreurs en fin de saison. Chez nous, le manque d’essais s’est payé cash. Il aurait fallu plus de constance.

Comment expliquez-vous la petite baisse de régime cet automne ?

On s’y attendait un peu, pour tout dire. Par rapport aux réglages de base adoptés sur l’auto, nous savions que certains tracés lui conviendra­ient moins. Bon, d’accord, l’équipe ne pensait pas souffrir autant en Belgique et au Portugal. On a cherché des solutions et on ne les a pas trouvées.

Malgré tout, la vitesse d’adaptation de l’écurie Racing Engineerin­g vous a-t-elle surpris ?

Au Paul-Ricard, oui, j’ai été étonné que nous soyons tous capables de signer un tel résultat d’emblée de jeu. Dans le Var, on a posé la voiture et on a roulé ! Après, surpris, oui et non. OK, ce n’est pas simple de réaliser ce genre de parcours face à des équipes s’appuyant sur plusieurs saisons d’expérience. Mais Racing Engineerin­g avait déjà l’habitude de briller en GP, en F. En les retrouvant, je savais où j’allais. La volonté, l’envie de travailler pour réussir, grandir vite, étaient là.

Quelles spécificit­és de l’endurance vous plaisent le plus ?

Cette saison, j’ai eu la chance de partager la voiture avec deux super coéquipier­s. Entente parfaite entre nous, donc on a bien collaboré. Contrairem­ent à la monoplace, où il faut d’abord battre le gars installé dans le garage d’à côté, là, nous produisons un vrai travail d’équipe. En piste, le pilote ne doit pas se contenter

‘‘ d’attaquer tout en gérant l’usure des pneus. Il doit aussi surveiller la consommati­on. Et puis il y a plus de trafic, donc plus de dépassemen­ts.

Et qu’est-ce que vous aimez moins ?

Le revers de la médaille, c’est le temps de roulage. Au total, je n’ai disputé que huit courses en . Lors des essais libres, vous rongez souvent votre frein dans le box. A fortiori quand on fait le max’ pour aider le pilote « silver » à prendre ses marques en lui laissant le volant plus longtemps. Cette petite frustratio­n fait partie de l’endurance. À moi de m’y habituer.

En juin, vous avez pu découvrir les  Heures du Mans à bord de la Dallara de la structure russe SMP Racing. Alors, séduit ?

Ouais, c’est vraiment une épreuve à part. Si les deux tours d’horloge passent assez vite, la semaine du Mans, en revanche, est assez longue. D’un bout à l’autre, mieux vaut savoir gérer son planning, son énergie, son alimentati­on. Côté ambiance, quelle expérience ! Voir toute cette foule, ces passionnés qui vibrent, c’est dingue. Idem pour le circuit. À nul autre pareil. Faire des pointes à  km/h de nuit, sur une route nationale, c’est quand même sympa. Bref, je me suis régalé. Et j’ai surtout beaucoup appris. Cette exploratio­n a agi comme un déclic. J’ai franchi un palier. Les crevaisons et autres soucis techniques accumulés n’ont pas gâché votre plaisir ? On ne va pas se mentir : comme n’importe quel pilote, je préfère me battre pour la gagne. Là, les réparation­s successive­s (problème électroniq­ue, embrayage défaillant, entre autres, ndlr) nous font plonger au classement en début de course. Après, l’important, c’était d’amener l’auto à l’arrivée. Engranger des tours, des bornes. Mission accomplie (e de la catégorie LM P).

Gagner les  Heures du Mans, c’est votre objectif numéro , désormais ?

À part vivre de mon sport, je ne me fixe pas d’objectif numéro . L’important, pour moi, c’est de faire carrière, si possible en variant les plaisirs. Si l’endurance tient aujourd’hui la corde, je n’ai pas tiré un trait sur la monoplace. Par exemple, la Formule E m’intéresse, m’attire. Parce qu’elle se déroule sur des circuits urbains, parce qu’il y a beaucoup de constructe­urs impliqués. J’espère y goûter bientôt.

Les États-Unis ?

Encore une ambiance et une voiture différente­s ! Ma participat­ion au Petit Le Mans (une manche majuscule du championna­t IMSA durant  heures, sur le circuit de Road Atlanta) m’a permis de toucher du doigt une autre facette de la discipline. Là-bas, j’ai eu une journée pour tout assimiler : les pneus, les procédures et le mode d’emploi de la Nissan Onroak DPi. Pas simple, mais je m’en suis plutôt bien sorti. De quoi avoir envie de franchir à nouveau l’Atlantique l’an prochain.

 ?

J’ai bon espoir d’avoir un emploi du temps plus chargé. Il y aura de l’endurance en Europe, peut-être aux USA et ailleurs. Je souhaite aussi participer au « Rookie Test » de la Formule E programmé courant janvier à Marrakech. Rouler un maximum, pourquoi pas en alternant les voitures et les championna­ts, voilà l’ambition !

Rouler un maximum, voilà mon ambition ! ”

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Norman Nato : « Tantôt nous étions dans le coup, tantôt nous manquions de perfo. Alors finir e de l’ELMS, c’est déjà une bonne base. Prometteur pour l’année prochaine. » (Photos Eric Damagnez)
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