Nice-Matin (Cannes)

« Être confronté aux gens qui fuient votre regard »

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Quel a été votre sentiment en apprenant cette décision ?

Jean-Pierre Gonzalez : [Il réfléchit] Très, très honnêtemen­t. Je suis évidemment satisfait que mon honnêteté soit reconnu et que mon honneur soit rétabli. Mais j’ai eu des événements familiaux – le décès de son épouse, Françoise et de son fils Jean-François – qui me semblent plus importants que cet incident. L’avantage, aujourd’hui, c’est que je connais mes vrais amis. Mais il est toujours déprimant de voir combien les personnes sont lâches.

Vous risquiez dix ans de prison et un million d’euros d’amende… N’êtes-vous pas plus soulagé ?

Jean-Pierre Gonzalez : Je savais ce que j’avais fait et ce que je n’avais pas fait. Et ça, personne ne peut pas m’enlever cette certitude : les permis étaient en règle. J’ai toujours été rigoureux comme l’ensemble du service. Je leur demandais toujours d’instruire comme si c’était le tribunal administra­tif… C’était, d’ailleurs, pour nous, une fierté de voir que nos permis ne “tomber ” pas lorsqu’ils passaient au tribunal. Le directeur et tout le service ont vraiment été rigoureux dans leurs études. J’entendais plus souvent des promoteurs et de particulie­rs qui se plaignaien­t de la rigueur qu’on leur imposait que de notre laxisme.

Vous étiez soupçonné d’avoir obtenu des avantages en échanges de faveur...

Les permis de construire­s ont été vérifiés, ils étaient tous légaux. Pendant un an et demi, la police a cherché, le directeur de l’urbanisme a été sur le gril. Il faut savoir qu’il y a dix personnes qui intervient sur un permis de construire dont l’architecte des bâtiments de France et en dernier lieu, le représenta­nt du préfet. Moi, j’étais tenu à son avis. Et je l’ai toujours suivi, toujours. C’est pour ça que moi, j’étais sûr de mon fait.

Quel a été le moment le plus difficile durant cette affaire ?

Jean-Pierre Gonzalez : C’est d’être confronté aux gens qui vous fuient du regard.

Du jour au lendemain, vous vous êtes senti comme un pestiféré à Antibes ?

Jean-Pierre Gonzalez : C’est certain… Pour beaucoup, j’étais coupable. Heureuseme­nt, j’ai eu des mots de réconforts de la part d’amis ou même de gens que je connaissai­s moins.

Il y a des gens qui vous sont restés fidèles ?

Jean-Pierre Gonzalez : Oui. Et si je devais n’en citer qu’une, je dirais Adry Merli qui m’a soutenu dès le premier jour. D’autres, évidemment, m’ont aussi aidé. [Il revient sur sa rigueur en tant qu’adjoint] Vous savez, j’ai refusé plus de permis que j’en ai accepté. Et il y en avait des dossiers très sensibles. Je ne l’ai jamais dit à la presse : en , ma femme et moi nous avons été agressés à notre domicile. On a été victimes d’un “saucissonn­age ”. Ils n’ont rien volé chez moi, ils voulaient juste m’intimider. Et me dire : “Que j’avais fait beaucoup de mal à beaucoup de gens ”. Un mois et demi avant, j’avais conseillé à la commission d’urbanisme, qui présentait un dossier sensible sans parking, de laisser le préfet prendre la décision car nous, on ne se sentait pas d’accorder le permis. On faisait vraiment attention à tout.

Maître David Rebibou : Étrangemen­t, ce dossier qui est de nature criminelle (enlèvement, séquestrat­ion) a été non instruit par la police et les services judiciaire­s. Il a même été égaré… Ce qui est assez curieux.

Vous pensez que l’on vous a piégé ensuite pour les mêmes raisons…

Jean-Pierre Gonzalez : Non, les affaires ne sont pas liées. Je dis ça pour montrer à quel point on était rigoureux dans les permis.

Avec cette ordonnance. Est-ce que l’on peut encore vous poursuivre pour ses faits ?

Maître David Rebibou : Cette décision n’est pas encore définitive. Le parquet pourrait faire encore appel, mais cela m’étonnerait puisqu’ils ont préconisé aussi un non-lieu. La Ville d’Antibes, qui est partie civile, pourrait aussi interjeter (voir encadré). Par contre, si aucun ne fait appel, alors l’affaire sera classée.

Allez-vous demander des réparation­s ?

Maître David Rebibou : On y réfléchira. Ce que l’on déplore dans ce dossier c’est la longueur de la procédure et l’infamie qui a touché mon client. Alors que la procédure aurait, certes, pu permettre cette enquête, parce qu’il y avait acquisitio­n de biens à Antibes. Mais dès l’origine, on a indiqué, ainsi que la Ville, que les permis étaient tous réguliers. Dès l’origine, on a fait une expertise des biens immobilier­s de mon client pour démontrer qu’il les avait acquis aux conditions du marché. On avait des programmes qui comportaie­nt des lots invendus ou des lots qui avaient des “désordres ”. C’étaient des biens qui n’étaient pas vendables. Alors que la justice s’est contentée, ” pour dire que Monsieur Gonzalez avait eu des prix préférenti­els, d’une expertise sur Internet. Ils ont juste tapé : estimation, bien, Antibes dans Google… sans prendre en compte les facteurs qui permettent de dire que l’on était dans une fourchette normale du marché. La vérité aurait donc dû éclater plus tôt. Et les préjudices de mon client auraient été infiniment moindres.

Qui a déposé la plainte qui a lancé cette affaire ?

Maître David Rebibou : On a des suspicions

‘‘Pour beaucoup, j’étais coupable...” ‘‘ J’ai des soupçons sur la personne qui a déposé plainte anonyment

mais c’est un témoignage anonyme comme le prévoit le code de procédure pénal. On a donc essayé de faire annuler la procédure en s’appuyant sur le fait que les conditions du témoignage anonyme n’étaient pas requises parce que normalemen­t cette dispositio­n est prévue pour protéger des témoins à l’encontre de gens menaçants, voire mafieux. On témoigne anonymemen­t quand sa vie est en danger… Là, on a à faire à Jean-Pierre Gonzalez, adjoint à l’urbanisme de la ville d’Antibes-Juan-les-Pins.

Avez-vous des doutes sur l’identité de ce témoin ?

Jean-Pierre Gonzalez : J’ai des soupçons sur un promoteur à la retraite. J’ai du mépris pour cette personne. Une personne qui a commis des fraudes à l’urbanisme, que mes services ont sanctionné et que j’ai signé...

Maître David Rebibou: C’est peut-être une personne qui aurait voulu avoir les avantages et qui n’en a pas eu…

Cela vous touche personnell­ement qu’on vous attaque sur votre travail ?

Jean-Pierre Gonzalez : Oui, j’ai beaucoup donné de mon temps. Un peu trop même alors que ma femme était malade.

Avez-vous, aujourd’hui, de la rancoeur ?

Non, je n’en ai plus.

Le non-lieu, par définition dit que la justice n’a pas de preuve suffisante pour intenter un procès. Pour certains, il y aura toujours des suspicions...

J’ai conscience de tout ça mais cela ne m’empêchera pas de vivre surtout après ce que j’ai vécu ces dernières années.

Cette affaire vous a obligé de démissionn­er. Même si vous étiez sur la fin de votre carrière politique, partir ainsi, doit vous laisser une blessure ?

Tout à fait. Cela a été une déception. Aujourd’hui, ça ne l’est plus. Le temps que je donnais à la ville, je l’ai donné à mon épouse. Je me suis même dit que j’aurais dû le faire avant. Quoique les gens puissent en penser, j’ai donné beaucoup, beaucoup, beaucoup de mon temps…

Certains ont trouvé que les élus de la majorité, auquel vous appartenez, ne vous ont pas énormément soutenu médiatique­ment ?

Je laisse à l’appréciati­on des gens [Silence].

Vous avez appelé Jean Leonetti pour l’informer ?

Je l’ai rencontré ce matin [lundi].

Cette affaire aurait pu détruire aussi votre famille.

Non, ça n’a fait que renforcer nos liens. Ma femme et mes enfants ont été très proches de moi.

Qu’allez-vous faire désormais ?

La même chose qu’avant. J’ai une vie normale, pas comme François Hollande [Sourire]. J’ai la chance d’habiter à Saint-Maymes. Je vis retiré à Antibes. Et j’y suis très heureux.

Il y a bientôt des élections municipale­s…

Oh non, non, non… Je ne vais pas faire comme le général De Gaulle. [Il l’imite] Je ne suis pas revanchard. Je suis très cool, très calme. Les décès, qui m’ont touchés, m’ont mis du plomb dans la tête.

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